Film américain, 1h29
sortie nationale prévue : 19 août 2020
Synopsis : Perdu dans la foule de Tokyo, un homme a rendez-vous avec Mahiro, sa fille de douze ans qu’il n’a pas vue depuis des années. La rencontre est d’abord froide, mais ils promettent de se retrouver. Ce que Mahiro ne sait pas, c’est que son “ père ” est en réalité un acteur de la société Family Romance, engagé par sa mère.
Werner Herzog nous fait visiter Tokyo : les cerisiers en fleurs, le pédalo-cygne rose sur le lac de l’Inokashira Onshi koen, les prédictions sur petits papiers flottants au vent, les moineaux familiers, Skytree, le shinkansen, les lampions, les robots humanoïdes, les poissons robots, l’oracle etc … etc …
Au fait, c’était pas une fiction, ce film ? Il n’y avait pas une histoire ? Si, si, mais alors vite fait. Le sujet c’est Tokyo et ses drôles d’habitudes, le mal être et la solitude des tokyoïtes qui sont peu ou prou rattrapés par le monde virtuel où on s’invente des vies, où on n’a plus besoin d’épées en vrai pour se faire hara kiri. Intéressant et de belles images bien sûr, certaines vues du ciel, Werner Herzog se laissant tenter par le drone …. les cerisiers, les passages piétons, c’est beau ! Des scènes et des sujets de réalité fiction se détachent comme avec la petite Airi, peau trop foncée, cheveux frisés, ostracisée ou encore avec le manager de l’hôtel qui se demande très sérieusement ce qui se passe dans la tête de ses « hôtesses » entourées de poissons aussi robots qu’elles, ou aussi celle de l’animalerie : à Tokyo les hérissons n’ont pas de puces et sont nourris avec une pince à épiler !
Et la fiction … Pourquoi Werner Herzog a-t-il voulu faire entrer une histoire dans son documentaire ? M’est avis que ça aurait été mieux sans car il en résulte un drôle de film bancal. Côté acteurs, si Ishii Yuichi s’en sort bien dans le rôle du père, Mahiro Tanimoto dans celui de la fille ne m’a pas convaincue. Il aurait fallu qu’elle crève l’écran. Mal dirigée dans un rôle pas suffisamment écrit ?
Pas pu m’empêcher de penser à ce que Kore Eda aurait fait de ce scénario.
Par la magie de son personnage principal, sa loufoquerie ambiante et la grâce d’une chanson, le film « Bagdad Café » reste gravé dans ma mémoire. A sa simple évocation, je me sens envahie d’un sentiment de joie et un sourire éclaire généralement, le visage de l’interlocuteur qui a vécu la même expérience que moi.
Souvenez-vous !
Ca commence par une scène de ménage en plein désert, avec pour témoin, le bitume, la poussière, la terre ocre jaune, un container rouillé et un soleil de plomb. L’homme jette sa colère sur le vieux container ; il hurle : Jasmine, reviens ! Jasmine ne bronche pas et continue d’écrire. Il lui jette un peu d’eau au visage ; elle le gifle ; une valise est sortie du coffre ; la voiture démarre avec l’homme seul au volant puis revient, dépose une thermos à café jaune pétant sur le bas-côté et repart. Jasmine vient d’être débarquée au milieu de nulle part avec son bagage : une valise dont le contenu ( les fringues bavaroises de son mari) sera une source de déception, mais plus tard, révèlera son trésor de magie, au sens propre comme au sens figuré.
Ce long ruban d’asphalte gris courant à perte de vue, cette grosse dame allemande engoncée dans un tailleur en loden vert, coiffée d’un chapeau tyrolien lui-même surmonté de trois plumes noires. Ah ! Ces trois plumes qui dodelinent à chaque pas de la grosse dame traînant sa valise ! Si elles expriment à la fois le ridicule et la fragilité de la situation, elles annoncent aussi l’insolite, l’inattendu, l’originalité, la grâce et la légèreté qui va émerger plus tard, du film et des personnages. Elles sont vivantes ces plumes et font de l’oeil au spectateur , comme pour lui dire : tu vas voir ce que tu vas voir.
Souvenez-vous !
Jasmine atterrit au Bagdad café, qui ne sert plus de café parce qu’on a oublié de racheter un percolateur neuf, un motel minable au bord de la célèbre « road 66 » qui reliait Chicago à Santa Fé sur environ 3 700km.
Souvenez-vous !
Jasmine face à Brenda affalée dans son fauteuil déglingué, chacune essuyant ses larmes. Deux séparations . Deux femmes larguées par leurs maris, perdues au milieu du désert. Un fils fan de Bach, une adolescente fantasque, un peintre hippie, un serveur indien lymphatique, une tatoueuse muette et un campeur lanceur de boomerang. Une communauté de gentils originaux, en dehors de « l’american way of life », éjectés du rêve américain. Brenda, la patronne du motel, femme meurtrie et détestable au premier abord, compte bien se débarrasser de la grosse allemande avec l’aide de la police. Brenda juge, condamne, vitupère, hurle, s’agite. Jasmine observe, utilise le mot juste, pas un de plus, aide et enfin ouvre son cœur et sa valise magique. Ce sera la débauche . Une débauche d’inventivité, de joie, d’amitié, de couleur, de générosité, de bonté.
Souvenez-vous !
« Bagdad Café » c’est l’histoire d’une formidable amitié entre deux femmes qui n’ont rien en commun sinon d’avoir perdu dans le jeu de la vie et qui vont regagner ensemble leur propre pouvoir sur leur destinée. Ce pouvoir retrouvé passe par la confiance et la bonté redonnées à soi-même et à l’autre. Jasmine déploie ce qu’elle a de meilleur en elle pour aller toucher ce qu’il y a de meilleur en Brenda. C’est contagieux la confiance et la bonté sans restriction. Les clients affluent désormais, dans ce boui-boui miteux parce que s’y épanouit la vie joyeuse. Chaque personnage est atypique et chaque personnage à la possibilité de faire émerger son talent et le meilleur de lui-même parce que la liberté de le faire lui est offerte. Brenda, la gérante gueularde, devient une formidable meneuse de revue ; l’adolescente rassurée se stabilise, le fils développe ses dons de pianiste, le serveur retrouve son enthousiasme et le peintre n’en finit plus de créer des portraits de Jasmine, qui ,elle non plus, n’échappe pas à la transformation. Le tailleur en loden étriqué est remplacé par des jupes et des blouses légères, colorées et virevoltantes. Les formes généreuses de la magicienne, longtemps corsetées dans la rigueur allemande, s’épanouissent dans une offrande délicate de chair laiteuse, dévoilée, révélée et peinte avec amour et gourmandise par un peintre rendu amoureux de son sujet.
Souvenez-vous !
Cette belle harmonie, cette célébration de l’entente, de l’unité de l’espèce humaine dans la différence. »Bagdad Café » , vous l’avez peut-être vous aussi, dégusté comme un bon café libérant au fur et à mesure, ses arômes burlesques et tendres, son humanisme joyeux.
Souvenez-vous !
Souvenez-vous de la beauté des images aux couleurs exacerbées, des photographies en technicolore, du cadre où tout transpire de couleurs. Dans mon souvenir « Bagdad Café » est bleu et jaune comme sur l’affiche. Bleu comme le ciel de ce coin perdu. Bleu comme la tenue pailletée de Brenda quand elle se livre à son numéro de music hall. Bleu comme la lumière qui nimbe la chambre où Jasmine pose pour Rudi Cox. Il est jaune aussi, comme le sable omniprésent, comme le soleil de plomb, comme la citerne d’eau juchée sur son pylône, comme cette insolite bouteille thermos jetée sur la route.
Enfin souvenez-vous !
« Calling you », l’envoûtante chanson interprétée par Jevetta Steele. Mais vous ne pouvez pas l’avoir oubliée. Elle est restée gravée dans vos oreilles et votre cœur.
Mais peut-être avez-vous oublié comme moi, le nom de ces deux actrices formidables qui n’ont jamais retrouvé de rôles aussi beaux : Marianne Sägebrecht interprétait Jasmine et Carole Christine Hilaria Pound interprétait Brenda. Trente deux ans après, le film reste le seul succès à l’international que connaîtra son réalisateur Percy Adlon. Pourtant le film avait été un des plus grands succès de l’année 1988, particulièrement en Allemagne et en France. Devenu film culte, il a été restauré en juillet 2018 pour enchanter la jeune génération de cinéphiles et pour en savourer à nouveau, le trésor d’humour et d’émotion.
Film israélien de Jean-Pierre Lledo 2h20 Date de sortie : prochainement
Synopsis : Mon oncle maternel avait quitté l’Algérie en 1961… J’avais 13 ans. Et depuis je n’avais plus eu de relation, ni avec lui, ni avec sa famille… Je n’étais pas non plus allé à son enterrement, il y a 10 ans… Je l’aimais pourtant. Ce n’est donc pas lui que j’avais boycotté, mais le pays qu’il avait choisi… Israël. Qu’est-ce qui durant plus de 50 ans avait empêché le Juif algérien communiste que j’étais ? Ma fille Naouel a voulu m’accompagner dans cette aventure et j’ai accepté. Une dette à rembourser. Partie I : Kippour : Une famille oubliée, les Juifs d’Algérie, eux aussi perdus de vue, n’avoir rien transmis à mes enfants, m’être complu dans l’ignorance… Arriverai-je à me débarrasser de toutes mes fautes ? Car d’Israël, je dus vite l’admettre, je ne savais rien. Ni de son passé, ni de son présent. Un mot mystérieux et oublié que ma mère utilisait souvent, m’en ouvre soudain les portes, « Tcharbeb « …
Israël, le voyage interdit partie 1 : Kippour c’est la recherche d’un complément à l’histoire familiale d’un père, Jean-Pierre Lledo accompagné de sa fille Naouel, qui devient pour le spectateur un documentaire passionnant sur une famille mais aussi sur un pays et des gens qu’ils y ont rencontrés lors de leur pèlerinage. Un récit tout en retenue. Les portraits sont sensibles et les témoignages, poignants. Le rituel des pierres, les Écuries de Salomon, le Dôme des Rochers, le mont du Temple et leur histoire commune, les cabanes et l’explication de la bénédiction visant l’union collective, ceux qui ont tout, symbolisés par le cédrat, ceux qui ont un peu, symbolisés par la feuille de palmier et la myrthe et ceux qui n’ont rien symbolisés par la branche de saule, autant de découvertes pour moi par ce film. Jean-Pierre Lledo cite pour conclure cette première partie cette phrase du poète Heinrich Heine « la Torah, patrie portative des Juifs exilés et dispersés de par le monde ». Ajoutons que le montage est de Ziva Postec qui signa celui de Shoah de Claude Lanzman.
Un film à voir
A noter que ce film sera suivi de trois autres, déjà tournés, dont les dates de sortie ne sont pas encore connues non plus : partie 2 : Hannoukka, partie 3 : Pourim et partie 4 : Pessah
Hiver 1998. Je sors de la projection de « Festen », film réalisé par le danois Thomas Vinterberg. Je suis abasourdie, muette, taraudée par une angoisse sournoise. Les critiques en parlaient comme d’une bombe cinématographique ; je viens de me prendre la bombe en plein visage ; elle diffuse son malaise brutal et tenace. Incapable de dire une phrase qui exprime ce que je ressens vraiment, je me contente de me demander si j’ai bien compris, si j’ai bien vu, si j’ai bien compris ce que j’ai vu. J’ai le sentiment d’avoir été l’un des invités témoins de cette fête de famille . « Festen », la fête, à laquelle la famille et les amis du patriarche Helge, ont été conviés pour ses soixante ans. La fête familiale s’est transformée sous mes yeux en festin théâtral dénonçant l’appétit sexuel de l’ogre patriarche, amateur d’enfants, les siens, ses deux aînés , Christian et sa sœur Linda.
Voilà la réalité inconcevable que mon cerveau a du mal à admettre. Je suis dans le déni, comme les invités de Helge. Ce n’est pas possible. Ce père débonnaire ne peut pas être le prédateur et le bourreau de ses propres enfants et qui plus est, sous le regard complice de la mère qui nie farouchement les faits. Mais en même temps, la détermination farouche du fils aîné Christian, de révéler les abus dont lui-même et sa sœur ont été victimes, s’impose tel un bulldozer. Sa force d’inertie a laminé les apparences bien lissées d’une famille bourgeoise propre sur elle, bien blanche, parfaitement idéalisée, pour révéler avec volonté et cruauté, les non-dits et les secrets bien gardés d’une famille qui se veut irréprochable.
Voilà la réalité inacceptable : voir le masque de la famille modèle être enlevé, pour ouvrir les portes du cauchemar et des révélations sordides. Linda a fini par se suicider, Christian qui a pu fuir, garde des séquelles qui impactent sa vie d’homme.
Réalité inacceptable ! Christian est forcément fou ! Il faut l’excuser. Mais il insiste. Il faut le faire taire à tout prix. A n’importe quel prix. Le bâillonner, l’éloigner, le déstabiliser, le culpabiliser, l’empêcher, lui casser la figure, le ligoter…
Il y a maintenant vingt-deux ans que j’ai vu « Festen », mais je peux encore ressentir cette sidération, ce silence obstiné qui nous a envahis, mon compagnon et moi à la sortie de la salle de cinéma.
Dans ce film coup de poing, il y a de la critique sociale au vitriol et de la crudité sans fard et l’intrigue se déroule en moins de vingt-quatre heures à un rythme effréné. Tout de suite, on perçoit le côté sombre et la violence des rapports entre les protagonistes. La fête va se déliter implacablement, sous les révélations, d’abord mesurées puis de plus en plus affirmées de l’aîné Christian, sommé par le père, de prononcer un discours. La tablée est venue pour s’amuser, s’empiffrer et picoler. Ils ne sont pas venus pour s’entendre dire que leur père, leur mari, leur frère, leur ami a été un père incestueux sous le regard faussement aveugle de sa femme. Mais peu à peu, les masques tombent, le spectateur assiste, médusé, à un étalage d’hypocrisie poisseuse, le film frôle le surréalisme et la violence des protagonistes crève l’écran pour mettre le spectateur K.O.
Partagée, encore aujourd’hui, entre attraction et répulsion, je ne sais pas si j’aurais envie de le revoir. Pourtant, j’y vois cinq bonnes raisons.
1- le récit est d’une intensité dramatique extraordinaire par la cruauté et les failles psychologiques qui animent les personnages.
2- Conçu dans le respect des règles du Dogme 95, rédigé par Lars Von Trier et Thomas Vinterberg lui-même, « Festen » a été tourné dans des décors et lumières naturels, caméra à l’épaule, son en prise directe, sans musique additionnelle.
La mise en scène qui se tient au plus près des personnages permet au spectateur de comprendre et ressentir le mal-être exprimé.
3- Le sujet brut, la pédophilie, est traitée sans voyeurisme. Le film ne tourne pas autour du pot mais les abus du père sur ses deux enfants sont seulement suggérés, jamais mis en images. C’est un film qui constate des choses, rend compte de comportements humains sans donner de réponse.
4- Magnifiquement interprété par des acteurs à fleur de peau, le film est porté par la force de leur présence et de leur interprétation. Chacun à sa place évolue, change, se heurte, se confronte dans un théâtre des sentiments.
5- Enfin, le film a été multi récompensé :
Prix du jury au festival de Cannes en 1998
César du meilleur film étranger
Meilleur film en langue étrangère au Golden Globe
Thomas Vinterberg a déclaré avoir eu envie de faire ce film quand une amie lui a raconté l’histoire vraie d’un homme qui, le jour des soixante ans de son père, a mis les crimes du patriarche sur la table. Le sujet n’est pas à la mode, à l’époque, et son producteur lui suggère de le remplacer par le sida, beaucoup plus porteur, selon lui. Mais le réalisateur persiste. Non seulement il tournera un film sur la pédophilie mais il le fera en vidéo avec une caméra de piètre qualité et selon les règles du Dogme 95, aux antipodes des productions en studio. Un dogme jeté aux oubliettes par leurs concepteurs-mêmes.
Un film à revoir, c’est sûr, d’autant qu’il a été restauré en 2018.
Marie-Annick
Merci et à Mercredi pour un nouveau « souvenir de Bobine »
film documentaire d’Otar Iosseliani
France / 1988 / 56:28
Des moines, des villageois, leurs vies, leurs chants.
Hier encore j’ignorais l’existence même du cinéaste Otar Iosseliani, auteur d’une quinzaine de films souvent primés.
Otar Iosseliani est né en 1934 à Tbilissi, Géorgie et s’est installé en France en 1982.
Grâce à www.cinematheque.fr/henri, aujourd’hui est un autre jour.
En 1988, Otar Iosseliani a une cinquantaine d’années quand il réalise pour la télévision ce documentaire sur Castenuovo dell’Abate, province de Sienne.
Il le conclue par ce texte : « Ici se termine la première partie de ce film, la suite sera tournée dans une vingtaine d’années en ce même lieu et avec les mêmes personnages, si tout va bien »
Tout n’a pas bien été.
Le monastère Sant’Antimo est devenu un hôtel de luxe et le village, Castelnuovo dell’Abate, un domaine Airbnb.
Plus de moines, plus ces villageois-là.
Raison de plus pour se plonger avec ce documentaire dans un monde et un temps disparus.
Si le film commence au monastère avec les cinq frères augustins français, au rythme des offices, il nous conduit vite au village et ses habitants et à ce qui les fait vivre : les champs, la vigne, les animaux, les oliviers.
On pénètre dans un village et sa diversité, l’église San Sebastiano où les plus nantis se montrent à la messe du dimanche, en fourrure, les souliers impeccables quand les plus humbles communient chez les moines, la différence de classe allant se nicher là aussi.
Le repas partagé et le bal populaires, la valse musette sans lâcher la clope, la marche aux flambeaux, le châtelain, le miséreux, le café peuplé d’hommes, le chianti, bien sûr, partagé parfois avec un moine (au physique de jeune premier !), ce même moine qu’on voit plus tard remonter quatre à quatre à sa cellule chercher son livre de prières oublié !
Les femmes aux champs, au lavoir, au repassage, à la cuisine. Les femmes partout et invisibles même de ce moine venant récupérer son habit immaculé et n’ayant pas un regard, pas un mot pour la vieille femme, tenant le fer, à son service.
Sans nostalgie pour ça !
Et toujours ce petit paysan, maniant la faux et la faucille, transporté par son chant et dont j’espère me souvenir longtemps.
C’est ça aussi un film préféré : un film précieux qu’on protège, qu’on garde au chaud, intact et dont on préserve le souvenir. Dieu sait que la musique de Maurice Jarre vous a saoulés et puisque vous lisez ces lignes ça y est Un jour, Lara … c’est reparti ! Moi, cette musique, c’est magique, m’emportera toujours au pays de mes premières salles obscures.
Docteur Jivago (1965) de David Lean est un de mes films préférés. Vu une seule fois, il y a une cinquantaine d’années et jamais oublié. Je me souviens de tout. Jamais je ne l’oublierai ni ne le reverrai, le risque d’une deuxième fois étant beaucoup trop élevé et ce serait même peut-être fatal ! Film d’amour, d’aventure et film géographique et historique. Ce film m’a impressionnée, émue, fait rêver, m’a transportée, dépaysée, m’a fait pleurer. Le bonheur ! Je frissonne encore devant une photo d’Omar Sharif époque 60/70, l’affiche me met en transe, Youri est un prénom que j’adore et le couple Lara/Julie Christie-Youri/Omar Sharif est pour moi, à jamais, un des plus beaux couples de cinéma. Là, en y repensant, pour cette rubrique du blog, j’ai à nouveau 15 ans … Je l’ai mangé ce film, tout cru et sans rien laisser. D’où l’importance de l’âge et des circonstances pour voir un film.
Tiens, je me la remets.
Marie-No
Merci et à vendredi pour un nouveau « souvenir de Bobine »
Film muet (63mn) sorti le 5 octobre 1928 avec Jean Debucourt, Marguerite Gance, Charles Lamy
Synopsis : Allan vient au secours de son ami Roderick Usher, qui vit dans une maison où règne une atmosphère étrange. Lady Madeline, sa femme, meurt dans de mystérieuses circonstances. Son mari refuse de croire à cette mort et interdit de clouer le cercueil. Il est persuadé que sa bien-aimée va revenir. Elle reparait une nuit et le couple s’enfuit tandis que la demeure s’écroule.
« Tout concourt dans ce chef-d’œuvre à son unité. La maîtrise absolue du montage, du rythme où le ralenti, les surimpressions, les travellings, la caméra mobile jouent leur rôle et jamais gratuitement : il n’y a pas une image, un procédé technique qui ne soient là pour embellir le film ; ils sont là pour nous impressionner dans le sens le plus noble comme les images et la cadence d’un vers. La qualité de la photographie, digne des plus grands chefs-d’œuvres du film allemand où grâce à l’orthochromatique les gris sont gris, les blancs sont blancs et les noirs d’un velouté unique … » Henri Langlois, Les Cahiers du cinéma, juin 1953
C’est un vrai cadeau que nous fait la Cinémathèque !
Jean Epstein (1897-1953) a réalisé une quarantaine de films de 1922 à 1948 dont beaucoup d’adaptations littéraires comme L’Auberge rouge en 1923 inspiré du roman de Balzac, L’Homme à l’Hispano en 1933 d’après le roman de Frondaie ou encore La femme du bout du monde en 1938 inspiré du roman de Serdac. Le scénario de La chute de la maison Usher est signé Luis Buñuel d’après Le portrait ovale et La Chute de la maison Usher d’Edgar Poe. Sur le film, Luis Buñuel est aussi l’assistant de Jean Epstein. Il a alors 28 ans, a déjà travaillé précédemment comme assistant sur 3 autres films et pour la première fois sur Mauprat de Jean Epstein en 1926. En 1929, après La chute de la maison Usher, Luis Buñuel signe son premier film en tant que réalisateur Un chien andalou et ça c’est une autre histoire …
La chute de la maison Usher, ode morbide d’un artiste pour l’objet de son inspiration, est envoûtant, aussi, grâce à son acteur principal Jean Debucourt, halluciné et hallucinant. Fascinant. Jean Debucourt (1894-1958) acteur sociétaire de la Comédie française, enseignant à l’Ecole de la rue Blanche et au conservatoire, metteur en scène, tourna beaucoup pour le cinéma, dans plus de 100 films ! Il est enterré à Egreville où il passa sa jeunesse au château de sa famille maternelle, les Berne-Bellecourt. Le château sera par la suite vendu au compositeur Jules Massenet. Jean Debucourt eut quatre fils. C’est stupéfiant comme Alain lui ressemblait …
Marie-No
PS : Il existe une autre version datant de 1960 House of Usher de Roger Corman avec, dans le rôle de Roderick, Vincent Price qui jouera, bien plus tard, le rôle de l’inventeur d’Edward aux mains d’argent de Tim Burton
The Light of my life de Casey Affleck 1h59, américain
Dans la famille Affleck, je demande Casey, acteur, producteur, scénariste, monteur, réalisateur. Après I’m still here en 2010, The Light of my life est son second long métrage tourné en 2017, classé Science fiction lors de sa production ainsi qu’à la Berlinale 2019 et lors de sa sortie nationale aux US et Canada en Août 2019 .
En France la sortie nationale étant prévue le 6 mai 2020, on ne parlera plus de Science fiction mais plutôt de thriller réaliste.
Casey Affleck a eu du flair ! Ca fait 10 ans qu’il le prépare. Bingo !
En plus de son scénario, le film est superbement joué par le duo d’acteurs que forme Casey Affleck himself et la talentueuse Anna Pniowski, les images sont à couper le souffle, c’est lent comme il faut et haletant, on est pris dans l’histoire. Le dernier quart d’heure est très très américain et pas très bien maitrisé, je trouve.
Un film intéressant à soumettre à la prochaine réunion de programmation.
Peut-être qu’une bonne dizaine de minutes en moins n’aurait rien gâché.
Marie-No
Au départ, c’est la même histoire. Une idée de fait divers, d’affaire criminelle comme il y en a tant d’autres et occupent les médias et réseaux sociaux, exemple « Faites entrer l’accusé » pour ceux qui, comme moi, regarde cette émission débordant d’idées de scénarios de films dramatiques, régurgitant les effets tragiques de notre monde. Cette idée de fait divers, c’est Gonzalo Tobal qui, d’abord l’a développé, déployé dans son film Acusada et Stéphane Demoustiers l’a, en suivant, ré-enveloppé, resserré dans La Fille au bracelet. Dolorès/Lise est une jeune fille de 18 ans qui vit dans un quartier résidentiel, entourée de sa famille, sans vague, sans histoire. Sans histoire sauf que, des histoires il y en a toujours. Elles sortent ou pas et les deux films montrent dès le début, ou très vite, le bracelet électronique que porte Dolorès /Lise : elle est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie. Ouah !
Si Gonzalo Tobal nous promène autour du procès, au cœur du foyer familial, la majorité du temps hors les murs du tribunal, dans la maison, Stéphane Demoustiers, lui, traite le sujet en majorité dans le tribunal intra muros pour un film de procès. Dans les deux versions, il s’agit d’un thriller, d’une tragédie familiale avec, au centre, Dolorès/Lise, une personne inconnue qui fait partie de la famille depuis 18 ans, depuis qu’elle est née. Et dans les deux versions la description du ravage familial est magistrale.
La version « clinique » de Stéphane Demoustiers m’a davantage marquée et son casting prestigieux me ravit encore. D’abord c’est la mer, la plage plutôt, ils sont là, le père, la mère, la sœur, le petit frère, posés là dans leur pré carré, chacun dans son petit espace personnel, sur leur drap de bain, presque nus, presque proches. Il fait chaud, l’air est gris. Quand les gendarmes arrivent, pour cueillir cette jeune fille en fleur, personne ne bronche. Chez ces gens-là, on ne fait pas de grands gestes, on ne fait pas d’esclandre. A partir de là, le truc ça va être d’essayer d’occulter le bracelet et attendre la suite, chacun pour soi, les œillères réajustées tant bien que mal. On se parle sans se parler, on s’arrange, on jongle avec sa vérité. Lise communique peu. Pas trop hâte de savoir. On attend. Quand arrive le procès, on y est, physiquement, dans la salle de tribunal et par le rythme du film, les longs plans séquences, toute distraction, est impossible. Si on peut, parfois, peut-être, se poser des questions sur le bien-fondé de la cage en verre, pour ce film il est très judicieux et habile d’avoir placé l’héroïne dans ce décor de tribunal moderne (ici celui de Nantes), pour matérialiser, figurer la bulle dans laquelle Lise existe et vit, séparée par un mur invisible de l’espace où existent et vivent ses parents. Sa bulle ne manque pas de place pour ceux qui pourraient l’y rejoindre, choisiraient d’y entrer. Pour l’heure, elle est seule, la tête haute pour entendre et répondre aux questions qui vont lui être posées. Les témoignages et plaidoiries servent de dialogues. C’est brillant. On voit avec les yeux des parents et le fait que ce soit un film de procès agit comme un miroir grossissant sur les questions de compréhension, d’incompréhension, d’attention, de manque d’attention, à quel point connaît-on ses propres enfants, jusqu’où est-on prêt à les aimer ? Comment cohabiter et connaître mieux l’autre et pas seulement entre deux générations. La procureure, ambitieuse, impitoyable, (jouée magistralement par Anaïs Demoustiers), et l’accusée, inquiétante et troublante (formidable Mélissa Guers dans son premier rôle), font quasi partie de la même génération. Que comprenons-nous aux adolescents devenus jeunes adultes, que savons-nous de leurs amitiés, de leurs amours ? Les juges, jurés, avocats et adultes présents dans l’assistance ne comprennent pas leurs mœurs et les condamnent, par réflexe, par défense. Pour quel fait Lise Bataille va-t-elle être jugée ? à quel point les médias et les réseaux sociaux que nous avons vu (laissé) prendre le pouvoir, en manipulant, sinon la vérité, du moins la réalité affectent-ils les comportements ? quelles marques le flux incessant d’images laisse-t-il dans nos vies ? Le film montre aussi l’influence qu’a la durée de l’instruction et comment, dans une affaire judiciaire, tout est forcément faussé.
La dernière scène finira de troubler l’eau du bocal Innocente ou coupable, Lise ?
Un film de Thomas Caillet (1h38) sorti le 20 août 2014 avec Adèle Haenel, Kevin Azais, Brigitte Roüan
Il passe à la télé. Les mots me manquent Si je l’avais vu à sa sortie, il y a presque 6 ans, je n’aurais pas noté ce mot qui maintenant nous a envahi. Et, comme Madeleine/Adèle, je n’aurais pas cru à ça …
Le film est formidable, les dialogues très soignés. Un conseil : activer le sous-titrage en français. Ça permet de ne rien rater car ce n’est pas toujours très bien articulé, les acteurs sont très très bien choisis et très émouvants. Une scène marquante sur les incendies de forêt spontanés. Quand la nature se débrouille toute seule pour survivre. On pense à l’Australie.