Et maintenant, on va où ?

Danièle, en me proposant avec Henri il y a quelques années de rejoindre la commission, tu as d’un coup embelli ma vie !  Je me souviens m’être sentie très honorée. Moi, à la commission des Cramés !
Tu ne doutais pas et ta confiance m’a donné confiance.
Ton regard était puissant, Danièle, il portait haut et dans tes yeux, on se voyait intéressant. Tu as aussi réussi à me convaincre de me lancer à présenter des films ! Une vie de Stéphane Brizé a été le premier. « Tu verras, ça sera de plus en plus facile » Tu m’encourageais et j’ai persévéré, guettant ton regard, moi aussi, toujours. « Ça allait ? »
Le temps avec toi a été trop court, tant de jours et tant de soirées manquent. Tant de déjeuners du mardi. Je voulais De toutes mes forces que ça dure toujours, Demain et tous les autres jours. Je me retiens de hurler
Ne croyez surtout pas que je hurle. En matière de films, on n’était pas toujours d’accord, on en discutait et on en riait bien ! Mes propositions en commissions te faisaient parfois sourire et je souriais aussi. Mais on se retrouvait sur beaucoup d’autres.
Danièle, tu avais la classe, la très grande classe, tu étais belle, rayonnante, comme éclairée de l’intérieur.
Nous étions amies. Quelle chance j’ai eue !
« Et souvent, quand un jour se lève, triste et gris
Quand on ne voit partout que de sombres images,
Un rayon de ciel bleu glisse entre deux nuages
Qui nous montre là-bas un petit coin d’azur » (Maupassant lu par Judith Chemla dans Une Vie)
Même César doit mourir.
Danièle, je te garde dans mon coin de ciel bleu et je vais t’envoyer désormais plein de dialogues et d’images que tu partageras avec tous Les Biens aimés qui sont à tes côtés, Derrière la colline, dans La Chambre bleue, où un jour, passant alors D’une Vie à l’autre,  je te rejoindrai pour L’Echappée belle. Voilà ce que je souhaite. I wish !
Pour l’heure, je vais goûter encore un peu le sel de la vie, Le Sel de la Terre, je vais garder encore un peu … comment ça s’appelle déjà ? tu sais cette pierre qu’on pose devant soi… à qui on confie tout ce qu’on a sur le cœur … On lui parle, on lui parle … Et la pierre écoute, éponge tous les mots, nos secrets, Les secrets des autres, jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate. Et ce jour-là, on est délivré de toutes ses souffrances, de toutes ses peines… versant alors des Larmes de joie … Comment appelle-t-on cette pierre, déjà ? »
Ah, oui ! Syngué Sabour

Marie-No

Vu en prévisionnement : Vers la bataille de Aurélien Vernhes-Lermusiaux

Vers La Bataille : PhotoFilm français/colombien, 1h30
avec Malik Zidi, Leynar Gomez
sortie nationale prévue le 22 juillet 2020

Synopsis :Vers 1860, Louis, un photographe, réussit à convaincre un général de l’armée française de l’envoyer au Mexique pour prendre des clichés de la guerre coloniale qui y fait rage. Sur place, perdu entre les lignes, toujours à contretemps, Louis est incapable de trouver les combats et de prendre le moindre cliché. Sa rencontre avec Pinto un paysan mexicain auquel il va lier son destin, va le conduire à découvrir, non la gloire et l’argent, mais un moyen d’affronter les fantômes de son passé.

Vu même deux fois en prévisionnement.
La première fois, pas préparée, comme débarquée, le contexte, cette guerre menée par la France contre le Mexique à la fin du XIXème m’a désorientée.
Il faut pouvoir écarter l’époque pour voir le film.
Alors, la deuxième fois, j’ai vu la recherche par un père, précurseur du métier de photographe de guerre, d’un fils disparu. La recherche du cliché inexistant, inaccessible et impossible, L’obsession de la mort de son enfant, l’encombrement illustré par ces kilos de matériel dont il se charge et qu’il porte vers la bataille, l’ultime bataille, sur son lent chemin de croix, vers sa délivrance. Vu comme il lui faut souffrir et persévérer pour atteindre ses fantômes.
Pas convaincue la première fois par le choix de l’acteur principal, Malik Zidi trop jeune pour le rôle bien qu’il en ait l’âge. Vue, la deuxième fois, la pertinence de ce choix qui tend à se faire confondre le père et le fils dans une même chair.
Les deux fois j’ai été happée par les images magnifiques, signées David Chambille (Jeanne, En attendant les hirondelles) et la musique contemporaine de Stuart A. Staples qui colle si bien aux émotions, aux sentiments de Louis dans sa bataille intérieure.
Film très intéressant. A découvrir en salle.

Marie-No

Michel Piccoli 1925-2020

Michel Piccoli, né un 27 décembre, est mort ce 12 mai, à l’âge de 94 ans.

En 1943, à 18 ans, il décide que sa vie sera vouée au jeu et il peut commencer son itinéraire en 1945, la guerre finie, sur les planches avec Vitaly, Michel de Ré, Douking, J.M. Serreau, Sundström, Vitold, Jean Vilar, Barsacq, J.L. Barrault, Peter Brook, Boulez, Bob Wilson … et sur les plateaux avec Christian Jaque, Louis Daquin,GettyImages 607404800 Le Chanois, Delannoy, Renoir, Astruc, René Clair, Buñuel, Chenal, Lorenzi, Melville, René Clément, Godard,
Michel Piccoli : 90 ans d'une légende - Le PointAgnès Varda, Costa-Gavras, Alain Resnais, Peter Ustinov, René Clément, Jacques Demy, Nadine Trintignant, Michel Deville, Marco Ferreri, Cavalier, Clouzot, Hitchcock, Allégret, Claude Sautet, de Broca, Faraldo, Girod, Rouffio, Tavernier, Bertuccelli, Bellocchio,
Avec Michel Piccoli dans Mauvais Sang, un film de Leos ... Granier Deferre, Ettore Scola, Lelouch, Youssef Chahine, Claude Chabrol,
Doillon, Leos Carax,
Louis Malle, Jacques Rivette, Manoel de Oliveira, Ruiz, Bonitzer, Marcel Bluwal, Bertrand Blier, Elia Suleiman, les frères Larrieu, Bonello, Angelopoulos, Nanni Moretti, Thomas de Thier, Bertrand Mandico …
Vertigineux

Michel Piccoli a mené sa barque au fil des temps de sa belle vie de comédien, nous a accompagnés, plaçant des marques et des repères, des histoires et des images qui se proposent chacune leur tour, selon les jours, à nos mémoires.
Merci d’avoir existé, merci pour tout ce que vous nous avez donné, merci pour tout ce que vous nous laissez.

Marie-No

Vu en prévisionnement : Family Romance LLC de Werner Herzog

Family Romance, LLC : Affiche

Film américain, 1h29
sortie nationale prévue :  19 août 2020

Synopsis : Perdu dans la foule de Tokyo, un homme a rendez-vous avec Mahiro, sa fille de douze ans qu’il n’a pas vue depuis des années. La rencontre est d’abord froide, mais ils promettent de se retrouver. Ce que Mahiro ne sait pas, c’est que son “ père ” est en réalité un acteur de la société Family Romance, engagé par sa mère.

Werner Herzog nous fait visiter Tokyo : les cerisiers en fleurs, le pédalo-cygne rose sur le lac de l’Inokashira Onshi koen, les prédictions sur petits papiers flottants au vent, les moineaux familiers, Skytree, le shinkansen, les lampions, les robots humanoïdes, les poissons robots, l’oracle etc … etc …
Au fait, c’était pas une fiction, ce film ? Il n’y avait pas une histoire ? Si, si, mais alors vite fait. Le sujet c’est Tokyo et ses drôles d’habitudes, le mal être et la solitude des tokyoïtes qui sont peu ou prou rattrapés par le monde virtuel où on s’invente des vies, où on n’a plus besoin d’épées en vrai pour se faire hara kiri. Intéressant et de belles images bien sûr, certaines vues du ciel, Werner Herzog se laissant tenter par le drone …. les cerisiers, les passages piétons, c’est beau ! Des scènes et des sujets de réalité fiction se détachent comme avec la petite Airi, peau trop foncée, cheveux frisés, ostracisée ou encore avec le manager de l’hôtel qui se demande très sérieusement ce qui se passe dans la tête de ses « hôtesses » entourées de poissons aussi robots qu’elles, ou aussi celle de l’animalerie : à Tokyo les hérissons n’ont pas de puces et sont nourris avec une pince à épiler !
Et la fiction … Pourquoi Werner Herzog a-t-il voulu faire entrer une histoire dans son documentaire ? M’est avis que ça aurait été mieux sans car il en résulte un drôle de film bancal. Côté acteurs, si Ishii Yuichi s’en sort bien dans le rôle du père, Mahiro Tanimoto dans celui de la fille ne m’a pas convaincue. Il aurait fallu qu’elle crève l’écran. Mal dirigée dans un rôle pas suffisamment écrit ?
Pas pu m’empêcher de penser à ce que Kore Eda aurait fait de ce scénario.

Marie-No

Vu en prévisionnement Israël, le voyage interdit Partie 1 : Kippour

Film israélien de Jean-Pierre Lledo
2h20
Date de sortie : prochainement

Israël, le voyage interdit - Partie I : Kippour : Affiche

Synopsis : Mon oncle maternel avait quitté l’Algérie en 1961… J’avais 13 ans. Et depuis je n’avais plus eu de relation, ni avec lui, ni avec sa famille… Je n’étais pas non plus allé à son enterrement, il y a 10 ans… Je l’aimais pourtant. Ce n’est donc pas lui que j’avais boycotté, mais le pays qu’il avait choisi… Israël. Qu’est-ce qui durant plus de 50 ans avait empêché le Juif algérien communiste que j’étais ? Ma fille Naouel a voulu m’accompagner dans cette aventure et j’ai accepté. Une dette à rembourser.
Partie I : Kippour : Une famille oubliée, les Juifs d’Algérie, eux aussi perdus de vue, n’avoir rien transmis à mes enfants, m’être complu dans l’ignorance… Arriverai-je à me débarrasser de toutes mes fautes ? Car d’Israël, je dus vite l’admettre, je ne savais rien. Ni de son passé, ni de son présent. Un mot mystérieux et oublié que ma mère utilisait souvent, m’en ouvre soudain les portes, « Tcharbeb « …

Israël, le voyage interdit partie 1 : Kippour c’est la recherche d’un complément à l’histoire familiale d’un père, Jean-Pierre Lledo accompagné de sa fille Naouel, qui devient pour le spectateur un documentaire passionnant sur une famille mais aussi sur un pays et des gens qu’ils y ont rencontrés lors de leur pèlerinage. Un récit tout en retenue. Les portraits sont sensibles et les témoignages, poignants. 
Le rituel des pierres, les Écuries de Salomon, le Dôme des Rochers, le mont du Temple et leur histoire commune, les cabanes et l’explication de la bénédiction visant l’union collective, ceux qui ont tout, symbolisés par le cédrat, ceux qui ont un peu, symbolisés par la feuille de palmier et la myrthe et ceux qui n’ont rien symbolisés par la branche de saule, autant de découvertes pour moi par ce film. Jean-Pierre Lledo cite pour conclure cette première partie cette phrase du poète Heinrich Heine « la Torah, patrie portative des Juifs exilés et dispersés de par le monde ». 
Ajoutons que le montage est de Ziva Postec qui signa celui de Shoah de Claude Lanzman.

Un film à voir

A noter que ce film sera suivi de trois autres, déjà tournés,  dont les dates de sortie ne sont pas encore connues non plus : partie 2 : Hannoukkapartie 3 : Pourim et partie 4 : Pessah

Marie-No

Un petit monastère en Toscane

film documentaire d’Otar Iosseliani
France / 1988 / 56:28

Des moines, des villageois, leurs vies, leurs chants.
Hier encore j’ignorais l’existence même du cinéaste Otar Iosseliani, auteur d’une quinzaine de films souvent primés.
Otar Iosseliani est né en 1934 à Tbilissi, Géorgie et s’est installé en France en 1982.

Grâce à www.cinematheque.fr/henri, aujourd’hui est un autre jour.

En 1988, Otar Iosseliani a une cinquantaine d’années quand il réalise pour la télévision ce documentaire sur Castenuovo dell’Abate, province de Sienne.
Il le conclue par ce texte : « Ici se termine la première partie de ce film, la suite sera tournée dans une vingtaine d’années en ce même lieu et avec les mêmes personnages, si tout va bien »
Tout n’a pas bien été.
Le monastère Sant’Antimo est devenu un hôtel de luxe et le village, Castelnuovo dell’Abate, un domaine Airbnb.
Plus de moines, plus ces villageois-là.
Raison de plus pour se plonger avec ce documentaire dans un monde et un temps disparus.
Si le film commence au monastère avec les cinq frères augustins français, au rythme des offices, il nous conduit vite au village et ses habitants et à ce qui les fait vivre : les champs, la vigne, les animaux, les oliviers.
On pénètre dans un village et sa diversité, l’église San Sebastiano où les plus nantis se montrent à la messe du dimanche, en fourrure, les souliers impeccables quand les plus humbles communient chez les moines, la différence de classe allant se nicher là aussi.
Le repas partagé et le bal populaires, la valse musette sans lâcher la clope, la marche aux flambeaux, le châtelain, le miséreux, le café peuplé d’hommes, le chianti, bien sûr, partagé parfois avec un moine (au physique de jeune premier !), ce même moine qu’on voit plus tard  remonter quatre à quatre à sa cellule chercher son livre de prières oublié !
Les femmes aux champs, au lavoir, au repassage, à la cuisine. Les femmes partout et invisibles même de ce moine venant récupérer son habit immaculé et n’ayant pas un regard, pas un mot pour la vieille femme, tenant le fer, à son service.
Sans nostalgie pour ça !
Et toujours ce petit paysan, maniant la faux et la faucille, transporté par son chant et dont j’espère me souvenir longtemps.

Marie-No

La chute de la maison Usher de Jean Epstein

à voir sur Cinémathèque.fr/Henri

La Chute de la maison Usher movie information

Film muet (63mn)
sorti le 5 octobre 1928 
avec Jean Debucourt, Marguerite Gance,
Charles Lamy

Synopsis : Allan vient au secours de son ami Roderick Usher, qui vit dans une maison où règne une atmosphère étrange. Lady Madeline, sa femme, meurt dans de mystérieuses circonstances. Son mari refuse de croire à cette mort et interdit de clouer le cercueil. Il est persuadé que sa bien-aimée va revenir. Elle reparait une nuit et le couple s’enfuit tandis que la demeure s’écroule.

« Tout concourt dans ce chef-d’œuvre à son unité. La maîtrise absolue du montage, du rythme où le ralenti, les surimpressions, les travellings, la caméra mobile jouent leur rôle et jamais gratuitement : il n’y a pas une image, un procédé technique qui ne soient là pour embellir le film ; ils sont là pour nous impressionner dans le sens le plus noble comme les images et la cadence d’un vers. La qualité de la photographie, digne des plus grands chefs-d’œuvres du film allemand où grâce à l’orthochromatique les gris sont gris, les blancs sont blancs et les noirs d’un velouté unique … » Henri Langlois, Les Cahiers du cinéma, juin 1953

C’est un vrai cadeau que nous fait la Cinémathèque !

Jean Epstein (1897-1953) a réalisé une quarantaine de films de 1922 à 1948 dont beaucoup d’adaptations littéraires comme L’Auberge rouge en 1923 inspiré du roman de Balzac, L’Homme à l’Hispano en 1933 d’après le roman de Frondaie ou encore La femme du bout du monde en 1938 inspiré du roman de Serdac.
Le scénario de La chute de la maison Usher est signé Luis Buñuel d’après Le portrait ovale et La Chute de la maison Usher d’Edgar Poe.
Sur le film, Luis Buñuel est aussi l’assistant de Jean Epstein. Il a alors 28 ans, a déjà travaillé précédemment comme assistant sur 3 autres films et pour la première fois sur Mauprat de Jean Epstein en 1926. En 1929, après La chute de la maison Usher, Luis Buñuel signe son premier film en tant que réalisateur Un chien andalou et ça c’est une autre histoire …

La chute de la maison Usher, ode morbide d’un artiste pour l’objet de son inspiration, est envoûtant, aussi, grâce à son acteur principal Jean Debucourt, halluciné et hallucinant. Fascinant.
Jean Debucourt (Background & photos – The Fall of the House of Usher1894-1958) acteur  sociétaire de la Comédie française, enseignant à l’Ecole de la rue Blanche et au conservatoire, metteur en scène, tourna beaucoup pour le cinéma, dans plus de 100 films !
Il est enterré à Egreville où il passa sa jeunesse au château de sa famille maternelle, les Berne-Bellecourt. Le château sera par la suite vendu au compositeur Jules Massenet.
Jean Debucourt eut quatre fils.
C’est stupéfiant comme Alain lui ressemblait … 

Marie-No

PS : Il existe une autre version datant de 1960
La Chute de la maison Usher : Affiche House of Usher de Roger Corman avec, dans le rôle de Roderick,  Vincent Price qui jouera, bien plus tard, le rôle de l’inventeur d’Edward aux mains d’argent de Tim Burton

Prévisionnement en ligne Nr 1

The Light of my life de Casey Affleck 1h59, américain
Dans la famille Affleck, je demande Casey, acteur, producteur, scénariste, monteur, réalisateur. Après I’m still here en 2010, The Light of my life est son second long métrage tourné en 2017, classé Science fiction lors de sa production ainsi qu’à la Berlinale 2019 et lors de sa sortie nationale aux US et Canada en Août 2019 .
En France la sortie nationale étant prévue le 6 mai 2020,  on ne parlera plus de Science fiction mais plutôt de thriller réaliste.
Casey Affleck a eu du flair ! Ca fait 10 ans qu’il le prépare. Bingo !
En plus de son scénario, le film est superbement joué par le duo d’acteurs que forme Casey Affleck himself et la talentueuse Anna Pniowski, les images sont à couper le souffle, c’est lent comme il faut et haletant, on est pris dans l’histoire. Le dernier quart d’heure est très très américain et pas très bien maitrisé, je trouve.
Un film intéressant à soumettre à la prochaine réunion de programmation.
Peut-être qu’une bonne dizaine de minutes en moins n’aurait rien gâché.
Marie-No

La fille au bracelet et Acusada (2)

Au départ, c’est la même histoire.
Une idée de fait divers, d’affaire criminelle comme il y en a tant d’autres et occupent les médias et réseaux sociaux, exemple « Faites entrer l’accusé » pour ceux qui, comme moi, regarde cette émission débordant d’idées de scénarios de films dramatiques, régurgitant les effets tragiques de notre monde.
Cette idée de fait divers, c’est Gonzalo Tobal qui, d’abord l’a développé, déployé dans son film Acusada et Stéphane Demoustiers l’a, en suivant, ré-enveloppé, resserré dans La Fille au bracelet.
Dolorès/Lise est une jeune fille de 18 ans qui vit dans un quartier résidentiel, entourée de sa famille, sans vague, sans histoire. Sans histoire sauf que, des histoires il y en a toujours. Elles sortent ou pas et les deux films montrent dès le début, ou très vite, le bracelet électronique que porte Dolorès /Lise : elle est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie. Ouah !

Si Gonzalo Tobal nous promène autour du procès, au cœur du foyer familial, la majorité du temps hors les murs du tribunal, dans la maison, Stéphane Demoustiers, lui, traite le sujet en majorité dans le tribunal intra muros pour un film de procès.
Dans les deux versions, il s’agit d’un thriller, d’une tragédie familiale avec, au centre, Dolorès/Lise, une personne inconnue qui fait partie de la famille depuis 18 ans, depuis qu’elle est née.
Et dans les deux versions la description du ravage familial est magistrale.

La version « clinique » de Stéphane Demoustiers m’a davantage marquée et son casting prestigieux me ravit encore.
D’abord c’est la mer, la plage plutôt, ils sont là, le père, la mère, la sœur, le petit frère, posés là dans leur pré carré, chacun dans son petit espace personnel, sur leur drap de bain, presque nus, presque proches. Il fait chaud, l’air est gris. Quand les gendarmes arrivent, pour cueillir cette jeune fille en fleur, personne ne bronche. Chez ces gens-là, on ne fait pas de grands gestes, on ne fait pas d’esclandre. A partir de là, le truc ça va être d’essayer d’occulter le bracelet et attendre la suite, chacun pour soi, les œillères réajustées tant bien que mal. On se parle sans se parler, on s’arrange, on jongle avec sa vérité. Lise communique peu. Pas trop hâte de savoir. On attend.
Quand arrive le procès, on y est, physiquement, dans la salle de tribunal et par le rythme du film, les longs plans séquences, toute distraction, est impossible. Si on peut, parfois, peut-être, se poser des questions sur le bien-fondé de la cage en verre, pour ce film il est très judicieux et habile d’avoir placé l’héroïne dans ce décor de tribunal moderne (ici celui de Nantes), pour matérialiser, figurer la bulle dans laquelle Lise existe et vit, séparée par un mur invisible de l’espace où existent et vivent ses parents. Sa bulle ne manque pas de place pour ceux qui pourraient l’y rejoindre, choisiraient d’y entrer. Pour l’heure, elle est seule, la tête haute pour entendre et répondre aux questions qui vont lui être posées.
Les témoignages et plaidoiries servent de dialogues. C’est brillant. On voit avec les yeux des parents et le fait que ce soit un film de procès agit comme un miroir grossissant sur les questions de compréhension, d’incompréhension, d’attention, de manque d’attention, à quel point connaît-on ses propres enfants, jusqu’où est-on prêt à les aimer ?
Comment cohabiter et connaître mieux l’autre et pas seulement entre deux générations. La procureure, ambitieuse, impitoyable, (jouée magistralement par Anaïs Demoustiers), et l’accusée, inquiétante et troublante (formidable Mélissa Guers dans son premier rôle), font quasi partie de la même génération.
Que comprenons-nous aux adolescents devenus jeunes adultes, que savons-nous de leurs amitiés, de leurs amours ? Les juges, jurés, avocats et adultes présents dans l’assistance ne comprennent pas leurs mœurs et les condamnent, par réflexe, par défense. Pour quel fait Lise Bataille va-t-elle être jugée ? à quel point les médias et les réseaux sociaux que nous avons vu (laissé) prendre le pouvoir, en manipulant, sinon la vérité, du moins la réalité affectent-ils les comportements ? quelles marques le flux incessant d’images laisse-t-il dans nos vies ?
Le film montre aussi l’influence qu’a la durée de l’instruction et comment, dans une affaire judiciaire, tout est forcément faussé.

La dernière scène finira de troubler l’eau du bocal
Innocente ou coupable, Lise ?

A votre avis ?

Marie-No