Ours d’Argent de la Meilleure actrice
Du 22 au 27 février 2018
Soirée débat mardi 27 février à 20h30
Film coréen (vostf, janvier 2018, 1h41) de Sang-soo Hong avec Min-Hee Kim, Young-hwa Seo et Hae-hyo Kwon
Distributeur : Capricci Films / Les Bookmakers
Dossier de presse *** Bande annonce ***Présenté par Françoise Fouillé
Synopsis : Quelque part en Europe. Younghee a tout laissé derrière elle : son travail, ses amis et son histoire d’amour avec un homme marié. Seule sur la plage, elle pense à lui : elle se demande s’il la rejoindra. Gangneung, Corée du Sud. Quelques amis trinquent : ils s’amusent de Younghee qui, ivre, se montre cruelle à leur égard. Seule sur la plage, son coeur divague : elle se demande combien l’amour peut compter dans une vie.
« le cinéma, c’est mieux que la vie » François Truffaut
La fiction c’est mieux que la réalité, mieux qu’une réalité imposée, mieux que la vie. « Seule sur la plage la nuit » en est une illustration.
Illustration à la Hong Sang-soo, c’est un film mais aussi son histoire, donc bien compliquée dans de très belles images bien limpides, zoomées souvent. C’est clair comme de l’eau de roche sauf que quand les images commencent à s’ajouter, à s’empiler, on serre bien fort le fil conducteur et on finit cramponné pour être sûr de ne pas le lâcher. Et comprenne qui peut, qui veut.
D’abord il y a Schubert. Pourvu que le pianiste soit européen… ouf ! il l’est ! J’ose dire dans ce blog assez confidentiel que, autant j’admire la virtuosité technique des musiciens du soleil levant autant je trouve que pour interpréter les pièces classiques de notre vieille Europe, il faut en avoir reçu l’âme en héritage. Ca fait la différence. A coup sûr.
Hong Sang-Soo est de mon avis (ça fait drôle d’écrire ça !)
Une seule et unique phrase du Quintet en ut majeur de Schubert revient en leitmotiv encercler son héroïne Young-hee, toute à l’écoute de son enfermement.
1ère partie
Hamburg, Bratwurst, nature, extérieur et courtoisie. Et plage.
Young-hee (on ignore tout d’abord qu’elle est actrice) et l’homme marié adoré (on ignore tout d’abord qu’il est (son) réalisateur) se sont quittés et la jeune femme cherche à trouver la sérénité, à se débarrasser de ce poids sur le cœur. Elle explique sa détermination à son amie. Peut-être viendra-t-il par le vol de 06h30 … Elle est arrivée par ce vol. Elle dit qu’elle va le rejoindre. Il est peut-être déjà là. Peut-être sont-ils arrivés ensemble ? Dans une salutation au soleil impromptue sur le petit pont de bois, elle en fait le serment : elle va vivre sa vie. Sa vie à elle. Quitte à être seule. Elle est jeune, les hommes la regardent, l’un d’eux, l’aborde dans le parc où elles se promènent pour lui demander l’heure, en coréen. Lui rappeler que le temps passe, que l’horloge tourne. Mais elle ne veut pas le voir, fuit quand elle l’aperçoit, au loin. A Hamburg, elle se régénère, mange, parle beaucoup de nourriture. Ca commence par une Bratwurst (miam, miam), déplore l’absence de soupe aux légumes pour cause de fermeture du petit restaurant « de contes de fées »(!) et reprend de la pasta al sugo chez l’ami de son amie. A Hamburg Young-hee est belle, elle a faim, elle marche. Arrivée sur la plage elle s’éloigne, enlevée par l’inconnu du parc, sans connaissance, pliée sur son épaule. Extérieur jour.
2ème partie
Gyeongju, soju, bière, béton, intérieurs et colère. Et plage.
Young-hee retrouve ses « amis » enfin ceux qu ‘elle connaissait avant et ne reconnaît pas. Comme cet ami plus âgé revu à la sortie du cinéma, où on la voit d’abord seule, dans la salle peuplée de sièges vides, fixant un point, l’écran, de ses yeux rougis. Ces gens ordinaires vivent leurs petites vies étriquées alors qu’elle … Elle a rencontré l’Amour. Elle chante son air de reine de la nuit à elle debout devant le restaurant d’un autre ami où son amour à lui, lui fait trier des haricots. Ils ne peuvent pas comprendre. Elle les exècre, images de vies qu’elle rejette absolument. Elle se fane, boit, assise, a « le soju mauvais »et s’emporte. Elle n’est plus en marche vers ailleurs, elle tourne en rond. Dans l’apparthotel avec vue sur la plage et le bleu de l’océan, de l’autre coté de la bow-window, il est là, l’inconnu. Il frotte la surface vitrée, tente de lui ouvrir les yeux, gesticule mais elle ne le remarque pas. Les autres ne peuvent pas le voir pas : il n’est visible que d’elle seule. Il s’immobilise enfin, comme scotché à la vitre, la fixe, Schubert, est venu la re-cueillir et l’éloigne, encore. C’est un moment fort. Non, le commun des mortels ne peut pas la comprendre. C’était le Grand Amour, retourné à son mariage, à son enfant. Elle l’a dit à son amie à Hamburg « Il a même un enfant ! et contre ça je ne peux rien ». Seule sur la plage, dans un sommeil glacé, elle revoit en rêve les déclarations d’amour de cet homme encensé … Il pleure. Et là, c’était comment ? « Très émouvant » s’accordent à lui répondre les stagiaires et autres assistante et scripte qui tiennent à garder leur job. On est où, là ?
Seule sur la plage, l’inconnu, hors champ, la sort de ce sommeil glacé, la remet debout. Plantant là l’inconnu, l’ange gardien, un bel homme supposé de sa vie à venir. Resté hors champ. Elle s’éloigne, seule sur la plage, extérieur jour.
Ce film m’a happée. C’est compliqué. Sûrement. On a eu bien froid en Corée le jour … Il nous en dit beaucoup Hong Sang-soo sur l’amour, les blessures de l’amour, les mirages de l’amour et finalement nous laisse imaginer Young-hee seule sur la plage la nuit.
Réveillée.
A revoir (- de 79 fois)
Marie-No
Autant j’aime ton article, autant je n’approuve aucunement ton commentaire sur « l’âme de la vieille Europe » et les interprètes asiatiques, je ne suis pas musicien et je n’en connais pas beaucoup, mais ceux que je connais par exemple Lang-Lang ou encore Zhu Xiao-Mei pour ne citer que des pianistes, sont sublimes. Ton jugement résisterait-il à une écoute à l’aveugle?
Ils ne sont pas sublimes, ils sont virtuoses.
Je ne suis pas musicienne mais, oui, je pense que mon jugement résisterait à une écoute à l’aveugle.
Je suis bien sûr d’accord pour un test.