QUELQUES MOTS POUR MICHEL

Tu étais du genre comme on dit taiseux, un peu brusque et bourru, rechignant à déployer de longues analyses sur les films proposés par les Cramés, à intervenir de manière intello, bavarde, complaisante – comme le souligne Georges. Comme si l’intuition te suffisait, ton sens esthétique aussi et que tu préférâs au jugement cinéphilique trop longuement soupesé, mi-chèvre mi-chou, l’élan d’enthousiasme ou de déception, de passion ou de détestation. Toujours au fond de la salle, comme pour mieux t’effacer mais aussi apprécier et saisir globalement le film et le débat, tu vivais les émotions Cramés avec un recul philosophe, d’un oeil acéré et avec la modestie vraie de qui sent la valeur d’un scénario, d’un jeu d’acteurs, d’une mise en scène sans avoir à l’expliciter, sans croire sa parole importante ni même utile. Que de fois tu as eu des éclairages pertinents, sur la photo, les décors, le chef opérateur dans les travées, entre les rangs, ou dans le hall, comme par inadvertance, avec l’évidence sensible et lucide du photographe qui saisit un geste, une expression, une attitude ! Vision globale et goût de la précision du golfeur buissonnier que tu étais au domaine Vaugouard, préférant souvent au coup technique ou virtuose la photo inadvertante au bord du chemin d’une fleur ou d’un ragondin…Voix un peu rauque et mèche en bataille, silhouette souple et longiligne de panthère rose, tu réagissais aux films, t’extasiais ou rageais avec la fraîcheur de l’enfance, de l’esprit d’enfance – semblant moins entamer une discussion avec les copains que poursuivre un dialogue intérieur dont tu nous offrais l’efflorescence étonnée ou bougonne ; mais comme si tu te sentais partir loin de nous, tu ponctuais chaleureusement ton propos d’une main sur l’épaule ou d’une bourrade dans le dos. Et pourtant, tu étais d’une franchise totale, un bloc de sincérité truculente, héritée sans doute de ce sens du contact qu’avaient développé auprès des jeunes des années d’activité comme éducateur spécialisé.

Epris d’art moderne – que d’expositions parisiennes ou internationales n’avez-vous pas faites avec Annie ! – témoin lors de nos soirées, festivals et rétrospectives de tant d’invitations que tu captais sous tous les angles en photos familières et saisissantes, plans d’ensemble et gros plans, tu conjuguais omniprésence et transparence.

Tu avais Michel la classe pudique et l’élégance inquiète de celui qui doute et s’émerveille. Tu avais la politesse du fatalisme que seuls l’art et la culture peuvent conjurer. Et l’amitié bien sûr.

Claude

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