« Mektoub my love canto uno » d’Abdellatif Kechiche

Du 17 au 22 mai 2018
Soirée débat mardi 22 mai à 20h
Film français (mars 2018, 2h55) de Abdellatif Kechiche avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche, Lou Luttiau, Alexia Chardard et Hafsia Herzi

Distributeur : Pathé

Présenté par Marie-Noël Vilain

 

Synopsis : Amin, apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver famille et amis d’enfance. Accompagné de son cousin Tony et de sa meilleure amie Ophélie, Amin passe son temps entre le restaurant de spécialités tunisiennes tenu par ses parents, les bars de quartier, et la plage fréquentée par les filles en vacances. Fasciné par les nombreuses figures féminines qui l’entourent, Amin reste en retrait et contemple ces sirènes de l’été, contrairement à son cousin qui se jette dans l’ivresse des corps. Mais quand vient le temps d’aimer, seul le destin – le mektoub – peut décider.

 

«Entre bien dans mes yeux pour que je me souvienne de toi»
(Charles Baudelaire Réflexions 1861)

Des plans serrés, beaucoup de gros plans, un rythme très particulier, aérien.
Abdellatif Kechiche filme comme personne les visages, les corps, l’atmosphère des lieux, l’air du temps, le temps qui passe, l’attente du lendemain qui chante.

Un long trip sensoriel dédié à la célébration de la vie, un film dont on n’a pas envie de sortir : plein de soleil, de lumière, de beauté. La caméra tourne autour des corps qui s’amusent, dansent, se dorent au soleil, s’éclaboussent, plongent dans la mer, des corps dont on ressent la force, la vitalité, l’énergie.
Kechiche magnifie la féminité, le sourire à la vie gravé sur le visage d’Ophélie (sublime Ophélie Bau) auréolé d’amour, sur le corps d’Ophélie, Vénus callipyge, empreint d’un fol appétit de vivre . Auguste Renoir en aurait fait un nu féminin rond, charnu, sensuel, magnifique.
Amin rêve d’en faire des tableaux argentiques.

Le véritable enjeu du scénario, l’amour impossible à dire, s’impose d’emblée.
Amin, ni prédateur, ni rival, scénariste en devenir, photographe patient, laisse faire le destin. On ne force pas l’amour, il le sait, de cette sagesse intuitive qu’on a à vingt ans.
Abdel Kechiche orchestre la circulation des désirs, dans ce groupe très fermé où tout se répète avec d’infimes variations, les silences, les hésitations, la banalité du quotidien, les dialogues identiques, répétitifs d’où finissent toujours par surgir des vérités, blessures et jalousies.

Mektoub my love, canto uno est une ode à la famille, à la fraternité métissée, à la famille multiculturelle, multiraciale, multireligieuse. On est en 1994 : Kechiche filme aussi la fin d’une époque, la fin d’un melting-pot fragile mais souvent heureux et bienveillant. Clément, le premier, a rompu.
«Dieu est la lumière du monde», «Lumière sur lumière, Dieu donne la lumière à qui il veut» Lumière sans condition ? sous condition ?

Parmi tant de séquences splendides, la mise bas d’une brebis précède une autre, interminable à souhait, en boîte de nuit, où l’exhibition des corps sur la piste de danse flirte librement avec la pornographie.
La bergère est en transe mais les pieds bien ancrés dans le sol, en sandales plates. Sur terre.
Amin veille, témoin, confident, objet de désir de toutes les jeunes filles sauf de celle qu’il aime, étranger aux jeux de séduction auxquels il assiste, observateur moraliste en quête de sublimation.
Il pose son beau regard noir sur les plages, dans les bars, les boîtes de nuit, à la ferme pour capter un agnelage dans une lumière devenue clair-obscur silencieux sur le temps arrete.
Un hymne à la vie, Exultate Jubilate !

Comment on dit je t’aime en arabe ? Ophélie et Charlotte connaissent le même « je t’aime », celui de Tony. L’une reste, l’autre part.

Amin et Charlotte se retrouvent et s’éloignent ensemble sur la plage de Sète dans la lumière du soleil couchant.
Le film se termine sur cette réplique d’Amin (sublime Shain Boumedine), illustration de ce premier volet du triptyque annoncé « Mektoub is Mektoub » :
« j’ai tout mon temps »

Mektoub, my love, canto uno est une merveille

Marie-No

Une réflexion sur « « Mektoub my love canto uno » d’Abdellatif Kechiche »

  1. Abedellatif Kechiche a de nouveau réalisé un grand film. J’ai pu lire ça et là que ce film comportait des longueurs. Son cinéma ne veut pas seulement faire voir, (ce qui peut aller assez vite) il veut aussi faire ressentir… et ton article en témoigne bien.

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