La Pie voleuse de Robert Guédiguian

Dans la lumière de l’Estaque, Marseille 16ème, qui frappe en plein cœur, comme il est doux de savourer la fuite tranquille de Maria vers un bonheur réinventé.
Comme dans un écrin, les thèmes chers à Robert Guédiguian sont ici réunis : la famille, la transmission, le partage, les rapports transgénérationnels, la littérature, l’engagement, l’amour. L’amour coup de foudre, Laurent et Jennifer, l’amour patient, Mr Moreau et Maria, Mr Moreau et son fils, l’amour qui dure, Maria et Bruno, l’amour résolu et infaillible, celui du vieux monsieur qui chérit son épouse
(et l’accompagne chez Plauchut « la bonne pâtisserie », Marseille 1er, quartier des Réformés)

même s’il sait que c’est André, son 1er fiancé jamais revenu de la guerre, qu’elle attendra toujours. cf le regard perdu de cette femme devant le tramway dont « il » n’est pas descendu … Et l’amour inconditionnel d’une grand-mère pour son petit-fils (Maria et Nicolas)

Dans cette histoire où chacun cherche son bonheur ou des raisons de rêver, il s’agit d’aller de l’avant en évitant de se retourner.
« Je n’ai pas envie de penser à ce que ma vie n’a pas été, c’est trop dur », confie Maria à Mr Moreau.
La Pie voleuse est un conte moral traversé par la question du Bien et du Mal, le tout à la sauce Guédiguian, celle qu’on aime. Une invitation à réfléchir.
Avec son appétit de vivre, sa bienveillance, Maria est une pie voleuse, oui, mais une femme épatante, drôle, généreuse qui prend mais donne beaucoup alors pourquoi devrait-elle renoncer à jouir de la vie (elle aime tant les huitres !), de quel droit le lui interdire ?
Jennifer juge sa mère et ses comportements « amoraux », mais succombe à la tentation de tromper son mari, par intérêt peut-être d’abord, summum de l’immoralité, par passion amoureuse ensuite, et de quel droit devrait-on l’en priver ?
De la relation amour-haine entre M. Moreau et son fils naîtra un grand bonheur, celui de la reconnaissance et de la réconciliation qui illuminera leurs jours à venir.

La beauté emboite le pas à la bonté et au pardon en mouvement dans ce très joli film. Et ça fait du bien.
Comme de voir Mr Moreau (J.P. Daroussin particulièrement au top) saisi d’urgence, dévaler, en fauteuil roulant, une route goudronnée jusqu’au commissariat, l’écouter dire d’une voix blanche déchirée, les mots de Victor Hugo, extrait de son poème Les Pauvres gens
(…) Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux.
Ils vivront, ils seront frère et sœur des cinq autres.
Quand il verra qu’il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Moi, je boirai de l’eau, je ferai double tâche,
C’est dit. Va les chercher. Mais qu’as-tu ? Ça te fâche ?
D’ordinaire, tu cours plus vite que cela.
– Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, les voilà! »


Dans ce conte délicat et dramatique, à Marseille la belle, ouverte sur la mer, se retrouve la famille de cinéma de Robert Guédiguian : Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, Jacques Boudet dans son dernier rôle, Geneviève Mnich, Grégoire Leprince-Ringuet , Robinson Stevenin, Lola Naymark, et une petite nouvelle : Marilou Aussilloux dans le rôle de Jennifer,
Et la bande son, signée Michel Petroussian, tient une place centrale dans le film. Satie, Prokofiev, Schubert, les morceaux de piano solo, au cœur de l’intrigue donnent le ton, insufflent la vie.
Rossini, aussi.

La Pie voleuse, une symphonie de sentiments qui réchauffent

Marie-No

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