« tu devrais mettre des lunettes ou changer de lunettes …..»
Entendu souvent dans des réunions politiques ou syndicales.
Convaincre quelqu’un « qui ne veut pas voir » ou « lui ouvrir les yeux » est un long combat, c’est pourquoi, contrairement à d’autres spectateurs j’ai apprécié ce long et beau combat de catch entre John et Frank : Frank qui ne veux pas mettre la paire de lunettes.
***
Ils se sont rencontrés sur leur lieu de travail, sur un chantier du bâtiment où ils sont manœuvres.
Frank propose à John un hébergement, dans cette ville symbole de la prospérité américaine, un abri dans un bidonville. Cette entraide, cette « solidarité prolétarienne » est immédiate, sans condition – il n’est pas anodin pour John Carpenter que l’un soit noir et l’autre blanc.
Nous imaginons facilement que Frank sait tout des injustices de cette société, il a été obligé de laisser femme et enfants à Cleveland, ville en ruine suite à la crise de la sidérurgie, mais il ne veut pas voir la réalité que pourtant il connaît, il ne veut pas être entraîné dans une lutte qu’il pense sans issue car il a la charge d’une famille.
John vient d’arriver à Los Angeles, il vient de Denver où il a travaillé pendant 10 ans avant d’être licencié, mais lui il est libre, il n’a pas charge de famille il peut prendre le risque de perdre son travail.
C’est John qui découvre que des émissions pirates de télévision appellent les gens à se révolter et qui découvre le groupe révolutionnaire à l’origine de ces émissions et qui fabrique des lunettes noires – le manifeste du parti communiste ? Le petit livre rouge?
Ces lunettes noires permettent de reconnaître les membres d’un groupe d’envahisseurs qui exploitent les travailleurs – allégorie de la lutte des classes.
Elles donnent aussi une autre vision des affiches publicitaires « Consommez » « Dormez », « Regardez la Télévision », « Obéissez »…
Après cette longue lutte John parvient à convaincre Frank de mettre ces lunettes et de l’aider à agir. Les deux hommes se rendent à une réunion clandestine de résistants tenant tête aux « envahisseurs », et apprennent que certains humains collaborent pour s’enrichir. Ils retrouvent Holly (1) jeune femme travaillant à la Télévision, et qui semble désormais gagnée à leur cause.
Mais après cela le repaire est investi par la police, qui massacre impitoyablement les rebelles – Holly serait celle qui a averti la police en plus d’être une « chienne de garde » (2)?
Traqués, Nada et Frank parviennent à la station où travaille Holly. Frank est tué par celle-ci, Nada l’élimine et parvient à détruire l’émetteur, avant d’être lui-même abattu, alors en ville, les envahisseurs apparaissent sous leur hideux visage…
John Carpenter a été « accusé d’être communiste » il fait une analyse marxiste de la société américaine mais il fait aussi une critique politique : John vient de découvrir la réalité de l’oppression capitaliste, révolté il est impatient il veut agir tout de suite, contrairement au groupe révolutionnaire clandestin qui fabrique et compte distribuer les lunettes noires, par son action il va certes démasquer les « envahisseurs » mais réduire en cendres le projet révolutionnaire.
Henri
Notes :
(1) qui m’a fait penser à la « Môme vert de gris » polar de la Série noire de Peter Cheney
(2) essai pamphlètaire de Paul Nizan