Le ravissement- Iris Kaltenbäck

Le ravissement c’est d’abord l’histoire d’une grande amitié.
Lydia l’une des protagonistes pensent d’ailleurs qu’elles sont reliées par un long fil invisible. Ainsi elles se partagent une seule dose de bonheur pour deux. Cette Pensée est essentielle pour bien saisir l’enjeu du film.
Et c’est bien tout le problème de cette histoire d’amitié certes mais pas que… Histoires d’amour, de familles, de bébés, de mensonges, de manques…
Le film dès le début nous fait rencontrer Lydia que l’on suit à travers Paris et qui rejoint son amoureux pour aller fêter ensemble l’anniversaire de Salomé.
Mais le garçon souhaite rompre, ça ne fonctionne pas. Il faut réfléchir… Lydia se braque et part seule à la fête.
Nous rencontrons alors Salomé, nous les voyons s’amuser toutes deux, faire les folles puis se retrouver à l’écart des autres où va se vivre un moment qui fera peu à peu basculer l’histoire vers autre chose. Le test de grossesse positif de Salomé et ou l’on découvre le premier mensonge de Lydia qui chargé de lire le résultat l’annonce tout d’abord négatif avant évidemment de se rétracter. Que se passe-t-il chez la jeune femme à ce moment précis ? Cette petite ombre qui passe, imperceptible…
Lydia, sage-femme de profession, sera présente pour accompagner la maman tout au long de la grossesse. Très présente jusqu’à l’accouchement, moment intense car tout n’est pas facile dans cette naissance. Le bébé tarde, la maman est épuisée, le papa présent et impuissant. Lydia gère, Lydia dirige sous le regard de plus en plus inquiet de ses collègues. Lydia veut donner naissance à ce bébé jusqu’à lui donner vie une fois l’enfant sorti avec ce massage éprouvant ou nos propres cœurs s’arrête de battre tant l’inquiétude est présente. Puis le bébé crie et tout retombe. Peurs, incompréhensions des collègues, notre inquiétude sur le sort de la petite fille.
Petite fille évidemment… Les voici trois maintenant à se partager la dose de bonheur.
Ce sera Lydia qui trouvera le prénom du bébé. Edmée – celle qui est aimée. Ainsi elle lui donne vie et identité, telle une maman.
En parallèle, Lydia croise un soir Milos, conducteur de bus.
Milos un solitaire, comme Lydia. Deux esseulés se racontant, passant une nuit ensemble, se quittant car Milos explique à Lydia, qui s’accroche, que c’est terminé, qu’il n’envisage pas autre chose.
C’est un nouveau rejet pour la jeune femme si seule et cherchant l’amour et l’attention. Elle vacille mais sa peine est invisible aux yeux de tous.
Nous retrouvons Salomé, jeune maman, fatiguée, le baby blues la guette… Mais Lydia est là pour aider, s’occuper du bébé, le promener. Elle est si seule, de l’autre bord, celle hors famille, hors cadrage. Comme on pressent sa tristesse, sa solitude quand elle est chargée de prendre la photo des parents et grand-mère autour du bébé, dans la chambre de l’accouchée. Une nouvelle ombre…
Pour laisser la jeune maman se reposer, l’amie emmène le bébé, le promène, l’exhibe à la vue de tous.
Jusqu’à devenir enfin visible dans cet ascenseur quand cette femme attendrie la regarde, la félicite pour son bébé, les yeux brillants pleins de ravissement. Ainsi elle devient celle qui fera basculer l’histoire. En effet, Milos venu rendre visite à son père malade assiste à la scène et prend le relais. « C’est ta fille ? « Lui demande-t-il.
Alors Lydia s’autorise à répondre oui, à lui annoncer ensuite que la petite est sa fille. Rien de prémédité, les circonstances, le besoin d’amour toujours et tout devient possible.
La préméditation vient ensuite. Lydia s’enlise, déraille, s’organise… Milos voit sa fille le mercredi, jour ou Lydia prend le bébé pour soulager Salomé qui peine à reprendre pied.
Lydia s’empêtre dans le mensonge. De plus en plus gros. Jusqu’à cette scène où elle est présentée bien malgré elle à la famille de Milos. Famille si gentille, si heureuse de la rencontrer avec la petite. Pour nous spectateurs le malaise est présent. On a peur pour elle, on craint la chute…
La chute arrive avec, au retour chez les jeunes parents l’annonce d’un départ rapide de la famille pour Bruxelles. Plus rien ne va !
Lydia persiste. Elle a droit à sa part de bonheur elle aussi. Lydia rejetée à nouveau.
Et c’est là que tout bascule.
L’escalade n’est plus enrayable. Jusqu’à cette scène à l’hôtel ou l’on ne peut que souffrir avec elle. Certes on la condamne pour ses actes mais il est difficile de ne pas ressentir une grande empathie pour cette femme broyée par son manque d’amour.
Elle paiera… Et sa vie sera peut-être meilleure. La fin du film laisse ouvert le champ des possibles.
Ce bel ouvrage de cinéma nous laisse avec mille questions. Qu’est-ce que la maternité ? Faut-il mettre un enfant au monde pour naître parents ? Jusqu’où une grande solitude peut-elle nous mener ? Qu’est ce qui va soudainement faire basculer une vie ? Des questions sur l’illusion, le mensonge…
Le film est très fort et puissant par la façon dont il nous malmène avec une grande intelligence et une parfaite maitrise. Iris Kaltenbach et ses comédiens sont si justes, si réels que l’on pourrait se croire dans une docu fiction de grande qualité.
Les scènes à la maternité sont réelles et l’on ne peut en douter. Hafsia Herzi qui joue Lydia dans sa grande simplicité de jeu arrive à nous permettre de ressentir la tempête émotionnelle qui l’anime. Tout cela de façon subtile, avec un jeu très fin et efficace.
L’une des belles idées du film également est la voix off (celle de Milos) qui raconte les faits après le procès apprend – on très vite.
J’écris plusieurs semaines après avoir vu le film et il est encore très présent en moi. Bousculée, je le suis encore des semaines après et j’aime ce que ce film a laissé en moi.
Ces questions en suspens, ces doutes, le plaisir d’avoir vu un bon et beau film d’une réalisatrice qui risque de nous bousculer encore.
La joie et le plaisir de m’être laissé embarquer toutes émotions dehors et un nouveau film à ajouter à mes films de l’année.


Sylvie Cauchy

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