Pour se procurer le costume, « la panoplie », qu’elle n’a pas les moyens de s’acheter, Jeanne fracasse une vitrine et en sort mutilée.
Marquée dans sa chair pour avoir voulu franchir le plafond de verre.
C’est la 1ère scène de La Vénus d’argent et une des plus iconiques.
Ce film met en avant la difficulté de passer d’un univers social à l’autre, d’en transgresser les barrières, de la possibilité de changer de monde et de s’y intégrer. Il évoque les questions du genre, des premières amours, et du consentement.
L’existence de Jeanne se divise en 2 univers. D’un côté, son univers d’origine, la caserne, sa petite chambre d’enfant, sa famille et, de l’autre côté, l’univers visé : le quartier des affaires, La Défense, l’argent, la liberté.
La Vénus d’argent reprend les codes des récits de transfuges de classe, aborde la difficulté à se faire une place quand on ne baigne pas dans le milieu.
Dans la sphère hyper-masculine de la finance, Jeanne se veut « neutre comme les chiffres », soldat non genré, « quant » (trader algorithmique) en devenir.
A travers des dialogues travaillés de façon presque documentaire, le film réussit à montrer un monde de la finance virulent et acerbe, peuplé de « killers » stylés, avec signes extérieurs de richesse très codés.
L’une des trames narratives les plus intéressantes du film réside dans la relation entre les personnages de Jeanne et Augustin, incarnés par Claire Pommet et Niels Schneider.
Niels Schneider apparaît ici en militaire égaré et incertain, déjà bien cabossé. Un personnage ambigu et marqué par ce qu’il a déjà vécu dans sa jeune vie. Droit dans ses bottes de soldat avec dans la tête une chapelle dans le désert. Augustin Saint -Augustin.
Sur ce qui s’est passé entre eux il y a quatre ans, pas de scène explicite qui ferait toute la lumière. L’important pour la réalisatrice est de montrer qu’Augustin écoute et entend Jeanne quand elle lui rapporte la souffrance qu’elle a vécue par sa faute.
L’important c’est qu’il lui en demande pardon. Héléna Klotz choisit de montrer une issue inhabituelle au cinéma quand il s’agit de violences sexuelles : la réparation.
Les décors signés Olivier Lellouche et la photo de Victor Seguin (Gagarine) contribuent à nous faire entrer dans le monde de Jeanne : sa chambre, hors du temps à la fois chambre de soldat et chambre d’enfant, avec un plafond d’étoiles, seul refuge de ses nuits sans sommeil et dont elle apprend le chemin à ses frère et sœur. Pour les « affaires », les espaces sont métalliques, open spaces à la fois possibles et abstraits, l’hôtel particulier vide, sans âme, comme inhabité, avec de rares éléments de décoration, choisis et luxueux : un crâne, un bouquet de fleurs, quelques œuvres d’art comme une sculpture de Xavier Veilhan, une forme floue devant laquelle Jeanne se tient bien droite presque comme devant un miroir à cet instant là de sa vie. Le film oscille entre lumière bleue et lumière jaune.
Dans ce film tout est soigné, les dialogues bien écrits, les scènes parsemées de détails subtils (la main d’Augustin qui attend celle de Jeanne), les acteurs adultes et enfants tous convaincants, rien n’est laissé au hasard y compris la musique, signée par le frère de la cinéaste, Ulysse Klotz.
Héléna Klotz nous offre un univers cinématographique porté par le physique, pour interroger au mieux “le genre, l’ambition féminine et la violence” selon ses propres mots.
Et en effet La Vénus d’argent est un film qui se vit par le corps, une fable organique sur la classe sociale, le genre, le pardon et la réparation.
Un beau portrait d’une jeune femme du XXIème siècle.
Marie-No