HOLLY- Fien Troch

C’est Holly « bouc émissaire » que nous montre le début du film, elle en a les attributs, les stigmates pourrait-on dire : Effacée, distante, indifférente aux injures et provocations, solitaire.. Jusqu’au moment où se produit un événement qui va changer sa vie de victime sociale. Un jour, elle téléphone pour dire qu’elle ne veut pas se rendre au lycée, qu’elle se sent mal, qu’elle sent au fond d’elle même qu’elle ne peut pas s’y rendre. Cette peur diffuse, en temps normale s’appelle l’angoisse (on le serait à moins). Or, cette angoisse télescope un accident majeur, ce jour-là, dans son lycée il y a un incendie et des jeunes meurent.

Pour commémorer ce drame, soutenir les familles, une professeure souhaite organiser un voyage pique-nique avec les parents d’élèves, elle propose à Holly d’être accompagnante bénévole, elle accepte. Durant cette journée, elle se révèle particulièrement disponible, empathique, réconfortante.

Dans un même temps une parente d’élève « découvre » qu’Holly aurait des capacités de réconfort extra-normales, la preuve ? Elle a frôlé une jeune fille taciturne qui d’un seul coup en est devenue joyeuse. C’est filmé, cette parente d’élève regarde en boucle ce moment troublant.

Tous les ingrédients de la pensée archaïque et de l’illusion groupale sont réunis pour qu’Holly change de statut. Pour elle une seconde vie commence, celle d’une quasi-chamane. Celle qui connaît le chemin entre les vivants et les morts, qui soulage les souffrances et les peines. Tout le film flirte entre la réalité tangible et les supputations interprétatives, entre rationnel et irrationnel -Holly réceptacle-

Alors quittons Holly pour regarder autour d’elle, le groupe, lycéens, professeurs, parents, avec leurs peines et souffrances, leurs expectatives, ils parent Holly de pouvoirs chimériques, sorcière (projection agressive) ou chamane, (projection réconfortante… à condition que ça marche, sinon ! ) – mauvais œil, bon œil. Dans les deux cas, le groupe isole et réifie Holly, la définit non comme une personne, mais comme un pouvoir. C’est ce sujet qui est traité…Nous pourrions agrandir la focale, remonter le temps aussi, des boucs émissaires par millions hantent nos mémoires.

Ce film peut se regarder de deux manières, comme un moment de vie d’Holly, une gentille fille un peu perdue, en proie aux désirs malsains et aux peurs des autres, on peut aussi regarder le groupe humain autour d’elle, dans son fonctionnement à la fois moderne et profondément archaïque. Ce film montre aussi le poids de la norme sociale et le rapport à la différence…

…et dès le début du film à des pratiques de harcèlement scolaire (qui d’une manière étonnante nous ont laissé sans réaction). En fait on pense regarder ce film mais c’est ce film qui nous regarde dans ce que nous portons d’irrationnel. Ce qui lui donne  la chance maximum de finir aux oubliettes.

Georges

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