Quel est votre film préféré ? aujourd’hui : Les Enchaînés de A.Hitchcock.

Pendant cette période de confinement, quoi de mieux que de revoir ou de se souvenir des films qu’on aime ? nous vous proposons de nous en parler ici, aujourd’hui Chantal.

Mon film préféré ? C’est du même genre que la question « qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?»

Comment choisir un film ? Et pourquoi celui-là plutôt qu’un autre que l’on aime tout autant ? Le choix est toujours difficile, partial, injuste sûrement.

Il faut commencer par se demander quel est le réalisateur que l’on préfère, dont on connaît tous les films (ou presque) par cœur. Et, bien sûr, on ne peut pas aimer un seul réalisateur, voire une seule réalisatrice, les talentueux-géniaux-incontournables ne manquent pas pour qui veut avoir « une culture cinématographique », comme on dit…

Aujourd’hui je vous écris donc quelques lignes à propos du film, que, parmi mes préférés, je regarde plusieurs fois par an. Son titre français est Les Enchaînés, son titre original Notorious, son réalisateur Sir Alfred Hitchcock.  

Certes, direz-vous, réalisateur archi connu qui fait en quelque sorte partie d’une « culture cinématographique collective » car on peut penser que tout un chacun a vu au moins un film d’Hitchcock. Choix peu original, donc… Désolée !

Je ne peux regarder Notorious sans frémir, sans avoir la chair de poule, sans ressentir physiquement chaque moment clé, et bien sûr, je passe sur l’insupportable scène de la cave, ou la scène du baiser interminable, scène qui oscille entre romantisme et pragmatisme politique, baiser savamment entrecoupé pour contourner la censure ; et que dire de la lente descente des escaliers, Devlin aidant une Alicia droguée et affaiblie, l’arrachant ainsi à ses hypocrites bourreaux  médusés et soudain impuissants que sont Alexander Sebastian et sa mère ? Pour moi, ce film allie une beauté plastique inouïe, et une extrême cruauté : comment peut-on accepter de jeter la femme aimée dans les griffes du lion en ayant parfaitement conscience du risque ultime et ce pour les besoins du contre-espionnage qui se fiche parfaitement in fine du sort de ses agents ?  Outre les acteurs vedettes que sont Cary Grant et Ingrid Bergman, Claude Rains et Leopoldine Konstantin, mère de Claude Rains dans le film, époustouflante de cynisme, jouent tous à la perfection.  On se délecte à chaque scène, on attend la suivante avec impatience, on a envie d’étrangler Cary Grant, et puis il y a la bande sonore, ah, la musique ! Tout ceci vous hante longtemps après. C’était aussi le film préféré de François Truffaut.

 Chantal

Merci… à demain pour un nouveau « souvenir de bobine ».

Vous avez aimé ? détesté? (2)

Chers Amis cramés et de la Bobine, Bonjour,

Il y a quelques jours, nous vous proposions de nous parler d’un film que vous avez aimé ou détesté : « Écrivez pourquoi en quelques lignes ou plusieurs paragraphes et envoyez votre texte signé de votre nom ou du pseudo de votre choix à georges.joniaux45@orange.fr »

Dès Mardi, nous vous proposerons un article par jour, jusqu’à quand? ça dépend de vos envois… Une chose est sûre, il y aura de la diversité!
Dès demain…Chantal.

Prenez soin de vous. Amitiés.

La chute de la maison Usher de Jean Epstein

à voir sur Cinémathèque.fr/Henri

La Chute de la maison Usher movie information

Film muet (63mn)
sorti le 5 octobre 1928 
avec Jean Debucourt, Marguerite Gance,
Charles Lamy

Synopsis : Allan vient au secours de son ami Roderick Usher, qui vit dans une maison où règne une atmosphère étrange. Lady Madeline, sa femme, meurt dans de mystérieuses circonstances. Son mari refuse de croire à cette mort et interdit de clouer le cercueil. Il est persuadé que sa bien-aimée va revenir. Elle reparait une nuit et le couple s’enfuit tandis que la demeure s’écroule.

« Tout concourt dans ce chef-d’œuvre à son unité. La maîtrise absolue du montage, du rythme où le ralenti, les surimpressions, les travellings, la caméra mobile jouent leur rôle et jamais gratuitement : il n’y a pas une image, un procédé technique qui ne soient là pour embellir le film ; ils sont là pour nous impressionner dans le sens le plus noble comme les images et la cadence d’un vers. La qualité de la photographie, digne des plus grands chefs-d’œuvres du film allemand où grâce à l’orthochromatique les gris sont gris, les blancs sont blancs et les noirs d’un velouté unique … » Henri Langlois, Les Cahiers du cinéma, juin 1953

C’est un vrai cadeau que nous fait la Cinémathèque !

Jean Epstein (1897-1953) a réalisé une quarantaine de films de 1922 à 1948 dont beaucoup d’adaptations littéraires comme L’Auberge rouge en 1923 inspiré du roman de Balzac, L’Homme à l’Hispano en 1933 d’après le roman de Frondaie ou encore La femme du bout du monde en 1938 inspiré du roman de Serdac.
Le scénario de La chute de la maison Usher est signé Luis Buñuel d’après Le portrait ovale et La Chute de la maison Usher d’Edgar Poe.
Sur le film, Luis Buñuel est aussi l’assistant de Jean Epstein. Il a alors 28 ans, a déjà travaillé précédemment comme assistant sur 3 autres films et pour la première fois sur Mauprat de Jean Epstein en 1926. En 1929, après La chute de la maison Usher, Luis Buñuel signe son premier film en tant que réalisateur Un chien andalou et ça c’est une autre histoire …

La chute de la maison Usher, ode morbide d’un artiste pour l’objet de son inspiration, est envoûtant, aussi, grâce à son acteur principal Jean Debucourt, halluciné et hallucinant. Fascinant.
Jean Debucourt (Background & photos – The Fall of the House of Usher1894-1958) acteur  sociétaire de la Comédie française, enseignant à l’Ecole de la rue Blanche et au conservatoire, metteur en scène, tourna beaucoup pour le cinéma, dans plus de 100 films !
Il est enterré à Egreville où il passa sa jeunesse au château de sa famille maternelle, les Berne-Bellecourt. Le château sera par la suite vendu au compositeur Jules Massenet.
Jean Debucourt eut quatre fils.
C’est stupéfiant comme Alain lui ressemblait … 

Marie-No

PS : Il existe une autre version datant de 1960
La Chute de la maison Usher : Affiche House of Usher de Roger Corman avec, dans le rôle de Roderick,  Vincent Price qui jouera, bien plus tard, le rôle de l’inventeur d’Edward aux mains d’argent de Tim Burton

Prévisionnement en ligne Nr 1

The Light of my life de Casey Affleck 1h59, américain
Dans la famille Affleck, je demande Casey, acteur, producteur, scénariste, monteur, réalisateur. Après I’m still here en 2010, The Light of my life est son second long métrage tourné en 2017, classé Science fiction lors de sa production ainsi qu’à la Berlinale 2019 et lors de sa sortie nationale aux US et Canada en Août 2019 .
En France la sortie nationale étant prévue le 6 mai 2020,  on ne parlera plus de Science fiction mais plutôt de thriller réaliste.
Casey Affleck a eu du flair ! Ca fait 10 ans qu’il le prépare. Bingo !
En plus de son scénario, le film est superbement joué par le duo d’acteurs que forme Casey Affleck himself et la talentueuse Anna Pniowski, les images sont à couper le souffle, c’est lent comme il faut et haletant, on est pris dans l’histoire. Le dernier quart d’heure est très très américain et pas très bien maitrisé, je trouve.
Un film intéressant à soumettre à la prochaine réunion de programmation.
Peut-être qu’une bonne dizaine de minutes en moins n’aurait rien gâché.
Marie-No

Voir ou revoir Eric Rohmer (2ème épisode)

Cette fois-ci, on continue avec quatre films : Le beau mariage 1982 « comédies et proverbes », la femme de l’aviateur 1981 « comédies et proverbes », l’amour l’après-midi « six contes moraux » 1972, l’ami de mon amie 1987  » comédies et proverbes » 

Dans cette série Eric Rohmer comme dans la précédente, dont je tire les films dans le désordre, les acteurs et actrices sont jeunes. Les actrices ont ceci de commun : Minois, taille moyenne, minceur. (On ne verrait pas Rosy de Palma ou Corinne Maziero dans l’un de ses films). Quant aux lieux de vie, ils oscillent entre la bohème et l’intérieur bourgeois. Les professions sont majoritairement tertiaires sup, souvent libérales ou enseignants, plus rarement apparaissent des « petits emplois », quand c’est le cas, ils sont tenus par des jeunes filles en devenir : vendeuses et serveuses, (ce sont souvent des jobs d’étudiantes) dans ce monde, on peut rencontrer des artistes, souvent des peintres. Les vêtements sont à la mode de leur époque. La tonalité douce des voix, indique la position sociale des personnages. Leur phrasé caractéristique s’accompagne souvent de bavardages, comme si les choses se passaient ailleurs que dans les mots. Les tête à tête succèdent aux mondanités toujours présentes sous forme de cocktails ou surprises parties. Souvent les personnages n’ont pas trop de temps pour manger, alors ce sera léger et sur le pouce dans un bistrot à moins que ce ne soit un sandwich dans un parc. Rohmer met en scène le public qui va voir ses films, il lui tend un miroir. Mais peut-on s’arrêter à ces remarques ? N’y a-t-il pas autre chose ? D’où vient le fait qu’on est tout de même captif ?  

Et de nos jours, peut-on encore faire des films dans la voie choisie par Eric Rhomer ? On pense tout de suite à Guillaume Brac de Tonnerre et surtout des « Contes de juillet » qui comme « l’ami de mon amie » d’Éric Rohmer nous conduit à Pontoise. Mais Rohmer c’est aussi une manière de vivre et de penser son temps. Entre l’hier de ses films et aujourd’hui, assez peu de temps s’est écoulé, mais suffisamment pour constater des écarts : L’esthétique, les décors, la mode, les manières de se parler et de se toucher, la courtoisie et la muflerie, l’érotisme, tout cela a bougé. Pourtant sous la surface des choses, l’œuvre est toujours présente. Alors retournons au coffret Rohmer.

Le beau mariage

« Le beau mariage » est tout indiqué pour poursuivre… Un casting très Rohmerien, Sabine (Béatrice Romand, qui a joué dans moult film de Rohmer), Edmond (André Dussolier), et Clarisse (Arielle Dombasle). Plaquée par son amant marié, Sabine décide à son tour de se marier, elle ne sait pas avec qui, mais qu’importe ce détail, sûr d’elle et de son charme, elle veut faire le mariage qui fera d’elle une femme libre… De toutes contingences matérielles. Faut-il aimer pour se marier ou se marier puis apprendre à aimer ? Sabine est une femme entreprenante, Edmond lui plaît, c’est un avocat très occupé, (un Dussolier crispant au possible !). Mais qu’à cela ne tienne, fonçons ! Constatons au moins que Sabine a une conception de la réciprocité dans le couple qui ne se laisse pas enfermer dans un rapport économique : le travail source de liberté et d’égalité n’est pas son sujet. Mais qui penserait comme elle en 2020 ? On se prend alors à estimer avantages et inconvénients de nos idéaux changeants.

La femme de l’aviateur

Vient ensuite la « femme de l’aviateur » avec Rohmer les acteurs sont pris dans un type de jeu qui ne peut pas être autre que celui choisi par Rohmer ! L’acteur principal c’est Philippe Marlaud un jeune homme qui interprète François. Il avait joué dans « Passe ton bac d’abord » de Pialat. La femme de l’aviateur sera hélas son dernier film, il mourra brûlé dans un accident de camping à l’âge de 22 ans. Anne est interprétée par Marie Rivière qui avait joué en 1978 dans Perceval le Gallois, et continuera avec Rohmer et bien d’autres grands réalisateurs, plus tard, elle se rendra célébre en aimant et en épousant un bandit, Roger Knobelspiess, elle produira un récit pour sa défense « Un amour aux assises ». Anne Laure Meury, elle aussi jouait dans Perceval, (tout comme d’ailleurs Fabrice Lucchini qu’on verra quelques secondes dans le film), ce sera Lucie, un prénom bien mérité ! Ce film c’est l’enquête involontaire et grâce à Lucie, joyeuse, d’un amant éconduit… La façon d’être aimé ne pèse pas lourd quand on aime, mais tout de même… Et il y a quelque chose qui rappelle les rendez-vous de Paris dans ce film, sans doute les parcs et jardins, mais aussi une touche d’humour et la délicatesse. 

L’amour l’après-midi

Dans cette seconde série, c’est l’Amour l’après-midi que j’ai le mieux aimé. Je ne dois pas être le seul car il figure dans le top 10 des entrées pour les films de Rohmer. Pour le premier rôle, on trouve Bernard Verley, un tout jeune homme qui avait déjà et aura plus encore une carrière considérable, au théâtre, au cinéma, à la télé. Dans « l’amour l’après-midi » il sera Frédéric, ensuite il y a Françoise Verley son épouse, dans le rôle d’Hélène… son épouse. Puis Zouzou, une égérie des années soixante, soixante-dix, ainsi nommée pour son zézaiement, ancien mannequin de chez Catherine Arlé, etc. Elle sera Chloé. Frédéric est un homme heureux, persuadé de son charme irrésistible, comme souvent les êtres qui se sentent aimés. (cf L’artifice du médaillon magique).Mais l’amour l’après-midi ne se laisse pas contenir dans ce résumé, n’oublions pas deux choses, la première, ce film appartient aux contes moraux, (j’aimerais qu’un jour on m’explique en quoi consiste la morale de Rohmer, non qu’il en soit privé, mais elle m’échappe un peu), la seconde dont il faut se souvenir, il y a souvent de belles promenades dans les films de Rohmer, mais toujours avec humour et malice, il nous promène encore davantage …

L’ami de mon amie

L’ami de mon amie se passe dans le nouveau Pontoise et ses environs. On se demande pourquoi ce film a été réalisé, sans doute pour assurer la promotion d’un art de vivre à Cergy-Pontoise (je ne sais pas si c’est un film de commande), ou pour nous raconter une histoire. Les deux sans doute. Il n’est pas certain que Rohmer aurait accepté de tourner dans n’importe quelle ville nouvelle, avec Cergy Pontoise, comme le fera plus tard Guillaume Brac, il filme un lieu où il fait bon vivre parce qu’il a été conçu pour ça. Les gens marchent où flânent dans les rues piétonnes, les parcs et jardins, se retrouvent aux terrasses de cafés, il y a aussi l’Oise et ses méandres, les sports nautiques. Autant Godard conteste dans un monde de moteurs et n’en sort jamais vraiment, autant Rohmer se débarrasse de tout ce qui le gène, qu’il ne trouve pas beau, du coup, les voitures y sont très rares. A Cergy, Rohmer aurait des difficultés de nos jours, la ville ne vieillit pas trop bien et nombre d’espaces verts sont rognés pour y placer des parkings ou pour « densifier ». Mais revenons au film, Emmanuelle Chaulet (Blanche) joue son premier film, le suivant sera avec Claire Denis. Sophie Renoir (la petite fille de…) interprète Léa son amie. Eric Viellard joue Fabien et François Eric Gendron (le fils de…) Alexandre. Tout est dans le titre excepté peut-être les points de suspensions. Avec Rohmer il faut toujours faire attention, un amour peut en cacher un autre. On sera aussi amusé par le signifiant jeu de couleurs dans les vêtements des personnages. 

Au centre des films de Rohmer il y a le désir. Comment et pourquoi naissent, se font et défont les amitiés et les amours sont ses questions pour cette série. Son érotisme est assez pudique, il y a parfois des nus comme dans l’amour l’après-midi, mais pas plus que ça. La parade amoureuse, la séduction l’intéressent davantage : un décor, une manière de s’habiller, et une manière de conter fleurette qui est en même temps une partie de fleuret.

Et remarquons une constante, les personnages de Rohmer sont fair-play. Quand ils se séparent, ce n’est jamais la fin du monde.

Georges

Avez-vous un film préféré ? détesté ?

Le blog des Cramés vous soutient et vous accueille pendant cette période de turbulence confinée
Vous avez un film préféré ? détesté ?
Écrivez pourquoi en quelques lignes ou plusieurs paragraphes et envoyez votre texte signé de votre nom ou du pseudo de votre choix à georges.joniaux45@orange.fr

Chers Cramés confinés, prêts ? Alors à vos plumes, racontez !
La première série de textes sera publiée dans le blog à la mi avril .

La fille au bracelet et Acusada (2)

Au départ, c’est la même histoire.
Une idée de fait divers, d’affaire criminelle comme il y en a tant d’autres et occupent les médias et réseaux sociaux, exemple « Faites entrer l’accusé » pour ceux qui, comme moi, regarde cette émission débordant d’idées de scénarios de films dramatiques, régurgitant les effets tragiques de notre monde.
Cette idée de fait divers, c’est Gonzalo Tobal qui, d’abord l’a développé, déployé dans son film Acusada et Stéphane Demoustiers l’a, en suivant, ré-enveloppé, resserré dans La Fille au bracelet.
Dolorès/Lise est une jeune fille de 18 ans qui vit dans un quartier résidentiel, entourée de sa famille, sans vague, sans histoire. Sans histoire sauf que, des histoires il y en a toujours. Elles sortent ou pas et les deux films montrent dès le début, ou très vite, le bracelet électronique que porte Dolorès /Lise : elle est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie. Ouah !

Si Gonzalo Tobal nous promène autour du procès, au cœur du foyer familial, la majorité du temps hors les murs du tribunal, dans la maison, Stéphane Demoustiers, lui, traite le sujet en majorité dans le tribunal intra muros pour un film de procès.
Dans les deux versions, il s’agit d’un thriller, d’une tragédie familiale avec, au centre, Dolorès/Lise, une personne inconnue qui fait partie de la famille depuis 18 ans, depuis qu’elle est née.
Et dans les deux versions la description du ravage familial est magistrale.

La version « clinique » de Stéphane Demoustiers m’a davantage marquée et son casting prestigieux me ravit encore.
D’abord c’est la mer, la plage plutôt, ils sont là, le père, la mère, la sœur, le petit frère, posés là dans leur pré carré, chacun dans son petit espace personnel, sur leur drap de bain, presque nus, presque proches. Il fait chaud, l’air est gris. Quand les gendarmes arrivent, pour cueillir cette jeune fille en fleur, personne ne bronche. Chez ces gens-là, on ne fait pas de grands gestes, on ne fait pas d’esclandre. A partir de là, le truc ça va être d’essayer d’occulter le bracelet et attendre la suite, chacun pour soi, les œillères réajustées tant bien que mal. On se parle sans se parler, on s’arrange, on jongle avec sa vérité. Lise communique peu. Pas trop hâte de savoir. On attend.
Quand arrive le procès, on y est, physiquement, dans la salle de tribunal et par le rythme du film, les longs plans séquences, toute distraction, est impossible. Si on peut, parfois, peut-être, se poser des questions sur le bien-fondé de la cage en verre, pour ce film il est très judicieux et habile d’avoir placé l’héroïne dans ce décor de tribunal moderne (ici celui de Nantes), pour matérialiser, figurer la bulle dans laquelle Lise existe et vit, séparée par un mur invisible de l’espace où existent et vivent ses parents. Sa bulle ne manque pas de place pour ceux qui pourraient l’y rejoindre, choisiraient d’y entrer. Pour l’heure, elle est seule, la tête haute pour entendre et répondre aux questions qui vont lui être posées.
Les témoignages et plaidoiries servent de dialogues. C’est brillant. On voit avec les yeux des parents et le fait que ce soit un film de procès agit comme un miroir grossissant sur les questions de compréhension, d’incompréhension, d’attention, de manque d’attention, à quel point connaît-on ses propres enfants, jusqu’où est-on prêt à les aimer ?
Comment cohabiter et connaître mieux l’autre et pas seulement entre deux générations. La procureure, ambitieuse, impitoyable, (jouée magistralement par Anaïs Demoustiers), et l’accusée, inquiétante et troublante (formidable Mélissa Guers dans son premier rôle), font quasi partie de la même génération.
Que comprenons-nous aux adolescents devenus jeunes adultes, que savons-nous de leurs amitiés, de leurs amours ? Les juges, jurés, avocats et adultes présents dans l’assistance ne comprennent pas leurs mœurs et les condamnent, par réflexe, par défense. Pour quel fait Lise Bataille va-t-elle être jugée ? à quel point les médias et les réseaux sociaux que nous avons vu (laissé) prendre le pouvoir, en manipulant, sinon la vérité, du moins la réalité affectent-ils les comportements ? quelles marques le flux incessant d’images laisse-t-il dans nos vies ?
Le film montre aussi l’influence qu’a la durée de l’instruction et comment, dans une affaire judiciaire, tout est forcément faussé.

La dernière scène finira de troubler l’eau du bocal
Innocente ou coupable, Lise ?

A votre avis ?

Marie-No