Cette fois-ci, on continue avec quatre films : Le beau mariage 1982 « comédies et proverbes », la femme de l’aviateur 1981 « comédies et proverbes », l’amour l’après-midi « six contes moraux » 1972, l’ami de mon amie 1987 » comédies et proverbes »
Dans cette série Eric Rohmer comme dans la précédente, dont je tire les films dans le désordre, les acteurs et actrices sont jeunes. Les actrices ont ceci de commun : Minois, taille moyenne, minceur. (On ne verrait pas Rosy de Palma ou Corinne Maziero dans l’un de ses films). Quant aux lieux de vie, ils oscillent entre la bohème et l’intérieur bourgeois. Les professions sont majoritairement tertiaires sup, souvent libérales ou enseignants, plus rarement apparaissent des « petits emplois », quand c’est le cas, ils sont tenus par des jeunes filles en devenir : vendeuses et serveuses, (ce sont souvent des jobs d’étudiantes) dans ce monde, on peut rencontrer des artistes, souvent des peintres. Les vêtements sont à la mode de leur époque. La tonalité douce des voix, indique la position sociale des personnages. Leur phrasé caractéristique s’accompagne souvent de bavardages, comme si les choses se passaient ailleurs que dans les mots. Les tête à tête succèdent aux mondanités toujours présentes sous forme de cocktails ou surprises parties. Souvent les personnages n’ont pas trop de temps pour manger, alors ce sera léger et sur le pouce dans un bistrot à moins que ce ne soit un sandwich dans un parc. Rohmer met en scène le public qui va voir ses films, il lui tend un miroir. Mais peut-on s’arrêter à ces remarques ? N’y a-t-il pas autre chose ? D’où vient le fait qu’on est tout de même captif ?
Et de nos jours, peut-on encore faire des films dans la voie choisie par Eric Rhomer ? On pense tout de suite à Guillaume Brac de Tonnerre et surtout des « Contes de juillet » qui comme « l’ami de mon amie » d’Éric Rohmer nous conduit à Pontoise. Mais Rohmer c’est aussi une manière de vivre et de penser son temps. Entre l’hier de ses films et aujourd’hui, assez peu de temps s’est écoulé, mais suffisamment pour constater des écarts : L’esthétique, les décors, la mode, les manières de se parler et de se toucher, la courtoisie et la muflerie, l’érotisme, tout cela a bougé. Pourtant sous la surface des choses, l’œuvre est toujours présente. Alors retournons au coffret Rohmer.
« Le beau mariage » est tout indiqué pour poursuivre… Un casting très Rohmerien, Sabine (Béatrice Romand, qui a joué dans moult film de Rohmer), Edmond (André Dussolier), et Clarisse (Arielle Dombasle). Plaquée par son amant marié, Sabine décide à son tour de se marier, elle ne sait pas avec qui, mais qu’importe ce détail, sûr d’elle et de son charme, elle veut faire le mariage qui fera d’elle une femme libre… De toutes contingences matérielles. Faut-il aimer pour se marier ou se marier puis apprendre à aimer ? Sabine est une femme entreprenante, Edmond lui plaît, c’est un avocat très occupé, (un Dussolier crispant au possible !). Mais qu’à cela ne tienne, fonçons ! Constatons au moins que Sabine a une conception de la réciprocité dans le couple qui ne se laisse pas enfermer dans un rapport économique : le travail source de liberté et d’égalité n’est pas son sujet. Mais qui penserait comme elle en 2020 ? On se prend alors à estimer avantages et inconvénients de nos idéaux changeants.
Vient ensuite la « femme de l’aviateur » avec Rohmer les acteurs sont pris dans un type de jeu qui ne peut pas être autre que celui choisi par Rohmer ! L’acteur principal c’est Philippe Marlaud un jeune homme qui interprète François. Il avait joué dans « Passe ton bac d’abord » de Pialat. La femme de l’aviateur sera hélas son dernier film, il mourra brûlé dans un accident de camping à l’âge de 22 ans. Anne est interprétée par Marie Rivière qui avait joué en 1978 dans Perceval le Gallois, et continuera avec Rohmer et bien d’autres grands réalisateurs, plus tard, elle se rendra célébre en aimant et en épousant un bandit, Roger Knobelspiess, elle produira un récit pour sa défense « Un amour aux assises ». Anne Laure Meury, elle aussi jouait dans Perceval, (tout comme d’ailleurs Fabrice Lucchini qu’on verra quelques secondes dans le film), ce sera Lucie, un prénom bien mérité ! Ce film c’est l’enquête involontaire et grâce à Lucie, joyeuse, d’un amant éconduit… La façon d’être aimé ne pèse pas lourd quand on aime, mais tout de même… Et il y a quelque chose qui rappelle les rendez-vous de Paris dans ce film, sans doute les parcs et jardins, mais aussi une touche d’humour et la délicatesse.
Dans cette seconde série, c’est l’Amour l’après-midi que j’ai le mieux aimé. Je ne dois pas être le seul car il figure dans le top 10 des entrées pour les films de Rohmer. Pour le premier rôle, on trouve Bernard Verley, un tout jeune homme qui avait déjà et aura plus encore une carrière considérable, au théâtre, au cinéma, à la télé. Dans « l’amour l’après-midi » il sera Frédéric, ensuite il y a Françoise Verley son épouse, dans le rôle d’Hélène… son épouse. Puis Zouzou, une égérie des années soixante, soixante-dix, ainsi nommée pour son zézaiement, ancien mannequin de chez Catherine Arlé, etc. Elle sera Chloé. Frédéric est un homme heureux, persuadé de son charme irrésistible, comme souvent les êtres qui se sentent aimés. (cf L’artifice du médaillon magique).Mais l’amour l’après-midi ne se laisse pas contenir dans ce résumé, n’oublions pas deux choses, la première, ce film appartient aux contes moraux, (j’aimerais qu’un jour on m’explique en quoi consiste la morale de Rohmer, non qu’il en soit privé, mais elle m’échappe un peu), la seconde dont il faut se souvenir, il y a souvent de belles promenades dans les films de Rohmer, mais toujours avec humour et malice, il nous promène encore davantage …
L’ami de mon amie se passe dans le nouveau Pontoise et ses environs. On se demande pourquoi ce film a été réalisé, sans doute pour assurer la promotion d’un art de vivre à Cergy-Pontoise (je ne sais pas si c’est un film de commande), ou pour nous raconter une histoire. Les deux sans doute. Il n’est pas certain que Rohmer aurait accepté de tourner dans n’importe quelle ville nouvelle, avec Cergy Pontoise, comme le fera plus tard Guillaume Brac, il filme un lieu où il fait bon vivre parce qu’il a été conçu pour ça. Les gens marchent où flânent dans les rues piétonnes, les parcs et jardins, se retrouvent aux terrasses de cafés, il y a aussi l’Oise et ses méandres, les sports nautiques. Autant Godard conteste dans un monde de moteurs et n’en sort jamais vraiment, autant Rohmer se débarrasse de tout ce qui le gène, qu’il ne trouve pas beau, du coup, les voitures y sont très rares. A Cergy, Rohmer aurait des difficultés de nos jours, la ville ne vieillit pas trop bien et nombre d’espaces verts sont rognés pour y placer des parkings ou pour « densifier ». Mais revenons au film, Emmanuelle Chaulet (Blanche) joue son premier film, le suivant sera avec Claire Denis. Sophie Renoir (la petite fille de…) interprète Léa son amie. Eric Viellard joue Fabien et François Eric Gendron (le fils de…) Alexandre. Tout est dans le titre excepté peut-être les points de suspensions. Avec Rohmer il faut toujours faire attention, un amour peut en cacher un autre. On sera aussi amusé par le signifiant jeu de couleurs dans les vêtements des personnages.
Au centre des films de Rohmer il y a le désir. Comment et pourquoi naissent, se font et défont les amitiés et les amours sont ses questions pour cette série. Son érotisme est assez pudique, il y a parfois des nus comme dans l’amour l’après-midi, mais pas plus que ça. La parade amoureuse, la séduction l’intéressent davantage : un décor, une manière de s’habiller, et une manière de conter fleurette qui est en même temps une partie de fleuret.
Et remarquons une constante, les personnages de Rohmer sont fair-play. Quand ils se séparent, ce n’est jamais la fin du monde.
Georges
Contes appelés moraux par espièglerie car principalement, délibérément, dénués de scènes de sexe.
Contes délibérément immoraux illustrant, certains plus que d’autres, les péchés capitaux.
Orchestrant ces préliminaires littéraires délicats, l’amour physique n’est pas montré. C’est pire.
Délicieux.