Paris la blanche, une histoire d’exil et d’amour.

Prix France Bleu au Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz
Du 11 au 16 mai 2017
Soirée-débat mardi 16 à 20h30

Présenté par Françoise Fouillé
Film français (mars 2017, 1h26) de Lidia Terki avec Tassadit Mandi, Zahir Bouzerar, Karole Rocher, Sébastien Houbani, Dan Herzberg et Marie Denarnaud
Titre original : Toivon tuolla puolen
Distributeur : ARP Sélection
PREMIER LONG MÉTRAGE

Synopsis : Sans nouvelles de son mari, Rekia, soixante-dix ans, quitte pour la première fois l’Algérie pour ramener Nour au village. Mais l’homme qu’elle finit par retrouver est devenu un étranger.

Voici un modeste film, rare et profond, qui n’occupera pas les salles longtemps, n’affiche aucun nom connu, de réalisateur, acteur ou autre star du cinéma. Et pourtant, avec de petits moyens, la réalisatrice, Lidia Leber Terki, franco-algérienne, nous livre une belle histoire, dramatique et sentimentale, qui raconte un peu celle de ses propres parents, une histoire d’exil, de trajet au-delà des mers, de la découverte d’une terre inconnue et de cette nouvelle vie, non choisie mais imposée par les circonstances de l’Histoire.
Nous avons donc Rekia, une femme kabyle âgée de 70 ans, qui n’a visiblement jamais quitté son Algérie natale, et qui se lance dans improbable voyage qui la mène d’Alger à Marseille en bateau ( ce qui nous vaut de très jolis plans larges sur cette belle mer bleue) et une furtive rencontre avec une dame qui dit que  » les Français n’ont pas été très propres » sous-entendu pendant la guerre d’Algérie, à quoi ReKia répond que pendant les guerres personne n’est propre..).
Arrivée à Marseille, où Rekia est filmée de façon incongrue, vue d’en haut perdue dans ce nouvel espace, ou dans un plan traversé par une passerelle. Ensuite traversée de la France en TGV et arrivée dans la capitale, dans un de ces quartiers de l’est qui abritent encore des immigrés.
C’est lorsque Rekia quitte l’hôtel où elle cherche son mari, que j’ai remarqué pour la première fois le bruit. Celui des roulettes de sa valise, sans aucun autre son ajouté, qui revient dans la bande-son, lancinant, dans le couloir du foyer par exemple, le bruit de la valise, le bruit de l’exil.
Paradoxalement c’est à Paris que Rekia fait ses plus belles rencontres, avec des immigrés qui vont l’aider, un Syrien, une jeune française aussi, Tara, qui montre que la solidarité existe, que le monde mondialisé n’est pas aussi noir que les médias nous le disent. A Paris beaucoup d’associations, de riverains apportent spontanément leur aide à ces réfugiés en détresse . ( J’ai la voix de François Ruffin qui parle à France-inter ! ).
Donc après ces beaux portraits de gens ordinaires, Rekia arrive enfin dans une banlieue industrielle à retrouver Nour son cher et bien aimé mari, dont elle est séparée pour cause de travail depuis 48 ans (chiffre que les nouveaux exilés n’arrivent pas à croire). Et comme Rekia nous découvrons, l’environnement industriel et chaotique, la chambre minuscule, avec vue sur le béton qu’habite Nour depuis sa retraite ( 3 -4 ans). Et comme elle, nous observons les objets, la petite plaque de cuisson, le lit, le lavabo qui sert aussi d’évier, la minuscule penderie, et là nous pensons comme Rekia que Nour vivrait bien mieux dans sa maison, perdue dans les montagnes et la verdure de Kabylie.
Mais voilà trop de temps a passé, Nour ne connaît pas ses propres enfants, aperçus au cours des vacances au bled, il ne connaît plus ce pays dont il parle la langue, qui était le sien, la Kabylie mais relégué dans ces foyers perdus, il ne connaît pas non plus son pays  » d’accueil » la France et Paris dont il n’a même pas visité le monument le plus emblématique et mondialisé la Tour Eiffel.
Le film peu à peu monte en puissance émotionnelle, à partir du voyage en bus, qui fait symboliquement le tour, la boucle et emporte deux êtres qui s’aiment, mais qui savent en s’étreignant sur un quai de la gare de Lyon, qu’ils ne se reverront jamais, de toute éternité.
Oui c’était un beau film, simple et ténu qui parle de nous-mêmes.

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