Les arbres remarquables de Georges Feterman, Jean-Pierre Duval-Caroline Breton

A propos des arbres Francis Hallé  Biologiste, Botaniste, spécialiste des Forêts tropicales écrit :

« Je me demande si le rapport premier aux arbres n’est pas d’abord esthétique, avant même d’être scientifique. Quand on rencontre un bel arbre, c’est tout simplement extraordinaire » 

Dans plaidoyer pour l’arbre il ajoute : 

Lorsqu’on abat un ramin, une angélique, ou un maobi on réduit la surface d’échange de la planète de 300 hectares, rien d’étonnant que le climat s’en ressente, surtout si le chantier abat 80 arbres par jour. Aucun être vivant n’approche même de très loin, les surfaces d’échange d’un grand arbre ». 


Le film était superbe, avec des défauts pardonnables, sans doute un peu trop long et trop ponctué par des accords musicaux parfois (mais pas toujours)  trop sirupeux,  appuyés et dérangeants. Mais les arbres ! 

Tout d’abord, pour débattre ce film, il y avait deux intervenants Bérangère Metzger de Ecolokaterre et Maxime Fauqueur de ARBRES.  Différents spectateurs m’ont questionné : ils se connaissaient ? Non ils ne se connaissaient pas ai-je répondu, mais ils se reconnaissaient bien. Ils avaient en commun une même chose. Tous deux sont des militants, c’est-à-dire des gens qui consacrent une large partie de leur vie à une cause qu’ils entendent faire partager. Au bout du compte, c’est par des gens comme eux qu’avancent nos prises de conscience, et très modestement mais sans aucun doute, la civilisation.  Ici la cause des arbres. C’est superbe de se dire, puisque je vis,  je vais parler des arbres, les faire connaître et… être leur avocat. Que ces « passeurs » soient remerciés pour cette soirée, pour leur conviction, leur compétence et leur gentillesse. 

Le film nous présente de très harmonieux et majestueux arbres, et aussi d’autres, vieux, très vénérables, (j’ai lu que les arbres étaient immortels, c’est-à-dire que contrairement aux animaux dont l’homme, ils n’ont pas  la mort programmée dans leurs gènes, les causes de leur mort sont totalement déterminées de l’extérieur, en d’autres termes un arbre ne meurt pas sans être tué). Et tout de même en attendant l’agent de leur fin de vie, quel élan vital ! Des arbres noueux, meurtris,  aux branches tordues,  cassées, beaux par leur dimension et leurs stigmates. Parfois même, ils sont couchés, ou leurs troncs  sont emplis de cavités. Mais ils sont là, bien  vivants, depuis des siècles, vénérables. Et le film nous signale discrètement, qu’ils s’entraident, « perfusent » celui  d’entre eux qui ne peut plus y arriver seul. L’arbre est un être social,  capable de coopération et de don  de soi (1).

Le film est ponctué d’interventions toutes remarquablement choisies, en premier lieu,  celles de Francis Hallé et d’Alain Baraton, tout autant pour exemple, celles de Georges Feterman ou de Maxime Fauqueur. 

Je retiens de ce documentaire et du débat, qu’à travers les arbres c’est de l’histoire humaine, de l’ambivalente histoire humaine dont il est question. Les arbres ont commencé leur vie sur terre il y a 380 millions d’années, et nous, nous n’y sommes que depuis 200 mille ans. Ils n’ont que faire de nous ! Dans cette histoire, l’homme met des mots sur les choses : il nomme, accorde des propriétés et… s’approprie – puis…si bon lui semble, se donne tout autant des droits de vie et de mort des arbres sur sa propriété.  Car comme le faisait remarquer M.Fauqueur, la propriété est un droit absolu (qui ne laisse donc aucune place au bien commun).

Si l’on se place du point de vue de l’homme, l’arbre a dès l’aube de l’humanité  constitué  sa condition d’existence, lui permettant de  se protéger,  se nourrir, se chauffer… de construire, de s’outiller. Il fut la condition même de notre possibilité d’existence puis de notre civilisation . Si l’on se place de celui de l’arbre, on peut dire qu’il a rencontré en l’homme son plus constant prédateur. 

Et c’est une force de ce film de nous  montrer qu’il existe aussi et depuis tous temps et maintenant plus qu’hier,  une relation entre les hommes et l’arbre chargée d’attention de bons soins et d’amour, de nous dire qu’elle est possible et que certains la vive.  (N’empêche, la tronçonneuse selon chacun et sans permis est une calamité !)

Bien sûr, ce qui nous a été montré, c’est pour l’essentiel, l’arbre des villes, dans son agencement urbain, monuments,  châteaux et églises, jardins, promontoires…mais c’est un pas. Constatons d’ailleurs que le sauvage fait toujours peur et cette peur est ancrée en nous, comme l’affirmait François Terrasson(*2) dans les années 1980, de là une cascade de conséquences(*3) : « L’homme a tendance à détruire ce qui lui fait peur. Il ne va pas demander qu’on abatte la forêt, mais qu’on fasse reculer la ronce, le reptile et l’inconnu. Bref, il réclame le nettoyage des sous-bois, l’ouverture de nouveaux chemins et l’installation d’écriteaux rassurants. Derrière les discours de technocrates aménageurs, (…) se cacherait l’antique crainte de la nature sauvage »…

Soit ! N’empêche, ce film tout comme la littérature de vulgarisation sur les arbres indique que les temps changent, et il y a un public de plus en plus nombreux pour ça . Il devient plus difficile de défendre l’idée que les arbres sont de simples choses utilitaires ou décoratives. Et certains élus qu’Alain Baraton (4) dénonce, ont du souci à se faire pour assouvir leur passion d’exister uniquement par le bétonnage. Les humains qui considèrent l’arbre avec émotion, tendresse et respect sont de plus en plus nombreux et ils se battent (5). On monte des marches, rappelons-nous qu’il a fallu le même effort insensé pour que les esclaves soient considérés comme des hommes ! (*6 ) Alors, en dépit des études scientifiques, voir l’arbre comme vivant et sensible demeure un chemin à faire.

L’éventuel lecteur  de mes digressions intempestives qui serait allé au bout m’excusera, et s’il veut bien  garder une seule chose de ces lignes ce pourrait être  : Allez voir « Les arbres remarquables », c’est un documentaire qui non seulement nous montre de beaux arbres mais en outre, donne à voir des rapports profonds et responsables de l’humain à l’arbre… et si vous l’avez vu, conseillez-le tout simplement !

(1) Dès les années 1930, un écologue japonais, Kinji Imanashi avait décrit des mécanismes de coopération inter-espèces et dans une même espèce in  » le Monde des êtres vivants ». Edition Wildproject, domaine Sauvage 2009. Depuis, les observations en ce sens n’ont cessé de se multiplier.

2 et 3) François Terrasson, « La peur de la Nature » édition Sang de la Terre 1988, commenté par Marc Ambroise-Rendu in le Monde 1988 (bien heureux d’avoir conservé l’article dans le livre!)

4) Alain Baraton « La haine de l’Arbre » Actes Sud 2013, il cite de nombreux cas prouvés d’allégations de maladies pour abattre des arbres, et depuis de grands projets inutiles qu’il cite n’ont pas manqué, pour le plus grand bonheur des prêteurs et du BTP et la mauvaise fortune des arbres gênants)

5) Que la spectatrice et militante soit remerciée pour sa sensible et pertinente intervention concernant le Boulevard de Belles Manières, la politique c’est d’abord ça!

6) Ecouté il y a peu, T.Piketty à la radio qui disait que lors de la fin de l’esclavage aux USA, on n’a pas indemnisé les esclaves, mais leurs »maîtres ».

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