Spécial Amis

Notre amie Sylvie Braibant contributrice du Blog des Cramés de la Bobine a publié ce très beau livre :

« Journaliste indépendante, après 40 ans de carrière dans l’audiovisuel public – TF1, jusqu’à sa privatisation, puis TV5MONDE jusqu’en 2019, et aussi au Monde Diplomatique… Sylvie Braibant est la fille du juriste communiste Guy Braibant » « Voilà quelques années, alors que je lisais la notice du Maitron, le Dictionnaire biographique du mouvement social, consacrée à la biographie de Guy,

j’ai été stupéfaite par une absence, celle de Michla, qui fut sa femme durant près de 40 ans, sa compagne de lutte, une résistante, la mère de ses enfants. Nulle trace de cette histoire d’amour et de désamour, de victoires et de défaites, dans laquelle se lisent aussi les aléas de l’engagement politique, et l’effacement des femmes du récit historique », écrit Sylvie Braibant.

Aussi son livre rend-il justice à ses deux parents militants hors pair chacun dans son genre.

Les Promesses d’Hasan-Semih Kaplanoglu (2)

J’ai beaucoup aimé les Promesses d’Hasan. Formidable film, construit comme un long travelling à facettes multiples, tant au plan esthétique qu’aux réflexions auxquelles nous invite Semih Kaplanoglu dans ses superbes paysages…

La question du progrès de l’agriculture, des techniques de plus en plus productives qui entrainent l’entrée de jeunes exploitants dans un capitalisme qui se veut sans faille et oblige à des ruses, des arnaques et des compromissions, finissent par déposséder les travailleurs de la terre de toute moralité. Mais le système est ainsi fait que pour gagner des marchés (ceux de l’UE en l’occurence), il faudra toujours faire plus, traiter davantage quitte à empoisonner… Pourtant que d’humanité dans le traitement des personnages, et quel grand rôle que celui d’Hasan se démêlant de sa propre adversité, celle construite au fil d’une vie jalonnée de renoncements et de trahisons.

Alors vient le temps du pardon obligé mais qui s’avère (finalement) impossible vers les plus proches. Le vent chaud dessèche tout. L’image est soignée. Les plans fixes comme des photos (j’ai pensé aux plans d’ouvertures de séquences qu’avait choisis A.Varda dans « Sans toit ni loi”). Portraits, silhouettes, paysages et gros plans sur la nature sont remarquablement soignés ; l’image est magique… et ajoute encore par des effets spéciaux faisant surgir le rêve à l’écran.

Bref, c’est un superbe long long métrage que je recommanderai volontiers.

Pierre Oudiot

….et bienvenu à Pierre, nouveau contributeur

Decision To Leave, Park Chan-Wook (2)

Ce film surprenant composé en trois parties est une délicieuse mise en abîme. 

Le réalisateur Park Chan-Wook fait feu de tout bois, c’est comme si dans les deux premiers tableaux, il avait patiemment accumulé pièces à conviction et tension érotique telles des brindilles et des branchages savamment agencés sur le sol, à seule fin de produire au final la combustion parfaite entre bois et air. Tout cela avec une maîtrise et une économie de moyens remarquables.

Quand ce dispositif s’embrase c’est l’apothéose. Le feu de camp prend avec une subite incandescence dans un décor de bord de mer démontée. La tempête s’intensifie au fur et à mesure que l’immanence du dénouement saute à la gorge du spectateur. L’ondée lave toute la pression accumulée et donne sa dimension tragique à l’intrigue inéluctablement nouée dès les premiers instants. Dans la séquence finale toutes les digues cèdent en même temps.

« Decision to leave » est un film complet. Son titre lui-même est révélateur de la dramaturgie de l’œuvre. Les deux protagonistes sont Hae-Joon, un policier coréen obsessionnel et insomniaque et Seo-Rae, une aide-soignante chinoise énigmatique, suspectée de meurtre à plusieurs reprises. Ils se comportent comme deux araignées. Dans une minutieuse chorégraphie chacune imperturbablement tisse sa toile autour de son araignée partenaire. Elles finissent chacune prisonnière de la toile tissée par l’autre dans une figure d’une grande puissance poétique. Car le choix est cornélien. La « décision de quitter », c’est à-dire le renoncement est au cœur du film, il n’est pas négociable et emporte tout le reste.

Les ficelles du genre sont tirées avec une maestria hitchcockienne en diable. Les ressorts psychologiques des personnages se déploient dans un labyrinthe où chemine le cours implacable de l’enquête policière. Evidemment intervient le grain de sable qui vient à la fois détourner l’enquête officielle et propulser le sentiment amoureux au-delà des limites autorisées. La quête amoureuse qui s’apparente à une quête de sens se superpose à l’enquête, aux enquêtes plus exactement. 

Quant à la fresque sociale, elle est portée par une brochette de personnages caricaturaux sur fond de vengeance, de malversations et de manipulation. Hormis le policier, les hommes sont violents, calculateurs et dénués d’empathie. Dans ce bestiaire se retrouvent notamment pêle-mêle un homme respecté mais loin d’être respectable, sa moralité douteuse et son machisme n’ont d’égal que l’auto-culte de sa personnalité. Ou encore un magouilleur opportuniste aux abois. Un imbécile aveuglé par son complexe d’Œdipe. Un voyou incontrôlable incapable de lâcher la bride à son ex petite amie. Bref des portraits sans concession d’hommes lâches confrontés à la mort et pour lesquels la femme n’est qu’un objet de possession. Dans ce monde brutal frapper une femme apparaît presque anodin.

Face à cet univers impitoyable les femmes incarnent toutes une forme de résistance passive. La sénilité d’une mémé, le pragmatisme d’une salariée en centrale nucléaire, le caractère tour à tour blasé, borné ou vulgaire d’employées mal dégrossies, toutes ces femmes touchantes par leurs qualités tout à fait ordinaires sont taillées pour une vie tranquille sans excès. Les questions effrontées d’une jeune assistante sagace apportent un peu de piment à l’ensemble. Mais surtout l’héroïne bouscule ce jeu de quilles avec sa formidable présence. Par son intelligence, sa vaillance et sa logique diabolique de mante religieuse aussi, elle semble racheter la résignation de la plupart de ses consœurs. De la même manière que son alter ego masculin, par son élégance et l’élan par lequel il se laisse « briser » rachète le machisme et l’obscénité de ses congénères. En définitive leur duo impossible nous oblige à placer amour et dignité au-dessus de la morale. Le couple se frôle en permanence, la chair est sublimée plutôt que consommée.

Enfin le prix mérité de la meilleure réalisation qu’a remporté le film à Cannes lui donne encore une place à part, une place de podium. Les jeux de miroir, le don d’ubiquité que la caméra confère à ses personnages principaux, la beauté de la photographie également font que le spectateur est immergé dans ce polar sans égard pour la fatigue qu’engendre pour lui toute cette complexité. Oui ce film est passionnant et éreintant. Et je ne parle pas de l’ombre de Confucius lui-même qui plane sur les éléments de décor que sont la montagne et la mer. Ni du parti-pris esthétique qui affaiblit la vigilance du spectateur devant la narration en mode fusil de Tchekhov. Pour ma part j’en redemande.

Evelyne Cherbit

8/9/2022

Spécial Amis :

Notre ami Claude Sabatier, rédacteur du Blog des Cramés de la Bobine a publié ce très beau livre :

Ce livre sur le travail – si scolaire qu’il puisse d’abord paraître avec ses guides de lecture : chronologies, bibliographies, glossaires, citations et études du cadre spatio-temporel et des personnages – offre aussi, en cette période électorale, une réflexion générale sur le travail, dans ses dimensions politico-historique, socio-professionnelle et existentielle : il interroge cette notion essentielle et fondatrice, au coeur de nos vies, aussi bien en termes de production économique, de transformation du monde et de soi que d’épanouissement personnel ou d’aliénation physique ou psychologique …

    

Notre amie Monica Jornet, rédactrice pour le blog Cramés de la Bobine a réalisé cette conférence pour France Culture :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/divers-aspects-de-la-pensee-contemporaine/libre-pensee-l-espagne-rouge-et-noir-avec-monica-jornet-4684255

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Amis Cramés de la Bobine, bonjour,

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A Propos de « Ciné-Culte »

Il ne faut pas s’y tromper, il n’y a qu’au cinéma qu’on voit du cinéma. Des mois de confinement nous ont fait croire à la télé comme début et fin de tout. Pourtant, voir ou revoir un film sur un grand écran, c’est une chance, un cadeau.
Dans la série Ciné-culte, dimanche soir nous avons pu voir « Qui chante là-bas » de Slobodan Sijan. Tout comme chaque rêve mérite d’être interprété, chaque film mérite d’être débattu, que ce soit notre débat intérieur, ou plus convivialement dans la salle, comme aux Cramés de la Bobine. Nous vous invitons à lire ci-dessous la première partie des notes de présentation et de débat de Monica Jornet, la suite de cette publication Mercredi.

Amis Cramés de la Bobine et fidèles lecteurs Bonjour,
Surprise! le Site des Cramés de la Bobine nous annonçait ceci :

La parution de cet ouvrage de Monica, membre et présentatrice des Cramés de la Bobine, et voici qu’un second est en préparation, elle nous offre en avant première, ci-dessous, ce poème faussement simple et vraiment beau.
Nous vous en souhaitons bonne lecture.

 Sous le ciel de Koutaïssi-Alexandre Koberitze

« À propos de Let the summer never comme again » premier film long métrage de Koberidze, présenté à Marseille, un certain JPR a écrit : « ce premier film sidère par sa propension à fabriquer à flot continu du merveilleux, de l’enchantement, et ne cesse de laisser la fiction élémentaire être nourrie de réalités documentaires glanées lors du tournage  » et pourquoi pas le second ?

« Tout s’explique, il suffit de ne pas chercher à comprendre » disait Gébé. Voici une sentence qui conviendrait plutôt bien à Alexandre Koberidze, il nous montre une Ville bien mystérieuse, une ville dont il se demande : qui suis-je pour filmer Koutaïssi ?

Avec ses cadrages insolites mais tellement justes, l’intelligence et la beauté de la bande-son : les créations musicales de Giorgi son frère, les chants grégoriens, une chanson de la superbe Gianna Nannini ou encore Claude Debussy, les chants des merles et rossignols. Et puis il y a ces plans qui se succèdent souvent d’une manière déconcertante, précise et gracieuse. (souvenons-nous des arbres).

Voici un réalisateur qui associe selon son goût le 16 mm, le numérique et les effets spéciaux, qui fait évoluer tous ses personnages semblant échappés d’un film muet et respirant l’humanité aussi facilement que l’air de Koutaïssi, il y a aussi ces décors qui sentent bon la vie…celle qu’on aime.

Car ce film est bien un hymne à la vie, il en exprime ce qu’elle a de meilleure. Cette bonne vie qui exige si peu et beaucoup à la fois, mais à qui ceux qui se satisfont de bonnes flâneries et d’heureuses rencontres, celles du hasard qui se déploie, créatif et chaque fois singulier, donne beaucoup. Au fond, elle n’exige qu’une chose, c’est qu’on la reconnaisse et qu’on l’aime. Et dans cette bonne ville, il y a des gens qui lui font confiance. (J’ai lu dans internet, un récit de voyage à Koutaïssi, le voyageur y est surpris que l’hôtelier soit incapable de lui fournir la clé de la chambre et constate que les voitures stationnent, portières non verrouillées, clés de contact sur le démarreur.)

Pour en rendre compte, Alexandre Koberidze filme souvent des enfants et des chiens, quoi de plus beau que les enfants et les chiens ? Dit-il. Pour les enfants, nous qui avons vu ce match de foot avec cette petite fille dribblant, sur fond musical de Gianni Nannini, nous avons certainement vu l’une des plus belles scènes du film et du cinéma en général. Mais ces enfants si joyeux ont parfois des regards inquiets, nous y reviendrons.

Et puis, il y a les chiens qu’on prétend errants dans Koutaïssi, ce n’est pas une lubie de cinéaste, c’est un état réel. Dans cette ville, les chiens sont ce qu’on appelle corniauds ou bâtards, ils évoluent sans colliers ni laisses, mais ils n’errent pas, (contrairement à ce que dit la critique) ils vont se promener, rencontrent des congénères, font un bout de route avec eux, puis rentrent à la maison, à moins qu’ils ne préfèrent se mêler aux humains pour regarder un match de foot, où encore, comme les badauds dans les bistrots, tout simplement voir du monde et humer le vent. Une ville où le régime de vie des chiens n’est pas dicté par celles des transports et des voitures, par l’utilité, où ils coexistent à part entière-traits d’union entre la nature animale et nous, pauvres dualistes que nous sommes-

Mais Koutaïssi est aussi ville de sortilèges, où un mauvais sort change le physique et la mémoire des amoureux qui viennent de se rencontrer, de sorte qu’ils ne peuvent plus se reconnaître l’une, l’autre. Ce qui n’inquiète pas outre mesure, car les habitants savent (et ce n’est pas du cinéma) que croire à la magie, au prodigieux les a préservés des pires idéologies, (vous savez celles qui, comme le disait François Revel, « pensent à notre place »).

Alors tout est-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Il y a dans l’air de sourdes inquiètudes qui traversent les yeux des enfants. La catastrophe écologique qui vient, celle qui déjà brûle des millions d’hectares de forêts et tue les millions animaux qui y vivent, la neige qui ne tombe plus, et les meurtres de masse, figurés par une allégorie sur une barre de traction. Bref, il y a la force de l’entropie qui pourrait être comme le « rendez-vous à Samarcande » de l’espèce humaine. Et les enfants nous regardent, font ce qu’il y a de mieux pour nous et s’inquiètent de ce que nous faisons d’eux. Nous les spectateurs, à notre tour, nous les regardons.

Mais revenons au film, nous étions 22 pour le voir et quelques dizaines sans doute les autres jours de passage. Bien sûr, a-t-il laissé dubitatifs des spectateurs et d’autres l’ont admiré, comme pour chaque film en somme. J’ai le sentiment quant à moi d’avoir vu un film fabuleux. Qui suis-je pour filmer Koutaïssi ? Demandait Alexandre Koberidze, on pourrait répondre, celui qui sait montrer poétiquement que l’univers est comme replié dans des petites histoires, telles celles de Koutaïssi.

Avec sous le ciel… nous rencontrons pour la première fois Alexandre Kobertize, il nous montre un cinéma poétique où chaque moment est une surprise et c’est un ravissement. Donc à suivre….