
Lilja Ingolfsdottir : Chef monteur, Chef costumier, Chef décorateur
Sur Allociné, sur Loveable quand on clique sur le nom de la réalisatrice du film , c’est ce qui apparait en face de « métier ».
Elle est réalisatrice désormais.
Loveable est son premier film. Six ans pour trouver le financement !
Petit budget donc elle doit de facto assurer plusieurs postes : le montage, les costumes (les acteurs portent leurs vêtements perso), le décor (tourné chez des amis), mais confie la photo au chef op Øystein Mamen (à retrouver prochainement pour Cuidado con los ninos) et le son à Bror Kristiansen
Le titre original est Elskling. Amour en norvégien. Amour c’était déjà pris. Loveable, le titre français, pipe les dés.
« Lilja Igolfsdottirr en avait assez des représentations idéalisées des rencontres amoureuses dans la pop culture. Elle a donc décidé d’en prendre le contre-pied (…) » En effet, la rencontre amoureuse n’est pas idéale puisque c’est un coup de foudre unilatéral … Maria flashe sur Sigmund qui ne la calcule pas. Elle s’obstine, s’acharne, le traque pendant des semaines et bingo finit par l’avoir. Il se laisse faire. Elle est légère et gaie, aimable a priori, il se love dans son moule, s’y colle et aime tout de suite les deux enfants qu’elle a d’une union précédente. Le bonheur.
Sept ans plus tard, rien ne va plus. On retrouve Maria à la caisse d’une superette, épuisée, flanquée de deux nouveaux enfants, ceux qu’elle a eus avec Sigmund, jeunes donc et ingérables (Caroline Goldman est traduite en Norvège ?), sa carte de crédit qui ne passe pas, une autre qui ne passe pas non plus. C’est chaud ! Obligée d’appeler Sigmund pour lui demander un virement pour pouvoir sortir de là.
Maria semble être devenue une autre femme, dépassée par la charge familiale, dans une situation financière tendue, les nerfs à vif, éreintée, négligée. Le cadre est posé. Et il est où son Sigmund ? Parti. Six semaines absent, toujours musicos comme quand il se sont connus et qu’il lui chantait des airs sans doute, parti en tournée. Pas fou, Sigmund, il n’a rien lâché, il n’a pas renoncé à sa vie, à son identité, il n’a pas fait la concession d’abandonner sa passion, bien, mais ils avaient convenu qu’il ne voyagerait plus … Non ?
Maria, elle, s’est mise entre parenthèses. On observe que c’est monnaie courante : la femme renonce à beaucoup, l’homme renonce à moins. Tant que ça tient.
Quand Sigmund rentre au bercail, la bouche en coeur, le torchon brûle
Maria essaie de prendre sur elle, de se raisonner mais elle est au bord de la crise de nerfs, fatiguée, triste au fond de ne pas s’en sortir sans lui, de devoir s’en sortir sans lui, qu’il la laisse s’en sortir sans lui. La gestion des enfants, à la maison, à l’école … elle est désespérée de ne plus pouvoir penser à ses projets professionnels. C’était son tour pourtant mais il a repris un contrat, alors … il ne voit pas qu’elle est en train de se noyer ? Elle se rebelle (et Sigmund l’enregistre à son insu, au cas où !) Elle lui demande comment il imagine la suite. Il se tait et finit par répondre par sms. Courageux, son Sigmund ! Grande classe ! Elle part, il ne la retient pas. Elle s’enfonce, le menace, lui en veut de ne pas la retenir et lui en veut encore de l’encourager à rentrer. Et d’accord, il lui laisse les enfants ! Tu m’étonnes … Il a compris ce que c’était de s’en occuper H24 ! C’est autre chose que de donner un coup de main quand il a le temps et qu’il est là, surtout.
L’histoire est à charge : c’est Maria le problème.
C’est le problème.
Maria avait toutes les raisons de se mettre dans un tel pétrin. Marquée par son histoire, même « à vide », sans mari ni enfants, elle était déjà bien chargée. C’est ce qu’on comprend dans les scènes, tellement caricaturales, avec sa mère. Le thé, la boite, l’autre thé, l’autre boîte, son image dans les yeux de sa mère … Maria est en colère depuis toujours. OK on a saisi : il faut qu’elle fasse un bon nettoyage, qu’elle se pose les bonnes questions, qu’elle s’aime pour pouvoir être aimable. Et qu’elle arrête son cirque. Ni une ni deux, un bon coup de psy, faire son mea culpa, s’explorer et se repasser les scènes clés de sa vie conjugale, se regarder dans une glace et se dire les mots bleus, les mots qui vont guérir son âme, et finir par se déclarer aimable. Tu verras Maria, si tu t’aimes, tu seras aimable. Si tu dis à ta fille que tu la comprends et que tu acceptes qu’elle te traite comme un chien, miracle, en deux deux, elle te serrera dans ses bras. A l’échelle du film, la thérapie est quand même rudement vite efficace …
Mais les dés sont jetés. Ne me quittte pas, l’anti chanson d’amour, arrive à point : quand c’est trop tard.
Sigmund part quand même mais Maria sait pourquoi et l’accepte, convaincue qu’elle l’a mérité et que la balle est bien dans son camp. Touché.
Insupportable.
Quid de Sigmund et de sa propension à la passivité, de son incapacité à regarder les choses en face, de sa faculté à fuir, à quitter les lieux, sans cesse. Même dans la dernière scène : pas même la courtoisie de prendre le temps de boire un café avec elle. Il se lève et part. Autre chose à faire.
Ce n’est pas à lui qu’il faut tendre la main. Lui ne lui tendra pas la sienne. Il ne faut pas vouloir changer les gens.
Film modeste qui raconte un amour ordinaire, pas l’anatomie d’une chute.
Mais le travail est soigné donc, sans le conseiller, sur mon barème, je mettrais la moyenne.