Les ogres

LES OGRES

Présenté par Marie-Annick Laperle
Film français (mars 2016,2h24) de Léa Fehner avec Adèle Haenel, Marc Barbé et François Fehner

Article de Marie-Noël

Les Ogres Léa Fehner

Ce qui est bien au cinéma, c’est qu’on voyage.

Moi, je suis immédiatement partie avec cette troupe, ces ogres cabossés, emmenée dans leur tourbillon .
On ne sait pas qui ils sont, comment ils sont arrivés là, quels sont leurs projets, après .
On ne sait rien de l’ailleurs. Ce qu’on sait de leurs blessures s’est passé ici, entre ogres.
Dans leur vie commune.
Car il n’y a pas de relation à 2 ou en famille, pas de relation stabilisée. Ils sont tous sur le fil.
François, le chef et Marion, son épouse s’aiment et se détestent. La violence verbale tout au long du film et en particulier lors de la scène de la mise aux enchères, est choquante, insupportable, révoltante. C’est ce qu’il cherche, François : que Mona se révolte, enfin . Il ne veut pas de son amour absolu. Surtout, il ne supporte pas sa jalousie. Bref, son comportement et sentiments « bourgeois » ne cadrent pas dans la vie qu’ils se sont choisie.
On imagine qu’il y a eu d’autres situations comme celle-là. Mais vieillir n’est pas simple (« je ne fais pas envie, c’est ça ? ») . Il la maltraite et les autres qui se joignent à lui ! Comme s’ils jouaient une pièce ! Dans une situation concernant un autre membre de la troupe, aurait-elle, elle aussi, hurlé avec les loups ? C’est d’une violence vertigineuse mais cela la propulse dans les bras d’un homme tombé du ciel .
Cet intermède va lui apporter l’apaisement qui lui fera « capter » son mari à nouveau . Son regard a changé. Le sien aussi.
Leur relation avec leur fille Inès est dramatique. C’est une écorchée vive, pleine de reproches et de rancoeur envers ses deux parents. Elle attrape ses trois petits et s’échappe (momentanément ?). Ils ne lui courent pas après, ni l’un, ni l’autre, comme amarrés au chapiteau.
La relation Mona et Mr Déloyal semble mal partie . Thomas, le fils décédé à 5 ans, est omniprésent dans l’esprit et le coeur du futur père qui culpabilise « à mort » de le remplacer . On en est tellement imprégné que la scène à l’extérieur semble superflue. On aurait pu vivre son absence, la naissance sans lui sans savoir concrètement où il était. Et puis tous les autres sont là, alors, est-ce grave que le père ne soit pas présent lors de la naissance de son enfant ?
Chez nous, oui très. Chez les ogres, pas vraiment.
Quand il réapparait, la jeune mère le salue d’un doigt d’honneur et d’un sourire radieux (le sourire d’Adele Haenel, c’est quelque chose !)
On sait que leur relation ne sera jamais classique, conforme aux critères usuels.
Leur enfant rejoindra probablement la ribambelle joyeuse d’enfants élevés autrement, en communauté .
Petits ogres groupés et forts qui vivent pleinement (outre les extases des fiancées du beau gosse, les bagarres des « adultes » etc …) la force créatrice de leur(s) parent(s) et de tous les autres, leur vitalité et leur énergie à croquer à pleines dents cette vie qu’ils ont choisie.

On aimerait bien être un ogre.

Marie-Noëlle

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