Une vie ailleurs – Olivier Peyon (2)

                                                       

                                                        Présenté par Laurence Guyon
Film français (mars 2017, 1h36) de Olivier Peyon avec Isabelle Carré, Ramzy Bedia et Maria Dupláa
Distributeur : Haut et Court

Soirée tonique et sympathique hier soir, n’est-ce pas Laurence ?  Je retiens ce bel échange entre ceux qui aimaient et ceux qui n’aimaient pas, on se serait cru un instant au « Masque et la plume ». L’un des spectateurs  exposant tout ce qu’il n’aimait pas dans le film, soit presque tout, sauf l’idée de départ, hélas si mal traitée. L’autre spectateur demandant si pour être estimé des cramés de la bobine, un film devait nécessairement  être incompréhensible…Et moi de regretter que ces beaux échanges ne se prolongent  pas de quelques lignes dans le blog.

Je fais partie de ceux qui ont aimé ce film. Sans doute  pouvait-on faire meilleur scénario, mais telle quelle « Une vie ailleurs » dit déjà beaucoup, d’une manière simple, d’une situation affective complexe et quant à la fin du film, elle me séduit, je dirai pourquoi tout à l’heure.

Ce que j’ai aimé dans ce film, c’est d’abord le jeu d’acteurs.  Isabelle Carré incarne une Sylvie impétueuse, avec son impatience irascible, sa bougeotte, avec sa revendication maternelle impérieuse,  ses exigences colériques, son activisme maladroit qui la rendent à la fois pathétique et insupportable. Ce premier rôle remplit pleinement sa fonction,  celui à partir de quoi se déploient et se distribuent ceux des autres, la compassion et l’empathie  de Mehdi l’assistant social , la grand mère que le deuil de son fils conduit à des arrangements avec les faits, la tante cette sacrifiée mère de substitution, Felipe, l’enfant heureux et inconsolable seront  autant de contrepoints remarquables.

Notons pour l’anecdote que la mère s’appelle Sylvie, tous ceux qui autrefois ont écouté Françoise Dolto à la radio se souviennent peut-être du sens qu’elle accordait à ce prénom. Elle y entendait conjointement « S’il vit? » soit une interrogation des parents sur l’identité sexuelle de l’enfant à naître. Or Sylvie à mis au monde le petit garçon, Felipe. Je vous laisse le soin d’interpréter, si le cœur vous en dit.

C’est un choix, les thèmes sont frôlés, suggérés plus qu’approfondis, il n’y a aucune volonté didactique dans ce film, mais au contraire une sorte de petite musique, un peu comme celle du film d’ailleurs. Jolie et sans pesanteur.  On y parle deuil, secret, mensonge, amour filial, attachement. Et pour ce thème majeur de l’attachement, le scénario est impeccable parce qu’il laisse libre chaque spectateur de faire son propre chemin.

Avec une clé toutefois, le final, qu’une spectatrice comparait au jugement du Roi Salomon. Rappelons nous :   » Partagez l’enfant vivant en deux et donnez une moitié à la première et l’autre moitié à la seconde. L’une des femmes déclara qu’elle préférait renoncer à l’enfant plutôt que de le voir mourir. En elle, Salomon reconnut la mère. Il lui fit remettre le nourrisson et sauva donc la vie à l’enfant. »

Dans ce film, la mère adoptive et la mère génitrice décident de s’allier pour elles mêmes, l’une pour l’autre, et pour l’enfant.  C’est une qualité de ce film de montrer une femme sûre de son amour exclusif et de ses droits, s’ouvrir à l’altérité. Sylvie comprend qu’il n’y a pas de vraies et de fausses mères ;  que sont mères celles qui se chargent intimement de l’être.

…Et le plan final un peu appuyé et symbolique montre mieux qu’en mille mots, que Sylvie a appris à comprendre que l’autre, Felipe n’est pas une chose ; qu’il faut s’apprivoiser l’un l’autre autant que soi même, qu’élever, c’est aussi s’élever.

 

 

 

 

 

 

 

 

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