Lady Bird-Greta Gerwig (3)

Meilleure comédie et meilleure actrice aux Golden Globes 2018

Du 19 au 24 avril 2018Soirée débat mardi 24 à 20h30Film américain (vo, février 2018, 1h35) de Greta Gerwig avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf et Tracy Letts

Distributeur : Universal Pictures

Présenté par Marie-Annick Laperle

Synopsis : Christine « Lady Bird » McPherson se bat désespérément pour ne pas ressembler à sa mère, aimante mais butée et au fort caractère, qui travaille sans relâche en tant qu’infirmière pour garder sa famille à flot après que le père de Lady Bird a perdu son emploi. 

SURPRISE SANS SURPRISE

Surprise sans surprise pour ce film de la réalisatrice américaine Greta Gerwig qui raconte la dernière année de lycée d’une adolescente dans l’Amérique post 11 septembre. Elle a 17ans et se fait appeler Lady Bird à la place de son vrai nom Christine. Elle porte ce nom, sa famille, son quartier, sa vie comme un poids sclérosant et refuse le parcours balisé, tracé par son milieu familial et social.

Rien d’original donc ! La révolte banale d’une adolescente élevée en milieu catholique et protégée. Une succession de situations triviales assez attendues qui se succèdent à un rythme accéléré. Il faut vite accéder au pouvoir que confère l’âge de 18ans : un ticket de loterie, une cigarette et un magazine «  Play Girl », sans oublier le premier émoi amoureux et la première expérience sexuelle. Sauf que ces premières fois ne procurent pas le plaisir attendu et laissent entrevoir des lendemains un peu moins chantants.

Qu’importe ! Lady Bird rêve d’évasion et d’une autre vie : la Côte Est, New York et le milieu des artistes. Or, ce rêve est constamment contrarié par le quotidien et en particulier par sa mère avec laquelle elle entretient des relations conflictuelles. La scène du début illustre bien cette situation . Après avoir écouté le livre audio « Les raisins de la colère », la mère et la fille sont en paix, en phase, même. Et puis soudain, le simple désir de Christine d’écouter une musique, suivi du refus de sa mère, fait éclater le conflit redouté et récurrent : Christine ouvre la portière et saute de la voiture en marche, exprimant par ce geste sa volonté de s’échapper.

Le véritable sens du film est ici. Comment échapper à la pression  maternelle ? Comment échapper au conditionnement du milieu dans lequel on a vécu et on s’est construit ? Comment devient-on soi-même ? Comment se débarrasser de certains  attachements, en particulier de l’attachement mère/fille ?

Il faudra à Christine et à sa mère Marion ce détachement par l’éloignement (Christine va à New York pour ses études universitaires) pour comprendre combien elles se manquent et donc combien elles s’aiment. La scène de séparation à l’aéroport est formidable. Greta Gerwig détourne la scène classique de l’amoureux qui court derrière la femme aimée qui va lui échapper.Marion a refusé d’accompagner sa fille jusqu’à l’embarquement et reste dans la voiture pour attendre le père en prétextant que le parking est trop cher. Quelques instants plus tard, on voit la mère courir comme une folle dans le hall de l’aéroport et s’effondrer dans les bras de son époux qui la rassure : «  tu vas la revoir ».

Dans la scène finale, après un coma éthylique en guise de rite de passage à l’indépendance, Christine peut lâcher Lady Bird pour assumer Christine et dire à sa mère qu’elle l’aime. Car le véritable amour d’une mère pour son enfant n’est pas de le retenir mais de le laisser partir pour qu’il puisse devenir «  la meilleure version de lui-même », cette belle expression de Marion qui traduit tout l’amour qu’elle a pour sa fille.

Christine va jouer seule cette partition qui lui permettra d’être qui elle est.

Marie-Annick

 

 

« Centaure » de Aktan Arym Kubat

Prix de la Confédération internationale des cinémas d’art et d’essai à la Berlinale 2017
Du 8 au 13 mars 2018
Soirée débat mardi 13 mars à 20h30

Film kirghiz (vostf, janvier 2018, 1h29) de Aktan Arym Kubat avec Aktan Arym Kubat, Nuraly Tursunkojoev et Zarema Asanalieva 
Distributeur : Epicentre

Présenté par Marie-Annick

 

Synopsis : Dans un village au Kirghizistan. Centaure, autrefois voleur de chevaux, mène désormais une vie paisible et aime conter à son fils les légendes du temps passé, où les chevaux et les hommes ne faisaient plus qu’un. Mais un jour, un mystérieux vol de cheval a lieu et tout accuse Centaure…

Article de Marie-Annick *** Dossier de presse *** Bande annonce *** 
 

Un film kirghize sur nos écrans est chose rare mais si de surcroît il fait la conquête de nos salles obscures, la performance mérite d’être saluée.

Avec son dernier film « Centaure », Aktan Arym Kubat vient nous dire ce qui lui fait mal dans son pays qu’il aime tant. Dans une scène poignante, Centaure, le personnage principal, confie en larmes, à son cousin, qu’il pleure le temps où les hommes et les chevaux étaient unis comme les cinq doigts de la main. En filmant la vie de Centaure et sa petite famille dans un petit village kirghize d’aujourd’hui, le réalisateur nous fait comprendre tout ce que le peuple kirghize, autrefois libre et fier, a perdu après soixante-dix ans de communisme et bientôt trente ans de capitalisme.

Ses belles légendes contant les exploits de valeureux guerriers semblent avoir été remplacées par les ragots de village. Sa langue, pourtant parlée à 70% par la population n’est pas la langue officielle qui est le russe. L’épouse muette de Centaure, dans l’incapacité d’enseigner sa langue à son jeune fils en est le symbole. Le nomadisme séculaire a cédé le pas à la sédentarisation qui a fait fleurir câbles, antennes, paraboles et vidéos surveillance. Le cheval, animal sacré, considéré parfois comme un passeur d’âmes et comme le double de l’être humain à qui il a bien voulu prêter sa force, n’est plus qu’une marchandise, viande de boucherie ou crack de course acheté à prix d’or par les riches propriétaires. Désormais, occidentalisation et mondialisation installent un nouvel ordre des choses, avec d’un côté les riches, ceux qui ont réussi et ont le pouvoir de l’argent et  les plus pauvres. Et comme si ce n’était pas assez, un islam montant intolérant vient balayer les derniers restes de pratiques chamaniques où la nature, le vivant étaient respectés, balayant un peu plus encore les fondamentaux du peuple kirghize.

Alors Centaure, héros frère de Don Quichote, vole des chevaux prestigieux pour galoper toute la nuit comme un fou en toute liberté, pour éprouver la griserie de la liberté. Une liberté à laquelle il donne une dimension sacrée, les deux bras tendus vers le ciel. Que cherche-t-il à atteindre tout là-haut  ? Le cosmos ? Manas, le héros des légendes kirghizes ? Kambar Ata le protecteur des chevaux ? Tchal Kouyrouk le cheval fabuleux qui permit à un humain de retrouver son âme qu’il avait perdue ? Dieu ?

Quand le peuple kirghize retrouvera-t-il son âme, se demande le  réalisateur ?

Peut-être quand l’Homme aura retrouvé son lien profond avec la nature, quand les individus coexisteront librement au sein d’un groupe,et quand la liberté individuelle pourra s’exprimer  à l’intérieur d’une société.

En filmant la scène où Centaure laisse aux deux jeunes gens la malette contenant la bobine du film  « la pomme rouge » qu’il a conservée intacte toute sa vie, Aktan Arym Kubat semble nous dire qu’il a fait son travail et qu’il laisse à la jeunesse, avec ce maigre bagage, la responsabilité de son avenir.

Marie-Annick