Ils sont vivants-Jeremie Elkaïm

Week-End Jeunes Réalisateurs 26 et 27 mars 2022 
7 films, 7 mondes 

Ils sont vivants est un titre déconcertant, qui est vivant ? Nous sommes à Calais où vivent en effet tant bien que mal des êtres humains, déracinés, migrants, exilés, parias modernes qui en dépit de leur invisibilisation sont vivants. Effectivement.

Et les premières images sont elles aussi déconcertantes. Nous assistons à l’enterrement d’un policier, il y a les amis de la brigade qui préparent leur discours, et incongru, le cercueil ne veut pas rentrer dans le caveau, il va être nécessaire de taper la bordure de béton. Et les bruits de frappe couvrent l’éloge du collègue du défunt. « On finira à la maison » lâche Béatrice, la veuve (Marina Foïs). Avec cette séquence nous faisons connaissance de Béatrice, de Béatrice et du rapport qu’elle entretenait avec son défunt mari.

Béatrice, c’est une aide-soignante en gériatrie, son mari était un policier, alcoolique et frappeur. Elle vit avec sa mère et son fils dans un univers un peu clos qu’égayent parfois les fêtes des amis policiers du couple. Les habitudes.

Un soir sortant du travail, elle va être amenée à être en contact, à son corps défendant, avec ce qui était là sous ses yeux et qui ne la concernait pas, des réfugiés soudanais. Malencontreusement, elle bouscule l’un d’eux avec sa voiture. Elle décide de le raccompagner sur son lieu d’habitation, c’est la « jungle ». Là, elle voit. Béatrice a besoin du contact avec les choses pour les ressentir, il lui faut éprouver pour comprendre, et nous le verrons les éprouver encore.

Les morts vont vite et certains plus que d’autres, elle se défait des vêtements de son mari en les donnant aux bénévoles de la jungle. Et c’est ainsi que cette femme si peu concernée va de fil en aiguille s’impliquer dans la cause de l’aide aux réfugiés.

Le film est aussi une belle histoire de rencontre et d’amour. Une belle histoire d’amour transgressive, Mokhtar le réfugié Iranien au regard si doux (Seear Kohi) deviendra son amant. Comme tous ceux de Calais, il veut se rendre en Angleterre. Et dans cette histoire où la violence institutionnelle tient lieu de toile de fond, il y a une lutte de libération, « Ils sont vivants » se présente comme le plus trompeur des titres, Mokhtar appartient à ceux qui ont survécu en traversant la manche pour l’Angleterre sur un rafiot acheté par Béatrice. Mais sur l’autre berge d’autres vivent et espèrent.

Cette histoire de rencontre entre deux êtres que rien ne destinait à se rencontrer est authentique, c’est aussi l’histoire d’une femme qui sans se le formuler clairement, finit par s’engager et devenir à sa manière une resistante, avec l’héroïsme qu’il faut pour ça. Et on comprend, à quel point en toutes circonstances, la rareté de la démarche. Il faut  trouver la force d’agir, assez d’abnégation pour risquer la prison. Le prix du courage ! 

PS : Sur la réalisation du film lire Marie-No sur le site des Cramés de la Bobine

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