Week-End du Cinéma Italien 10 et 11.10.2020

Beau succès pour ce Week-End italien, avec sa sélection variée et la prestation sympathique et savante de Jean-Claude Mirabella. Mais ce succès, c’est aussi la présence chaleureuse du public, avec bien sûr les cramés de la bobine et d’une manière générale, tous les amateurs de cinéma, de cinéma italien, de bon cinéma.

Avec « Il campione » de Leonardo D’Agostini,  le week-end commence par un film qui semble facile, qui nous parle d’un cheminement, où l’on voit un jeune homme doué pour le foot, un peu caractériel et fragile pris dans le star-system, saisir l’opportunité d’une rencontre forcée avec un professeur, pour se construire, et quitter progressivement le Pinocchio qui est en lui. Voyant ce film, je repensais au « Maître Ignorant, un ouvrage philosophique de Jacques Rancière » qui montre que le maître a moins besoin d’un savoir académique que de son désir d’enseigner et que ce désir rencontre un désir d’apprendre. Et dans le film le maître trouve la clé. Si « Il campione » n’est certainement pas du grand cinéma, il y a des séquences sensibles et émouvantes soutenues par deux acteurs remarquables et un scénario qui en font un bon film. 

Una promessa (Titre original Spaccapietre (Brise-pierre)de Gianluca et Massimiliano De Serio a suscité de vives réactions. Parfois hostiles, à l’image de celle de R. dont je me souviens un peu du commentaire : Qu’est-ce que ce film qui en rajoute des couches ? Qui mobilise tous les clichés émotionnels, de qui se moque-t-on, le chien, un noir, etc… Où ils vont ? Que veulent-ils dire ? Oui, ce film ne laisse guère de temps de respiration. Ce n’est pas faux. Mais aujourd’hui je tombe sur cet article : « « Dans la nuit du 22 au 23 octobre 2019, 39 Vietnamiens meurent étouffés dans un camion frigorifique qui les fait passer clandestinement de Belgique en Angleterre. Un an après, les diverses enquêtes lancées aident à reconstituer ce drame et à mesurer l’ampleur des réseaux ». La réalité ne s’embarrasse pas toujours de subtilités et le cinéma n’est pas là pour nous caresser dans le sens du poil. J’appartiens à ceux qui ont aimé ce film et tout autant les acteurs du film.

Maternal, Film italien argentin de Maura Delpero en quasi-huis clos, dans les tons de bleu. La toile de fond sociale du film n’est pas dite, la violence qui s’exerce sur ces femmes, nous la ressentons petit à petit, comme sous l’effet d’un goutte-à-goutte. Et le hors-champ du film est immense. Il ne nous est pas permis de savoir ce que pense notre prochain, il faut qu’il nous le dise. Paola, cette jeune future Sœur affiche un sourire ineffable, elle nous montre que non seulement on ne sait pas ce qu’elle pense, mais qu’en outre, rien ne nous permet de nous en douter. Dans cet univers féminin où vivent des mères célibataires, avec ses Consœurs, Paola est là, patiente, disponible, et douce. Ce qui se joue secrètement en elle, c’est le désir d’être mère, mère de substitution, mais mère. Ce thème je me souviens l’avoir vu dans « l’institutrice » de Nadav Lapid. Si dans ce dernier tout est narcissique, dans Maternal, l’altruisme habille plus subtilement cette volonté, Paola désire réparer. Troublant et fascinant.

De Michel-Ange Film somptueux de Andrey Konchalolovsky, le synopsis nous dit « Michel Ange à travers les moments d’angoisse et d’extase de son génie créatif, tandis que deux familles nobles rivales se disputent sa loyauté ». Nous ne savons si les traits de personnalité de ce Michel Ange sont exacts, si c’est un personnage du 16ème ou du 21ème siécle. Pour le décrire on risque très vite de déborder d’adjectifs pour parler de lui : frénétique, exalté, intense, bouillonnant, passionné, tourmenté. On ne voit pas l’homme travailler la pierre mais l’homme imaginant, le patron, parfois roublard et injuste ; le génie. Le format du film, ses couleurs, les décors, les personnages tout y est parfait, un peu comme si le réalisateur s’était dit, pour parler d’un des plus génial artiste, il faut donner au cinéma ce qu’il peut de mieux. Et en effet ce Michel-Ange mériterait bien un Donatello.🙂 

Sole de Carlo Sironi avec Sandra Drzymalska, a eu le moins de spectateurs, sur le plan formel, il n’est comparable à aucun de cette série, mouvements de caméra réduits au possible — Parti pris de sobriété absolue — Avec ses personnages tristes, sans avenir, sans espoir, ce film fait écho à « Maternal » par cette question du désir de maternité et à « una promessa » pour la violence de l’exploitation de l’homme par l’homme, qui n’est pas banale, c’est celle de riches. Une femme de mafieux désire un enfant, elle ne peut pas en avoir. Qu’à cela ne tienne, un enfant ça s’achète, s’il n’y a que ça ! Il est là, dans le ventre d’une femme, une pauvre jeune polonaise, il n’y a qu’à attendre et la faire garder par un neveu bon à rien pour que tout se passe bien. Le rapport de ce jeune homme à cette jeune femme tient en une phrase qui arrivera aux deux tiers du film, elle est une manifestation d’identification, d’amour et d’impuissance en même temps…mais peut-être d’autre chose. Avec ce thème de l’exclusion, de la réification du tiers, la mère porteuse, nous entrons dans le stade ultime de la société marchande, un sujet actuel. 

Citoyens du Monde de  Gianni Di Gregorio  est la note joyeuse et pour reprendre Jean-Claude Mirabella, une manière de parler légèrement de choses graves, par touches légères, avec une sorte de pudeur exquise. Et en effet on retrouve dans ce film l’humour, la convivialité, et le plaisir de vivre généreusement, de bon vin, d’amitié et…de pastèques. S’il y a un film qui me donne un désir d’Italie, c’est bien lui. Aucun film n’aurait mieux fini ce week-end qui nous l’espérons a pu donner aux spectateurs une source raffraichissante de plaisir esthétique. Celle que procurent les films originaux et beaux, et par ces temps désolés, bien du bonheur. 

Merci aux cramés de la bobine, à tous les spectateurs qui font vivre ces films en même temps qu’ils les vivent, merci à Jean-Claude Mirabella, c’était un grand cru ! 

Et Viva Italia!

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