Prades, tout commence par ce « single » musical sur fond de Clip, (voir ci dessus), et des spectateurs qui tapent des mains pour accompagner la musique. C’est la même ambiance, la même magie du lieu, beaucoup d’habitués, nous le savons parce que nous le sommes un peu devenus.
Nous avons vu le documentaire de Chris Marker sur Simone Signoret, sincère, lucide sur elle-même, quelquefois drôle, toujours consciente. Les morceaux d’interviews sont épatants, car jamais dans ses réponses aux questions, elle ne se place où on l’attend, toujours elle surprend. Et puis Chris Marker, quel documentariste !
Nous avons déjà vu quelques bons films de cinéastes iraniennes, présenté par Mamad Haghighat que les habitués de Prades connaissent bien. Mais je remets à plus tard de vous en parler, parce qu’il va y en avoir beaucoup et en ce moment c’est aussi la rencontre avec Damien Manivel et la projection de tous ses films. Tous ceux d’entre les Cramés de la Bobine qui ont vu ses films n’ont jamais manqué d’être perplexes et déconcertés. Tous ceux qui l’ont entendu commenter ses films ont toujours été intéressés par la manière qu’il a de parler de son travail, il y a une sorte de candeur et de profondeur dans ses propos et toujours ce flou artistique. On a aussi l’impression qu’il élabore et réinvente en permanence son commentaire.
Vous souvenez-vous de Chantal Akerman, elle disait quelque chose comme « si à la fin d’un film vous dites : « je n’ai pas vu passer le temps », c’est qu’on vous a volé votre temps !
Le temps, c’est le premier sujet de Damien Manivel, et son parti pris, c’est la lenteur. Qu’est-ce qui se passe durant ses films ? Rien ou presque, ces riens qui sont le sel même de ses films, l’imprévu, une lumière, un son, une apparition imprévue dans le champ. Son travail se manifeste souvent par des détails insolites. Quant à sa manière de filmer, un cinéphile de Prades remarquait : « pour filmer on commence par dire « Action », or il nous présente un cadre vide, l’acteur y entre par un côté, un peu quand il veut… »
C’est exagéré ! Sans doute n’est-il pas conventionnel pourtant son travail est reconnu, il n’y a aucun doute sur ce point, l’un de ses courts-métrages lui a permis d’obtenir le prix Jean Vigo. De toutes les façons, il semble imperméable au nombre de spectateurs dans la salle ou durant les débats. Il réalise et produit ses films lui-même, sans rien demander. Il fait son œuvre comme il l’entend. Le plus souvent dit-il avec « des lignes narratives assez simples », (et sur ce point nous ne pouvons que confirmer!).
Il nous faut donc accepter de renoncer à nos attentes et lâcher prise.
J’ai été séduit par Les Enfants d’Isadora son dernier film. Damien Manivel était danseur, il ne manque jamais de le dire. Au moment du tournage, il se sentait mûr pour faire un film sur la danse. Comme il venait de gagner un peu d’argent en produisant des films, il pense alors à travailler sur ce sujet de danse, il y avait longtemps songé, maintenant, il se sent mûr. Il commence avec Agathe Bonitzer qui n’est pas danseuse, mais crédible. Il la dirige curieusement, lorsqu’elle lui demande : « qu’est-ce que je dois faire ? » il lui dit juste d’être lente. La coach de danse d’Agathe remarque : « ce qu’elle fait en ce moment ressemble beaucoup à « la Mère » d’Isadora Duncan. Damien qui commence son film sans savoir trop ce qu’il va mettre dedans, consulte internet et les livres, la nuit, le jour, il tient son sujet :
« Après la mort accidentelle de ses deux enfants, la danseuse mythique Isadora Duncan après une longue période de prostration a composé un solo d’adieu : La Mère ». Un siècle plus tard, quatre femmes font la rencontre de cette danse bouleversante ».
La musique c’est celle de Scriabine. Et la structure du film est une sorte de triptyque, la rencontre avec le solo d’Isadora et son déchiffrage, l’exploration du sujet (Agathe Bonitzer), le travail (Marika Ritzi et Manon Carpentier) et la reception par le public (Elsa Wolliaston, son actrice fétiche). On est surpris et troublé par le choix des acteurs, mais c’est un bon choix, rien que ça est créatif… ils sont vraiment très bien. Comme on peut lire entre les lignes, on peut voir entre les images : ce film réussit à montrer l’ineffable, à nous faire sentir comment chacun est saisi par une chorégraphie et sa musique, et comment elle travaille en chacun des personnages.
Le lendemain, il nous présentait « Takara, la nuit où j’ai nagé » très vite, j’ai somnolé…
23/07 fin de festival, le jury des jeunes a attribué une mention spéciale à Takara ce petit enfant marchant dans la neige, pour la beauté des images,
La prochaine fois je vous toucherai quelques mots de ce cinéma féminin iranien