« Demain et tous les autres jours » de Noémie Lvosky (2)

Continuons la conversation, bien volontiers.
Pour tout dire, je partais avec un a priori, n’ayant déjà pas aimé « Camille redouble » (que je préfère quand même maintenant à « Demain et tous les autres jours » )
J’ai vu, avec quelque distance,  Mathilde, cette enfant d’une dizaine d’années qui vit seule avec sa mère malade mentale. Aimante, oui, entre deux crises. Parce que, dans ces cas là, elle n’est plus en état d’aimer ni sa fille, ni personne. En crise, elle part. Au sens propre et au sens figuré. Et la petite reste, se ronge les sangs, absorbe tous ces soucis, se posent les questions qui ne sont pas de son âge, qu’elle ne devrait pas devoir se poser, suit des intuitions qu’on n’a, habituellement, qu’une fois adulte …
Mathilde trouve le moyen d’évacuer tout ça en le faisant exprimer par sa chouette. C’est la trouvaille du film mais Noémie Lvosky en use  et abuse un peu cf. la séquence où la chouette vient prévenir l’enfant du départ de ses parents vers l’hôpital psychiatrique. Ce n’est visuellement pas très bien fait. De plus inutile car Mathilde est déjà au courant, son père lui a dit, de visu.
C’est criminel ce qu’on lui fait porter comme fardeau à cette petite !
Mathilde aime sa mère. Mais est-ce qu’on est bouleversé par cet amour ? Non, car il n’a rien d’exceptionnel. Tout enfant aime ses parents, fussent-ils les pires bourreaux.
Elle aime son père aussi et le protège aussi -c’est un comble !- par exemple en ne le dérangeant pas quand il est 21h30 et que sa mère n’est toujours pas rentrée. Il a été dit, au débat, que son père est bien là, qu’il ne l’a pas lâchée ! Et qu’il l’a laissée parce qu’elle est un remède pour sa mère ! Elle, surtout elle, ne soignera jamais sa mère, ça, c’est certain. Et, selon moi, le père l’a bel et bien abandonnée, chevillée au sort de sa mère, son ex-femme. Lui, en attendant, s’est bien fixé ses oeillères et tant que ça tient, ça tient … Il l’a laissée seule avec cette mère-là. Comment pourra-elle lui pardonner ses jeunes années plombées.
Il la skype !!! Il ne vit pas son quotidien. Mathilde lui signifie clairement le manque de lui qu’elle éprouve : elle s’allonge sur son lit avec l’ordi et lui dit, sur skype, qu’elle va s’endormir. Et que comme ça, il la verra dormir … Mais lui quand il arrête Skype, il la zappe. Il retourne à ses patients (je le crois psychiatre).
On peut parler de la caricature d’institutrice, de son enseignement bien clair, de sa compétence qui fait que tous les enfants participent, récitent en mettant le ton comme des acteurs, chantent en ar-ti-cu-lant à s’en déboîter les mâchoires ! Parler de la maîtresse qui repousse, elle aussi, la balle dans le camp de Mathilde quand il s’agit de sortir la mère du spectacle de l’école où elle se donne en spectacle.
On pourrait discuter de toutes les scènes avec Mathilde petite que j’ai trouvées toutes très douloureuses. Mais mon problème est que je n’ai pas été émue par cette relation mère-fille, pourtant épouvantable. Aliénante.
SORTEZ CETTE ENFANT DE LA ! A la place des parents de Luce Rodriguez, je l’aurais éloignée de toute cette psychose. Luce Rodriguez, qu’on imagine hyper sensible, a dû prendre tout ça de plein fouet et si tous les nuages qui passent, pour de faux, dans ses beaux yeux si vifs, avaient fini par assombrir, pour de vrai, ses journées et ses nuits de petite Luce ?
Noémie Lvosky est effrayante et pour ma part je n’ai pas vu la tendresse d’une mère dans les scènes où on est sensé constater combien elle aime sa fille, comme elles s’aiment toutes les deux. Elle ne diffuse  pas de tendresse. C’est comme ça.
Il aurait été souhaitable, à mon avis,  de confier le rôle de la mère à une actrice « extérieure ». Georges dit que Valéria Bruni-Tedeschi avait été envisagée. Elle aurait été parfaite si … elle n’avait pas déjà tiré presque toutes ses cartouches dans ce genre de rôle.
Et puis pourquoi, toujours, Mathieu Amalric ? On peut, peut-être, un peu, renouveler le paysage, non ?
Dans la vraie vie on ne comprend pas souvent l’alchimie qui a fait que tel et telle se rencontrent, s’aiment, mais là on ne comprend rien à ce couple, même défait ! Au cinéma, on a besoin de croire aux personnages, sinon à l’histoire.
Et puis la partie finale avec Anaïs Demoustiers (magnifique actrice au demeurant. Elle aura rendu service …) ! C’est pas possible !!!
On a enfermé la mère depuis des années, Mathilde a fini de grandir loin d’elle, a passé son adolescence sans elle, même si, comme suggéré lors du débat, rien ne nous dit qu’elle n’a pas continué à la voir . A venir la voir à l’HP. Oui, sûrement. Est ce que ça a été bénéfique ? Les grands moments de lucidité chez les adultes, c’est finalement la mère qui les a : dans la première partie, quand elle pleure et  dit plusieurs fois à sa fille d’appeler son père, elle est consciente du désastre et que toutes les occasions de demander pardon à son enfant se multiplient et quand à l’arrivée en HP , elle dit qu’elle  ne retournera jamais dans son appartement, qu’elle le sait.
Et la fin ? parlons en …
Quand Mathilde et sa mère dansent en mimétisme comme des folles, selon l’expression consacrée, sous une pluie diluvienne, avec des violons (image un p’tit peu usée), l’une devant l’autre, comme séparée par une vitre invisible et que Mathilde arrive à sortir sa mère de cette transe, elles se retrouvent, courent, se sèchent et fabriquent un poème. Le poème ! Tout un poème … Enregistré. Pas de copie pour moi, merci.
Et, enfin, sous le clair de lune,  Ondine sort de l’eau, lavée, ruisselante de son pur avenir !
Il était temps que ça s’arrête.
Finalement, je me dis que Noémie Lvosky aurait dû jouer les deux rôles, la mère et la fille.
C’aurait été parfaitement auto-centré. Parfait pour faire la ronde.

Marie-No

2 réflexions au sujet de « « Demain et tous les autres jours » de Noémie Lvosky (2) »

  1. Demain et tous les autres jours suite

    Je te trouve très convaincante dans ta manière de ne pas aimer le film, et il y a un point sur lequel je te rejoins, la question des parents de Luce. Pour ma part, je n’aurai pas aimé qu’un de mes enfants joue ce genre de rôle. Mais on sait peu des conditions de travail de Luce, si ce n’est qu’elle a répété, durant 3 mois, séquence par séquence, sans avoir la connaissance globale du scénario, encore moins on ne sait comment ont été impliqués les parents dans ce travail, compte tenu du caractère du film. La question n’a pas été posée par les critiques.

    Pour ce qui concerne le côté autobiographique du film, cette mère folle, qui est mise en image par Noémie Lvovsky fut comme toute personne malade, une personne qui tendait à aller mieux, il y a des moments où cela n’est pas possible, d’autres où ça l’est, c’est un mouvement.

    Le reste, la manière dont c’est raconté et filmé appartient à la fiction, au conte, avec des effets, des scènes qui peuvent ne pas plaire, d’ailleurs c’est ton cas.

    Sur la question de la vraisemblance, le parti pris du film consiste à maquiller l’ensemble des éléments de contexte – L’appartement volontairement vieillot et défraîchi, la manière rétro de s’habiller de la mère – Tout cela appartient à l’esthétique du film, aux accessoires. Voyons le récit : Être enfant, vivre avec une mère folle, lui permettre de sauver la face, la suppléer, en outre être soi même, grandir, se métamorphoser (image de l’eau et des limbes), s’émanciper, comme tout le monde.

    Invraisemblable et tout aussi esthétique, la maison de repos où l’on séjourne plusieurs années. Elle correspond au fantasme de lieux quiets, hors du monde, qu’on retrouve aussi dans »Folle de Joie ». La condition des malades mentaux, n’est plus celle-ci depuis longtemps. D’ailleurs ce ne serait pas souhaitable, chacun a droit d’être dans le monde. Mais le rêve d’une structure d’exclusion au long cours, qui serait en même temps un paradis appartient à l’imaginaire collectif, c’est une commodité morale. Les seuls lieux qui accueillent les malades mentaux pour de très longues périodes, ce sont les lieux d’enfermement en H.P …et en prison!

    On est de toutes les façons loin des châteaux, des jolis parcs, des rosiers que l’on taille, et des arbres centenaires, des pluies sur fond de musique de Philippe Glass, et de la « coolitude » des choses. Mais j’imagine que tout cela est métaphorique, plein soleil et pluie d’orage brutale traduisent l’humeur changeante de la mère, tout comme la danse traduit un moment où sa fille, libre, accompagne sa mère qui elle ne l’est pas.

    Demain et tous les autres jours a l’avantage de montrer des choses que l’on ne montre pas, qu’on cache sous un tapis désormais à bonne hauteur du parquet. Et puis, considérons un instant le titre du film.

    1. Ce film m’a échappé et je n’ai pas pu le rattraper comme c’est le cas, parfois, pour d’autres films auxquels, par le biais du blog, en me le repassant le lendemain matin, je découvre qu’ils m’ont alpaguée quand même.
      J’ai du mal, souvent, avec les nombrilistes.
      Et je ne suis pas emballée par le ton, le style Noémie Lvosky. Quand j’y repense, le truc qui m’a plu, c’est l’accoutrement de la petite, qui, livrée à elle-même peut donner libre cours à sa fantaisie pour se coiffer et s’habiller. Mais un peu gâché car Noémie Lvosky, avec ses gros sabots, se croit obligée de dupliquer les couleurs des vêtements de la petite Mathilde pour habiller la grande Mathilde. Pour qu’on comprenne, au cas où on se demanderait qui est cette jeune femme qui arrive par le train. On comprend surtout que c’est réducteur du joli caractère entrevu du personnage. Et de notre jugeote !
      Bref, j’irai quand même voir son prochain film.
      Si on le prend aux Cramés. Sinon, non.

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