Joyland est une comédie dramatique transgenre dont la réalisation est très libre. Le cinéma pakistanais est rare en France, et c’est un sujet peu abordé que Saïm Sadiq a choisi pour son premier long métrage. Il plonge sa caméra dans une famille aux rapports inextricablement agencés autour de représentations et de modes de vie dont il est difficile de se départir. Le réalisateur propose une galerie de portraits dont les personnages sont filmés à égalité, sans caricature mais en présentant toutefois leur originalité ; c’est un portrait “pluriel”.
Haider (Ali Junejo), jeune adulte en quête d’identité est ballotté dans un monde dont il ne saisit pas les codes, sa virilité est mise en cause, son identité sexuelle encore en remaniements, … Il semble parachuté au milieu de cette famille obligée de composer avec la modernité quand tout semble strictement bordé. Et puis il y a Biba et ses rêves, elle interprète magnifiquement ce qu’elle est dans la vie, une actrice transgenre (Alina Khan). Il y a enfin tous les membres de cette famille menant une vie communautaire, se dépêtrant comme ils le peuvent d’un patriarcat d’une voilure à géométrie variable…
Tout ce dont on peut rêver de ses projets et de sa vie même, et qu’on pourra faire ou ne pas faire. Tenter d’infléchir sa destinée en frisant la transgression. Réaliser enfin que les promesses d’avant mariage sont vite oubliées. Et puis finalement décider d’en finir car ce monde n’est décidément pas vivable. La tragédie antique retrouve tous ses accents sous la caméra de S. Sadiq (Prix d’Un certain regard à Cannes) dont l’objectif ponctue son premier long métrage d’images très originales et de lumières somptueuses. En regardant ce film d’une rare liberté, j’ai oublié le Pakistan en me disant que son histoire touchait l’universel.
Pierre