Article de Marie-Noël
Hier soir avec ce film mon admiration pour B.Tavernier s’est trouvée encore renforcée. Je n’avais aucune idée ni sur ce qu’était la Continental, ni sur la fabrication des films pendant l’Occupation. Je connaissais Jean Aurenche depuis 2 jours mais Jean-Devaivre, Suzanne Raymond, Jean-Paul Le Chanois, Richard Pottier, Roland Manuel … pas du tout.
Quelle histoire ! Quel film ! 115 rôles parlants
Tous ces personnages dans des histoires dans l’Histoire. Plein d’histoires .
Dans le film, on ne perd jamais de vue que ce qui est essentiel c’est manger.
Pour vivre et écrire des scénarios, construire les décors, régler les projecteurs, coudre les costumes …. Pour jouer et filmer les acteurs jouant des histoires.
Mais aussi pour vivre et lutter, résister.
Dans ce film, B.Tavernier nous propose, entre autres, deux scènes de résistance.
Le sabotage du train : tout est minutieusement orchestré: le rdv , la route sans encombre en camionnette jusqu’au lieu de sabotage, l’approche du train en roulé boulé façon ballet, la pose des grenades, l’explosion à l’endroit voulu et à l’heure dite. Tout est millimétré, parfaitement minuté. Maîtrisé. Ca aurait pu être dans un film de la Continental, Baumeister aurait validé.
Ensuite Jean retrouve son vélo
Et puis « la grand scène du 12 » : La clé qui ouvre plusieurs portes « ennemies », le vol des documents sans préméditation, comme téléguidé, le rdv hasardeux, le contact inquiétant, les personnages inconnus, comme rajoutés, le départ imprévu par le train, avec changement de destination de dernière minute, le vol impromptu vers l’Angleterre, l’interrogatoire dans une langue inconnue, dialogue de sourds. Et le retour époustouflant avec parachutage précis à l’endroit exact où tombe aussi la pompe à vélo ! Pour un film de la Continental tout ça n’aurait pas du tout convenu à Baumeister !
Mais Jean retrouve son vélo car même avec 40° de fièvre, Jean roule à vive allure sur son vélo. (Moulins-Paris : 328 km !) Il est invincible sur son engin. Libre.
Le cinéma et la vraie vie . La vraie vie et le cinéma.
On dit parfois : « il m’est arrivé une drôle d’histoire ! personne ne va me croire ! »
B.Tavernier nous la raconte magistralement l’histoire incroyable et on y croit .
Et je lui suis très reconnaissante de m’y faire croire.
Les films de B.Tavernier racontent des histoires incroyables, souvent vraies.
Les film de B.Tavernier sont savoureux.
Et surement encore plus savoureux quand on les décortique.
Quelle belle perspective : en décortiquer un
80 fois
Je ne partage pas l’avis de Marie-Noëlle sur « Laissez-passer ». J’ai trouvé que c’était le plus » faible » de tous les films vus et nous avons dégusté de véritables bijoux d’images et de sons. Alors pourquoi moins aimer ce film ? Si le contexte est restitué à merveille, le personnage de J. Devaivre / J. Gamblin m’a semblé ambigu, agissant de façon un peu compulsive, étrange (lorsqu’il prend un dossier, apparemment au hasard dans le bureau du nazi, ce qui l’entraîne dans une suite et une fuite à vélo puis train, puis avion, puis parachute, tout en étant censé être très malade). Si je comprends parfaitement les enjeux de cinéma de ces scènes, j’imagine aussi l’incompréhension du vrai J. Devaivre qui n’a pas dû se reconnaître dans cet imbroglio et a porté plainte contre son ami cinéaste.
Par ailleurs, les dialogues sont moins enlevés et drôles et le rythme du film plus étale malgré les prestations des deux formidables acteurs.
Mais il va sans dire que c’est un film intéressant que je ne regrette pas d’avoir vu.
Ce fut une belle rétrospective, avec beaucoup de plaisir et d’émotion.