Quand nous étions sorcières. Film de Nietzschka Keene (2)

Quand nous étions sorcières, film de Nietzschka Keene 1989: Juniper Tree(genévrier) le titre anglais. Film récemment restauré et numérisé en très bonne qualité, présenté par Marie-Annick Laperle, 1h20, scénario inspiré  par un conte de Grimm: Von dem Machandelboom (Le genévrier), un bel oiseau qui chante „ma mère m‘a tué, mon père m‘a mangé, ma soeur a ramassé mes petits os, les a enterrés sous le genévrier et moi je suis un bel oiseau“.

Pour un résumé en anglais voir Mark Asch (14 mars 2019):

https://www.filmcomment.com/blog/review-the-juniper-tree/

Pour une critique enthousiaste : Angeline Gragasin le 9 mars 2019 :

https://www.screenslate.com/features/1147

Le plus précis, « to the point“, à mon avis Carson Lund le 9 mars 2019:

https://www.slantmagazine.com/film/review-the-juniper-tree-a-plein-air-wonder-starring-bjork-is-ripe-for-rediscovery/

D’après ce que j’ai lu en rentrant du cinoche: le conte a été donné aux Grimm par le peintre hambourgeois Philip Otto Runge, qui dit l’avoir entendu et l’a écrit dans l’idiome du nord de l’Allemagne (il venait de Poméranie). Dans l’édition Reclam des contes de Grimm (édition complète), Von dem Machandelboom (Nr.47) tient en 9 pages. La fin: L’oiseau donne une chaîne d‘or au père, des chaussures rouges à la sœur et quand la mère demande elle aussi un cadeau, elle reçoit une pierre meulière sur la tête qui la rend totalement « tomatsch » (zu Matsch, en bouillie), Quand père et fille sortent de la porte il y a le garçon ressuscité, les trois rentrent gaiement et se mettent à table. (Happy end? Keene n’en a pas voulu…)

Wilhelm Grimm explique dans le commentaire qui accompagne chaque conte, que le « Machandelboom » avait paru auparavant dans un périodique édité par l’archiviste et historien badois  Franz Joseph Mone (Monee, Moné) et Runge avait envoyé le texte à Achim von Arnim qui l‘avait publié. La chanson de l’oiseau « ma mère qui m’a tué etc… », explique Grimm, existe dans une version française (Feuilleton Le Globe 1830 Nr. 146):

ma marâtre

pique pâtre

m’a fait bouillir

et rebouillir.

mon père

le laboureur

m’a mangé

et rongé.

ma jeune soeur

la Lisette

m’a pleuré

et soupiré:

sous un arbre

m’a enterré,

riou, tsiou, tsiou!

je suis encore en vie.

À propos du film: La cinéaste (morte à 52 ans d’un cancer du pancréas) était une « intellectuelle » pure et dure, enseignante, jusqu’à sa mort, du cinéma et de l’édition à l’université renommée de Madison/Wisconsin (d’où venait  – l’Allemand se souvient –  Mildred Fish-Harnack, propagandiste à Berlin du roman moderne américain, membre d’une des « cellules » dispersées de ce qui est connu sous le nom de « L’orchestre rouge », morte guillotinée sur demande explicite d’Hitler). Lorrie Moore, nouvelliste et critique américaine connue, elle aussi enseignante à Madison, a dédicacé une de ses nouvelles à Keene, qui était de 5 ans son aînée. 

Je suppose qu’il n’y a pas beaucoup de filles nommées « Nietzschka » si ce n’est pas un pseudonyme. De Nietzsche au poète américain T.S. Eliot, dit « le conservateur imaginatif « , il n’y a pas loin et la citation des « os chantants » au début du film donne le ton:

Under a juniper-tree the bones sang, scattered and shining./ We are glad to be scattered, we did little good to each other. / Under a tree in the cool of the day, with the blessing of sand. / Forgetting themselves and each other, united /in the quiet of the desert. (Sous un genévrier les os chantaient, dispersés et  brillants / Nous sommes heureux d‘être dispersés, nous faisions peu de bien l‘un l‘autre / Sous un arbre dans la fraîcheur du jour, avec la bénédiction de sable. / Oubliant nous-mêmes et l’un l‘autre, unis / dans le calme du désert ) 

Ces lignes sont prises du poème « Mercredi des cendres » de 1927, d’une section qui commence avec « Lady, trois léopards blancs étaient assis sous un genévrier /dans la fraîcheur de la journée, ayant été nourris à satiété /sur mes jambes mon cœur, mon foie et ce qui fut le contenu / du rond vide de mon crâne. Et Dieu dit … »

Il paraît que Éliot tenait son inspiration des trois bestiaux de Dante où ils symbolisent trois péchés. 

Ceci pour dire que le film de Keene est un film d’auteur lequel je pense fut guidé par la volonté de faire un travail poussé à la pointe de la poétique contemporaine avec la connaissance aiguë des moyens cinématographiques actuels et historiques. Une recherche d’expression nouvelle  de nos comportements  réduits à l’essentiel. Avec plein de clins d’oeil. Keene a vécu la vague d’ethnologie des années 70 et les débats universitaires autour des « sorcières », des « baba yagas », réflexions historiques, à la suite de la décolonisation. Un film féministe, certes.

Une critique de David Ehrlich du 14 mars 2019 sur « indiewire.com » me semble intéressante, voici ma (mauvaise) traduction d’un extrait: 

« Tandis que le narratif du film, rapsodique et parfois d’une lourdeur de plomb est guidé par des voix, les scènes sont assemblées comme les stances d’un poème, les émotions des figures sont toujours bruyantes et lisibles: quand le garçon se tourne vers Katla et dit: « Elle était meilleure que toi ». À partir de là, la tension ne peut que monter … tous les maigres et élémentaires trois films qu’elle nous a laissés sont construits autour du conflit entre anciennes constructions et féminité moderne – le temps le père, la terre la mère – la sagesse médiévale et la pensée biblique défiées par l’idée radicale que femme n’est pas égale au diable. Dans « Juniper Tree » cette collision gagne une dimension culturelle. Le choix des accents islandais brise la langue anglaise avec un sens d’étrangeté tandis que symbolisme chrétien et mythe païen se frottent avec la même friction originaire des deux familles du film. Autant que la rigoureuse spiritualité monochrome de Keene renvoie vers Bergman et Carl Theodor Dreyer, son révisionnisme joyeux rompt avec ces traditions, quand la réalisatrice se sert de la force de vie animiste de Björk pour déraciner les attentes. Une scène où la Margit (Björk) dort dans une boîte de verre rappelle la cinéaste de « Daisies », Vera Chytilova (de la nouvelle vague tchèque ks). Un moment crucial d’effet particulier qui partage le film en deux fait sentir comme s’il pouvait avoir inspiré David Lynch. A un moment, quand un canon de voix féminines se jette sur la bande-son comme l’eau par une brèche à l’intérieur d’un bateau on a presque le sentiment que le film est en conversation avec « Medulla », l’album de voix seules que Björk fera presque 20 ans plus tard.“ –

Juste pour compléter mes élucubrations : je ne trouve rien sur l’origine et la personnalité de Nietzschka, dont ce prénom m’intrigue. 

Sauf, 7 ans après sa mort un souvenir d’une camarade de l’école du cinéma californien, la scénariste Pat Verducci, qui en 2011 venait de lire l’autobiographie de Patty Smith, « marraine du pop » et une icône du nouveau mouvement des femmes (elle est née en 1946). Le 20 mai 2011, Verducci écrit : 

« Après avoir fini le livre de Smith, qui en somme est un hommage à Maplethorpe, son amant et ami, qui est mort du sida en 1989, j’ai commencé à penser à trois camarades de l’école du cinéma et qui sont décédés depuis. (le premier est mort lui aussi du sida, le second dans un accident ks) … et finalement Nietzschka. J’ai mis 5 ans à pouvoir épeler son nom, les premiers deux ans de notre rencontre, elle me faisait peur. Elle avait une chevelure rouge, sauvage et le visage fier mais d’un autre monde. Elle avait l’air d’être quelqu’un d’un roman d’Emily Brontë qui avait erré autour des marais réellement pendant longtemps. Elle supervisait la section du mixage tout en étant une étudiante avancée et ne supportait pas les bêtises. Elle buvait du thé tout le temps et parfois laissait un sachet dans sa tasse jusqu’à ce que la porcelaine à l’intérieur devienne noire. 

Elle m’a appris à reconnaître la sérénité malsaine des comtes de Grimm. La façon de jeter un effet de son exultant dans une scène et la rendre réellement amusante. Elle était fun d’histoires de crimes autant que moi et toutes les deux nous nous intéressions à Belle Gunness, une femme qui avait vécu au début du siècle et qui avait tué 23 hommes pour leur argent. 

Un cancer.

Alors, la lecture des mémoires de Patti Smith m’a rappelé des personnes que j’ai rencontrées dans ma jeunesse et qui m’ont aidée à trouver mon chemin. Aucun de nous n’est devenu une célébrité, mais le voyage du héros n’est pas simplement vers les puissants et les influents …

Alors merci à André pour m’avoir appris la puissance de mon drapeau d’outsider. Et merci à toi, Hutch pour m’avoir toujours forcée de rester dans le moment. Et à toi, Nietzschka pour avoir dévoilé la beauté dans un détail terrifiant. » (toujours ma traduction vite faite)

Pour ce qui est le lien entre le conte de Grimm (« malsain ») et le scenario du film comme interprétation de ce conte : il me faudrait chercher chez Bruno Bettelheim et autres auteurs ce qu’ils ont éventuellement écrit sur « Machandelboom ». Mais d’autres préoccupations m’appellent.

***

Carson Lund : In any case, The Juniper Tree’s peculiar pedigree as an American indie (independant movie ks) fueled by European arthouse (outside the studios of the big film industry ks) tropes and constructed with a flair for the avant-garde and the handmade, marks it as a welcome rediscovery. 

***

Le texte de Lorrie Moore , The Juniper Tree, a paru dans « The New Yoker » le 17 janvier 2015 : une histoire de revenant, un peu « too much » de « creative writing » remarque un critique, mais un bel hommage à sa collègue récemment morte. 

https://www.newyorker.com/magazine/2005/01/17/the-juniper-tree

Trois jours passés, le film ne me sort pas de la tête. Trop paresseux pour encore chercher dans Bettelheim et autre, voici mon interprétation : l’histoire porte sur la solitude, le juxtaposé de douceur et de violence en nous, sur la contrainte de l’environnement humain et naturel, sur l’immortalité. Une femme, un homme, une observatrice-interprète immiscée et hypersensible, un petit oiseau de trouble-fête, le trouble-fête immortel en quelque sorte et pierre de touche de notre comportement avec l’autre. L’observatrice, réduite à une simple « médiatrice » dans le conte de Grimm, est dans le film, et contrairement au conte de Grimm, à la fin la seule qui reste (jouée par Björk et sans doute largement un des alter ego de la réalisatrice aussi). Le petit oiseau, le garçon (joué par une fille) gardien des vaches, agaçant au possible dans son refus des réalités de vie et de mort et qui prétend pouvoir voler, « vole » à sa mort et devient l’oiseau « éternel ». Sa résurrection chez les Grimm est absente chez Keene. La femme, tueuse toute crue chez les Grimm, dans le film n’utilise contre l’enfant que le sadisme d’adulte et social « raisonne-toi ou meurs». L’enfant pour lequel l’imagination se confond avec la réalité « se raisonne » et « s’envole ». Presque fidèle aux Grimm, du fils, ce qui n’est pas devenu oiseau, le corps entier dans le conte, un doigt (clin d’œil au sexe?) dans le film, est « symboliquement-réellement » rendu au père avec la soupe. Avec l’os qu’elle (!) trouve dans la soupe et enterre, la fille, le genévrier et l’oiseau se retrouvent dans une trinité « fils, père et saint-esprit »,équipée de forces transcendant la réalité. 

Kinorama 77

Pour avoir participé à cet événement en 2018, sorti mon « Maurice », mais surtout passé 3 jours épatants, je vous encourage à vivre, vous aussi, cette formidable expérience.

C’est du 5 au 7 juillet 2019 à Avon et les inscriptions sont ouvertes

« Faire bien avec rien,

faire mieux avec peu… mais le faire maintenant ! »

https://kinorama77.wixsite.com/avoblo

Quand nous étions Sorcières -Nietzchka Keene

Film islandais, (vo, mai 2019, 1h19) de Nietzchka Keene avec Björk, Bryndis Petra Bragadóttir et Valdimar Örn Flygenring 
Titre original : The Juniper Tree 
Distributeur : Les Bookmakers / Capricci Films

Présenté par M.A. Laperle

Quand nous étions sorcières
(Envoûtant, déstabilisant, magnifique. Merci aux Cramés ! Merci à Marie-Annick pour sa présentation très éclairante.)
Ce qui m’a donné envie de voir ce film, c’est la beauté des images, la lenteur des gestes et la poésie entrevues dans la bande-annonce.
Les images en noir et blanc, les paysages, les gestes autour de la laine, sont envoûtants. Mais tout dans ce film déroute. Le plus grand choc étant ce découpage des doigts de l’enfant mort. J’ai fermé les yeux, je n’ai vu que le couteau, le doigt enfourné dans la bouche du petit cadavre et les lèvres cousues, le doigt trouvé dans le ragoût par Margit.
Le choix du noir et blanc convient au conte. Dans le conte tout est blanc ou noir, pur ou diabolique, bon ou mauvais.
Ces deux faces de la vérité sont représentées par les deux sœurs, filles de sorcière, sorcières elles-mêmes. L’une, Katla, est celle qui veut mentir, cacher sa condition de sorcière mais se servir de tous ses pouvoirs pour faire semblant d’être une humaine conforme à ce qu’on attend d’une femme, celle qui a besoin d’un homme pour exister, qui l’ensorcelle, qui ne supporte pas d’être percée à jour par l’enfant, qui se prend à son propre piège et devient meurtrière : c’est le comble de la sorcière. L’autre, Margit, est la sorcière pure, celle qui voit à la fois le passé et l’avenir, qui a un lien direct avec sa mère sorcière qu’elle voit apparaître tout au long du film. Ces apparitions de la mère, image sereine d’une femme douce, qui représente la bonté même, nous rappellent la fée des contes de notre enfance, celle qui sauve, celle qui permettra au conte de finir bien. Mais c’est aussi la première sorcière, celle qui a donné naissance aux deux autres.
Dans ce conte, nous avons donc trois sorcières ? Est-ce que cela ne fait pas références aux Parques de la mythologie : naissance, vie et mort entre les mains de trois fileuses ?
Les paysages sont forts, rudes, escarpés, nature mystérieuse, où s’entremêlent volonté de vivre et mort omniprésente. Le travail autour de la laine est lent. Les femmes prennent le temps. Si l’on se laisse aller à suivre leur rythme, on comprend que c’est dans cette lenteur qu’elles communiquent avec la nature. Mais tout comme la langue parlée par les personnages, un anglais qui n’est pas leur langue maternelle, ce travail de la laine est un travail de conte. Les toisons qui servent de couverture autant que celles qui sont préparées avant le cardage sont exceptionnellement belles, mais où sont les moutons ? Les moutons me manquent autant dans ce film que la langue maternelle des personnages. Le seul mouton entraperçu est cet agneau mort dans le cours d’eau, qui préfigure la mort du petit garçon.
Le même décalage est donné par le soi-disant genévrier, qui ressemble plus à un acacia ou un mimosa géant qu’à un conifère.
Aucun message ? Est-ce que le rôle du conte n’est pas de donner aux peurs qui nous traversent l’occasion de s’exprimer. Et les peurs exprimées ici sont les peurs qu’inspirent les sorcières, la peur de leur pouvoir de vie et de mort, la peur de leur lien avec la nature.
La résolution, parce que tout conte se termine bien, c’est la condition de sorcière assumée par Margit, qui reste seule mais libre. Qui reste en lien avec l’arbre et l’oiseau, avec la vie de l’enfant, dans un cycle de vie et de mort qui n’a pas de fin. C’est à partir du moment où elle assume cette condition que sa mère cesse de lui apparaître.
S’il n’y a pas de message, j’y lis, moi, celui du lien avec la nature assumé par la sorcière Margit.

L’exception de ce conte, comme l’indique le titre français « Quand nous étions sorcières », c’est qu’il s’agit non pas d’un conte pour enfants, mais d’un conte pour femmes.
MO Larsimon

Douleur et Gloire de Pedro Almodovar

Douleur et gloire : Affiche

Soirée débat animée par Laurence mardi 11 juin 2019

 

Les premières images, déjà captivent. L’émotion nous étreint et ce sera jusqu’au bout.
De ses giclées de couleurs, poudres magiques, Pedro Almodovar illumine la vie. Un peu de sa vie, ici condensée en l’essentiel.
Et on se surprend à penser que, si chacun de nous faisait son autofiction, comme pour lui, les éléments majeurs en ressortiraient.

Almodovar, lui, les filme. Et comment !

Pedro Almodovar se livre tout simplement, sans s’apitoyer, nous parle de lui.  De son enfance pauvre mais enluminée de sa mère, son joyau.
Penélope Cruz en Jacinta, madone en sa cueva à ciel ouvert, caverne lumineuse, berçant son enfant de son chant,  l’enveloppant dans sa tendresse maternelle, l’imprégnant pour la vie de son amour absolu,  n’a jamais été aussi touchante, aussi belle, plus vraie que vraie, mère souveraine,  éblouissante du blanc immaculé des draps étendus au soleil.
Et on voit que Pedro/Salvador est riche de naissance. Riche du côté de sa mère.
Après un résumé pudiquement, ironiquement, psychédélique, il nous montre et détaille où il en est, ses multiples douleurs, physiques, psychiques et les événements choisis qui ont fait de lui cet être fragilisé, aujourd’hui, au moment où ressort Sabor. C’est sa vie qui défile … Le premier émoi qui donne la fièvre, l’envie furieuse de vivre, les amours qui finissent un jour et nourrissent pour toujours.
Oh, si ! Pedro a été un bon fils : égoïste et Salvador !

Douleur et Gloire est comme une introspection, clinique et romanesque.
Par bonheur, et dans la douleur, aussi, chez Almodovar, la créativité l’emporte infiniment et indéfiniment sur la mélancolie.
Rechercher pour la recréer la saveur du premier désir.
Primer Deseo. Moteur !

Un très beau film. Antonio Banderas a reçu la palme du meilleur acteur à Cannes et c’est bien mérité d’autant qu’il réussit par son interprétation à ce que, au final, il s’efface et que ça soit Pedro Almodovar lui-même qui nous atteigne et nous bouleverse !

Marie-No

 » Les oiseaux de passage »de Ciro Guerra et Cristina Gallego

Film ethnique, thriller, drame antique et contemporain ?

Une première vision dimanche soir, un peu décevante, j’avais trouvé le film un peu long, un peu inégal et pas toujours clair sur la description certes brillante de cette ethnie mais aussi sur le rôle de l’ultra violence, tous ces morts, cette vengeance qui semble contredire les principes d’existence de la communauté.

La deuxième vision, mardi soir, m’a paru plus claire et cohérente, le drame prenait sens. Le début du film est très séduisant avec ces belles femmes habillées de superbes robes aux couleurs vives. Cet environnement attractif pour nous autres occidentaux, cette nature ( pas toujours facile ) ces beaux objets  » ethniques » que les touristes aiment tant rapporter de leur voyage (sans parler des photos !) et cette superbe introduction en forme de cérémonie pré-nuptiale, un vrai régal. Tout va bien jusqu’au meutre de Moisé par Rapayet son  » frère » et meilleur ami. Le crime a été commis créant la déchirure, la souillure et ne sera « compensé » que par d’autres meurtres.

L’apogée du clan est bien dépeinte pendant la période de prospérité financière ( l’argent de la drogue ) surtout matérielle ( belle maison incongrue en plein désert, camions à foison, alcool à flot et montres bling bling, pistes d’atterrissage, et flingues avec port d’armes ! ). Les deux derniers chapitres ne se remplissent plus que des meurtres, de sang, de détonations et de descente aux enfers pour la famille. Les cadavres jonchent les plans, la maison explose, les sentiments se réduisent à la vengeance et la mort physique mais aussi culturelle, civilisationnelle plane sur tout le film. Rapayer dit avant de mourir  » de toute façon, nous sommes déjà morts » et sa femme Rahia rappelle à sa mère  » qu’il ne sert à rien de vivre en Wajùu si l’on meurt ».

On peut avoir en mémoire les plans de début du film; colorés, joyeux, bavards, le bonheur arrive. Et les derniers où un chant nous raconte cette triste histoire et dans l’image on voit Indira petite fille perdue au milieu du désert avec trois chèvres ! la perte du paradis et la porte de l’enfer..

Sur le sens chacun y verra que la tribu des Wajùus est mortelle comme la Colombie et peut être l’Humanité ?

Pour le cinéma on retiendra des images splendides de femmes, d’hommes d’enfants, d’animaux de paysages, tout ce qui fait la beauté du monde et en lien permanent avec une musique formidable qui comme avec les percussions se fond avec l’image. C’est du grand cinéma.

Comme si de rien n’était d’Eva Trobisch

Présenté par Maïté dont les notes sur les rapports cinématographiques franco-allemands étaient tellement drôles et justes… drôlerie bienvenue pour ce film grave. 

Grave et réussi, jusqu’à la fin concise et ouverte. 

En voici le synopsis : Jeanne est une femme moderne, éduquée, rationnelle, une femme qui réclame le droit d’être ce qu’elle veut. Lors d’une réunion entre anciens camarades sa vie bascule. Mais elle va persister à faire semblant que tout va bien, refuser de se considérer comme une victime et perdre le contrôle…Jusqu’à quand ?

Voici un premier long-métrage, sans un poil de gras, vif,  bien filmé, rapide, (avec tout de même un rapide travelling semi-circulaire qui arrache les yeux, mais ne chipotons pas). Et puis Aenne Schwarz, belle actrice, dans le rôle de Janne, elle est de tous les plans,  parfaite dans le rôle. Je voudrais revenir sur le nœud du film, c’est-à-dire le viol. 

Janne revient avec Martin (Hans Löw) d’une soirée d’anciens étudiants, ils se connaissent assez bien, il la raccompagne, il est grand un peu gauche, bon enfant, il est tard, tous deux sont un peu émechés, elle lui propose de dormir chez elle :

 « Tu dormiras sur le canapé » lui dit-elle. L’alcool… Le détonnateur de la séquence, c’est connu,  il diminue la perception du danger et ne désinhibe (pas seulement sur les routes).

Quelques minutes tout se passe bien, Martin est un jeune homme « propre sur lui et bien élevé »  mais alcoolisé.  Alors d’un coup, ce qu’il y a de civilisé et de courtois chez lui cède et libére l’homme instinctuel ou pulsionnel comme on voudra. Il devient entreprenant, touche Janne, cherche à l’embrasser, à l’enlacer. Et Janne,  d’une parole ferme le remet à sa place, elle lui dit que ça suffit… mais lui tout à sa pulsion, n’entend pas, ne veut pas voir ni savoir, ni penser, mais aller au bout d’un désir, et qu’importe l’interdit. Entre peur et incrédulité Janne ne sait pas ou ne peut pas résister physiquement. C’est pour la victime, une situation où la mort rode.  De ce Martin un peu bénêt qu’elle a connu  comme camarade de promo, elle s’aperçoit qu’elle ne sait rien, qu’elle le connaît à peine. Et  Martin pousse l’avantage, Janne ne bouge plus, sidérée.   C’est terminé.  Martin a franchi l’espace irrévocable  qui le sépare de la suite…  Pour lui, vivre dans la peau d’un violeur. Et pour Janne ce sera le passage de la femme libre de sa vie et de son corps à celui d’une femme violée. 

Le passage à l’acte,  c’est l’acte qui se substitue à la pensée.  Dans cette histoire «  Cette femme (que je nie en tant que sujet)  est une chose que je désire et que  donc je prends et basta ! ».  Et la réalisatrice a pris soin de mettre en place un dispositif qui le favorise : l’alcool, l’intimité, l’absence de témoins, la disproportion physique des deux personnages qui  se connaissent un peu, c’est-à-dire peu. (Sauf que Martin est  le neveu de Robert, (Tilo Nest)  le futur employeur de Janne) (On remarquera que Robert se présente comme un anti-Martin).

Dégrisé Martin va regretter, sans doute, cela n’appartient  pas à sa conception du monde, ni à l’image qu’il se fait de lui-même et sans doute, il éprouve dela culpabilité. Il va chercher à mettre des mots sur son acte. «  Je suis désolé »  tente-t-il. 

Maintenant regardons Janne, « Comme si de rien n’était »  est un film fait de paradoxes,  si Martin qui ne supporte pas l’idée d’être devenu un violeur et voudrait en quelque sorte remettre la pâte à dentifrice dans le tube,  Janne de son côté, veut continuer sa vie comme si l’acte n’avait pas eu lieu. Une critique tente d’avancer que c’est pour Janne la manière d’affirmer sa supériorité, une forme de combat tout féministe contre la barbarie masculine en somme.  Je ne crois pas à cette version trop influencée par la période où ce film a été réalisé.  Si ce n’est pas tout à fait un déni, ce serait, si j’ai bien vu la  définition psychanalytique ce  qu’on nomme la forclusion, en gros : Elle sait, mais n’accepte  pas de le savoir, comme le titre l’indique.

Lorsqu’elle apprendra qu’elle est enceinte, chez la gynécologue, elle écoute, la procédure qui lui est proposé : 

  1. Vous pouvez prendre une pilule dès maintenant.
  2. Si vous ne le faites pas dans les 3 jours, alors il sera possible de procéder à  une IVG, vous aurez alors jusqu’au 20 septembre.

Et Janne sans doute encore sidérée, laisse passer la première période pour se résigner à la seconde, sans rien en dire à Piet  (Andréas Dölher) l’homme qu’elle aime, et que pour cette raison, elle va perdre. 

Mais comment dire « j’ai été violée, par un homme que je connaissais à peine, en qui j’ai fait confiance, que j’ai fait entrer chez moi,  parce que j’étais  un peu saoûle et lui aussi ? Comment dire la suite ?  Je suis enceinte, et au lieu de prendre la pillule du lendemain, j’ai attendu, je n’arrivai pas à concevoir ce qui m’arrivait,  et là je viens de  me faire avorter en douce et je te demande de venir me chercher, parce qu’on ne me laisse pas repartir toute seule en taxi, donc  tu m’accompagnes et tu ne me poses pas de question»…

Il y a là aussi une forme de passage à l’acte de Janne qui étonne, pourquoi n’a-t-elle pas appelé sa mère ? On se souvient que Janne avait raconté vaguement, sauf l’essentiel, cette histoire à sa mère. Besoin d’avouer ? Peut-être. 

Mais ce que nous a montré Eva Trobish, c’est une femme dynamique, entreprenante, décidée, autonome, qui n’aime pas les conflits, qui a des rapports d’égale à égal avec Piet, mais le viol qu’elle a subi a  dans son esprit, atteint aussi le mode de relation qu’elle avait avec lui. Comment  après cette épeuve,  vivre d’égal à égal avec l’homme qu’elle aime,  contemporain de ce viol ? Il y a dans la demande de Janne à Piet, quelque chose d’autodestructeur -inconsciement assumé-

Le devenir de sa relation à Piet appartient au hors-champ, mais nous voyons,  dans les derniers plans,  dernier passage à l’acte, Janne dans le métro. Elle refuse d’obéir à l’injonction des contrôleurs qui lui demandent de quitter le wagon  pour la verbaliser parce qu’elle n’a pas validé son ticket. Elle ne sait vraisemblablement pas le pourquoi de sa réaction, mais ce faisant, elle réalise symboliquement autre chose, elle découvre et éprouve sa faculté de résister.  

PS : Merci à Maïté qui me signale que j’ai fait des erreurs factuelles sur les circonstances  de l’arrivée de Piet à la clinique. Je reprendrai donc cet article. (à suivre)

Cannes 2019

 

 

Beaucoup d’appelés, peu d’élus, c’est la vie

En dehors de la qualité cinématographique des films primés que nous pourrons apprécier, ou pas, dans les mois qui viennent, en donnant cher de la Vie,  en faisant une belle place aux urgences du Monde, le Palmarès est, déjà, un contentement.

 

Palme d’Or
«Parasite» de Bong Joon-Ho

Grand prix du jury
Atlantique de Mati Diop

Prix d’interprétation masculine
Antonio Banderas pour «Douleur et Gloire» de Pedro Almodovar

Prix du jury (attribué ex-aequo)
«Les Misérables» de Ladj Ly
«Bacurau» de Mendonça Filho et Juliano Dornelles

Prix de la mise en scène
Les frères Dardenne pour «Le Jeune Ahmed»

Prix d’interprétation féminine
Emily Beecham dans «Little Joe» de Jessica Hausner

Prix du meilleur scénario
Céline Sciamma pour «Portrait de la jeune fille en feu»

La caméra d’or
«Nuestras madres» de Cesar Diaz


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Pour rappel, étaient en compétition :
The dead don’t die de Jim Jarmush
Douleur et Gloire de Pedro Almodovar
Il Traditore de Marco Bellochio
The Wild Goose Lake de Diao Yinan
Parasite de Bong Joon-Hoo
Le jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin
Atlantique de Mati Diop
Mathias et Maxime de Xavier Dolan
Little Joe de Jessica Hausner
Mektoub my love : intermezzo d’Adelaltif Kechiche
Sorry, we missed you de Ken Loach
Les Misérables de Ladj Ly
A Hidden life de Terence Malick
Bacarau de Kleber Mendonça et Juliano Dornelles
La Gomera de Corneliu Porumboiu
Frankie de Ira Sachs
Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
It must de heaven de Elia Suleiman
Once upon a time in Hollywood de Quentin Tarantino
Sibyl de Justine Triet (cf mon commentaire sur Allociné)

 

Marie-No

Synonymes de Nadav Lapid

Avec les Cramés de la Bobine, on se promène dans le Monde. Parmi tous les pays représentés, trois d’entre eux me semblent avoir un point commun, la Roumanie, l’Iran et Israël. Tous trois font régulièrement un cinéma de contestation, un cinéma qui déplaît au pouvoir. Et ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère.

J’aime leur cinéma. « Synonymes » de Nadav Lapid  appartient au cinéma Israélien,  qui est souvent un cinéma fort et très émotionnel, à l’image de fox-trot.   

De Nadav Lapid,  je me souviens d’avoir présenté « l’Institutrice », j’avais beaucoup aimé ce film, je le trouvais vif. Je me souviens de l’importance des mots dans le film, ceux de l’enfant  Yoav, interprété par le très jeune Avi Shnaidman.  

Nous avions alors découvert le réalisateur, Nadav Lapid,  et nous avions compris que son film était largement autobiographique : Etre un enfant précoce, capable de lire, d’écrire des poèmes à 4 ou 5 ans, c’est lui. Et nous avions  aussi compris la distance qu’il y mettait, il ne parle pas exactement de lui, il est son propre matériel. « Synonymes » comporte la même intention autobiographique distanciée et le personnage principal s’appelle lui aussi Yoav. 

Le Yoav de « Synonymes » est interprété par Tom Mercier dont les Inrocks disent ceci : « Ce qu’y accomplit le jeune comédien est inouï. Le cinéaste paraît s’émerveiller de la malléabilité sans limite, des potentialités burlesques et de l’aura érotique insensée de ce corps. À chaque scène, il invente de nouveaux défis pour, dans un même mouvement, le mettre en difficulté et le mettre en orbite, le rouler dans la boue et l’immaculer ». Nadav Lapid a trouvé l’acteur qui dégageait la même énergie que lui-même. Tom Mercier est un ex-champion de Judo, et un acteur de théâtre qui est habitué à jouer avec son corps plus qu’avec les mots. Autant vous le dire, avec « Synonymes » vous êtes sparring-partner sur un ring de boxe.  

Au commencement, un homme marche vite dans les rues de Paris pour se rendre dans un immeuble haussmannien. La caméra portée le suit, ça bouge, tremble, on a l’impression qu’il a été saisi au hasard, que la caméra court derrière lui.  

Il entre dans un appartement grand, vide et froid. (L’image se stabilise et devient parfaite). Il l’arpente, va d’une pièce à l’autre, à la fois décidé et fébrile. C’est Yoav. Il a froid, très.  Il se déshabille et se réchauffe avec le jet d’eau dans la baignoire.  Quand il sort, tout ce qu’il avait, ses vêtements, son sac ont disparu. Panique,  il sort, descend les escaliers à la poursuite dérisoire du voleur,  va jusqu’à la porte d’entrée, remonte, frappe à toutes les portes, nu, il appelle. Silence, partout. Comme dans un mauvais rêve. Il rejoint la baignoire, il ouvre l’eau pour ne plus avoir froid…Ainsi commence le film. 

Nadav Lapid a vécu deux ans et demi à Paris, comme Yoav, il y a débarqué sans le sou. Et on comprend cette tentation elle fut celle d’E. Hemingway, d’H. Miller, de G. Orwell et de bien d’autres. Yoav vient à Paris pour oublier Israël. Et on le voit apprendre, mâcher les mots d’un dictionnaire des synonymes, comme des bons plats, lui qui ne se nourrit que pour la valeur d’un euro vingt-six par jour (spaghetti, tomates en dés). Il s’empare de la langue française à  y perdre son hébreu. (Comme son grand-père a renoncé au Yiddisch en Israël, il renonce à l’Hébreu en France).

Juif errant, aux mots tout droit sortis du dictionnaire de Français, Yoav dit à Emile (Quentin Dolmaire), Israël est un pays méchant, obscène, hideux, vieux, sordide…Qui lui répond : aucun pays ne peut être tout ça à la fois !

Mais, Israel est contenu dans Yoav, et Israël le rend fou ! Renoncer à son identité est une tentative séduisante et perdue d’avance, une façon d’y penser sans cesse pour se dire qu’on la rejette. Et dans ce genre de combat contre soi, on voit reparaître ce dont nous sommes faits, nos faits et gestes oubliés. Ici les ombres du passé sont ombres militaires, celles de la guerre au Liban et de l’état de guerre en général, de sa fureur et de sa folie. Ombres d’un militarisme dont il fut fier et dont d’une manière ambivalente, il veut se déprendre. Et dans ce Paris-là, il retrouve des agents de sécurité de l’ambassade d’Israël qui ne parlent qu’hébreux et à qui il ne répond qu’en français, des gens avec qui il partage l’expérience d’avoir été guerrier et qui n’en sont jamais vraiment sortis, le peut-on ? En voulant oublier sa langue, Yoav fait une tentative de résilience, mais elle est vaine.

Au fur et à mesure, dans Paris, lui qui ne voyait que des différences, ne voit à l’usage, que des similitudes, il commence à discerner sous les traits de la « vieille dame » des desseins connus. Il voit les synonymes. (Me viennent à l’esprit « les cours d’intégration » aux immigrés et l’apprentissage de la Marseillaise !  Professeur : Léa Drucker).

Synonymes est une histoire de vie avec  ses pulsions, ses amitiés, ses tourments,  et ses absurdités.  Le film donne envie de paraphraser Alphonse Allais, « tout mène à tout sortir à condition d’en sortir » ! 

Pour  » Synonymes » la revue Transfuge dit que Nadav Lapid est à  la fois « chorégraphe, sculpteur, philosophe et cinéaste ».  Rien ne me semble  plus juste. J’ajouterai que c’est aussi un conteur qui nous dit qu’entre l’ici et l’ailleurs, il n’y a pas tant d’écart. Et il nous propose donc d’être de partout. En somme de ne pas être nationaliste.

Georges

PS 1 : Le co-scénariste est Haïm Lapide, le père de Nadav, ils ont, à ce que j’en ai lu,  une belle complicité artistique et politique. Bien que Nadav soit plus absolu.

PS 2 : Mon ami Hervé écrit ceci que je vous livre : « En opposant systématiquement tous les antagonismes quelle que soit la scène – l’amitié, l’amour, la violence, les corps, les sentiments, la culture, l’éducation – il interpelle avec violence tout ce qui constitue l’individu, tout ce qui l’identifie, tout ce qui l’oblige et le contraint, et ce à quoi il ne peut jamais renoncer. C’est à la fois assourdissant et angoissant, car on ne peut se libérer de rien. On en ressort vidé, comme le héros Yoav si admirablement bien joué, vidé par un combat physique, mené contre chaque pan des espérances et des désirs, dont le sens se perd dans des formules qui extirpent ce qui resterait de certitudes. Même la musique n’est pas absente de ce stratagème de la déconstruction. On ne peut pas appartenir à un monde qui n’est plus. Ce film repose les limites des appartenances. Il dissout l’image d’une identité construite dans le creuset nationaliste, une notion idéologisée par une bourgeoisie qui en a depuis longtemps quitté le terrain et dont elle s’efforce de faire renaître en vain le mythe, espérant y soumettre les peuples sous son égide réinventée ».

PS 3 : Je tombe sur un petit livre d’Hannah Arendt, « nous autres les réfugiés ». (très beau, pas cher!) Elle y (re) parle du paria juif qui ne peut nulle part se sentir chez lui. Yoav renvoie à sa manière à la définition de H.A.

C’est ça l’AMOUR de Claire Burger

C'est ça l'amour : Affiche

Variation sur le thème de l’amour.
Quand on quitte le film, on aime les personnages, on les connaît et on ressent l’amour puissant qui les lie.
« Toute ma vie, c’est vous aimer »
C’est le « vous » que Mario, à ce stade de sa vie, va devoir revoir. Pour lui-même et pour ceux qu’il aime. Changer en mieux, changer en plus grand, pour lui et pour les autres. Élargir et ouvrir son cœur, pour que ceux qu’il aime déjà s’y sentent bien et que d’autres s’y nichent.
C’est montrer cet éveil à soi qui était le plus casse-gueule et c’est particulièrement bien réussi.

Scénario très bien écrit, comédiens épatants ! et j’ai aimé voir, ce qu’on voit rarement au cinéma, que, chez les gens simples aussi, la Culture est une évidence au quotidien, qu’elle est tissée dans la trame des jours.

Présenter un film et animer le débat … Pas simple .
Mais faire des recherches en amont, grâce à internet, ça, c’est vraiment top ! On tire un premier fil et on déroule. Les interviews, les extraits, les articles, les musiques …

Grâce à « C’est ça l’amour » j’ai fait la connaissance de Geminiano Giacomelli (1692-1740)  qui, pour Carlo Brochi, plus connu sous le nom de Farinelli, le plus célèbre des castrats, composa pour son opéra La Merope en 1734, l’aria « Sposa non mi conosci ».
A l’époque, le succès des castrats était tel que parfois, le nom du compositeur restait dans l’ombre et Vivaldi (1678-1741) reprit cette aria un an plus tard (pratique courante à l’époque) dans son opéra Bajazet en 1735, en adaptant les paroles « Sposa, son disprezzata »
Dans le film, c’est la version Vivaldi par Cecilia Bartoli.

Depuis j’écoute cette aria dans ses 2 versions et ses multiples interprétations. Un bonheur.

C’est ça aussi, le cinéma

Marie-No

Anémone (1950-2019)

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Anne avait joué au cinéma dans le rôle titre du film de Philippe Garrel « Anémone ».
C’était sa première fois et ce nom lui allait si bien, qu’elle le garda pour 70 films, 20 pièces de théâtre et pour le reste de ses jours.
Longtemps pressée « de rire de tout de peur d’être obligée d’en pleurer »,  elle semblait depuis avoir laissé l’amertume creuser son lit dans le vague accueillant de son âme.
Troublante, désopilante, triste, désenchantée, belle, détachée, si attachante, Anémone était hors champ, hors circuit et l’éclairagiste de la vie ne semblait plus être très drôle.
Absent mais présent quelque part, le sourire inquiet de son regard perdu reste et nous reste..