Vu en prévisionnement : A perfectly normal Family-Malou Leth Reymann

A perfectly normal Family est un premier film (1h33) de la Danoise Malou Leth Reymann.

« Emma, une adolescente, grandit au sein d’une famille tout à fait ordinaire jusqu’au jour où son père décide de devenir une femme.
Ce bouleversement au sein de cette famille aimante conduit chacun à se questionner et à se réinventer ».

Il y a nombre films sur les changements de sexe, du travestissement au transsexualisme. Nous en avons vu certains aux cramés de la bobine ou ailleurs. Cette histoire là est bien différente, c’est d’abord une histoire de famille.

Nous sommes avec des jeunes gens, elle, bonne maman, lui, bon papa, bons époux dans une famille moyenne, sympathique et tranquille. Un jour, au début d’un repas, la mère jette : « Nous allons divorcer! ». Le père est gêné, ne tient pas à en discuter. Et la mère ajoute : « Votre père veut devenir une femme ! » -Regard interrogatif et inquiet des enfants devant cette incongruité !-

Tout est là, dans cette vérité explosive. C’est un film qui n’esquive pas le problème, ne s’en tire ni par l’humour, ni par l’érotisme, ni n’importe quel autre artifice, mais prend le sujet tel qu’il se pose d’une manière radicale, celui de l’identité. On devine la souffrance morale pour cet homme, on imagine sa vie et ce que représente concrètement ce point de passage où il a prononcé la chose et où il va assumer de devenir irreversiblement femme… Mais le film ne s’en tient pas là, « Lui » qui est devenu Femme a deux filles. Qu’est-ce que ça signifie pour elles, et plus particulièrement pour Emma, adolescente en devenir ?

Le film avance par touches légères. Dans cette histoire, les malentendus ne sont pas toujours où on les attend. C’est un film juste et concret sur la vie quotidienne d’après. Comment et à quel prix l’aménager ? Est-il possible pour cette famille de retrouver une distance acceptable pour préserver ce qui les lie et continuer de s’aimer ?

Soulignons un jeu d’acteurs très maîtrisé, parfaitement dirigé. Un très beau film!

Vu en prévisionnement : Vers la bataille de Aurélien Vernhes-Lermusiaux

Vers La Bataille : PhotoFilm français/colombien, 1h30
avec Malik Zidi, Leynar Gomez
sortie nationale prévue le 22 juillet 2020

Synopsis :Vers 1860, Louis, un photographe, réussit à convaincre un général de l’armée française de l’envoyer au Mexique pour prendre des clichés de la guerre coloniale qui y fait rage. Sur place, perdu entre les lignes, toujours à contretemps, Louis est incapable de trouver les combats et de prendre le moindre cliché. Sa rencontre avec Pinto un paysan mexicain auquel il va lier son destin, va le conduire à découvrir, non la gloire et l’argent, mais un moyen d’affronter les fantômes de son passé.

Vu même deux fois en prévisionnement.
La première fois, pas préparée, comme débarquée, le contexte, cette guerre menée par la France contre le Mexique à la fin du XIXème m’a désorientée.
Il faut pouvoir écarter l’époque pour voir le film.
Alors, la deuxième fois, j’ai vu la recherche par un père, précurseur du métier de photographe de guerre, d’un fils disparu. La recherche du cliché inexistant, inaccessible et impossible, L’obsession de la mort de son enfant, l’encombrement illustré par ces kilos de matériel dont il se charge et qu’il porte vers la bataille, l’ultime bataille, sur son lent chemin de croix, vers sa délivrance. Vu comme il lui faut souffrir et persévérer pour atteindre ses fantômes.
Pas convaincue la première fois par le choix de l’acteur principal, Malik Zidi trop jeune pour le rôle bien qu’il en ait l’âge. Vue, la deuxième fois, la pertinence de ce choix qui tend à se faire confondre le père et le fils dans une même chair.
Les deux fois j’ai été happée par les images magnifiques, signées David Chambille (Jeanne, En attendant les hirondelles) et la musique contemporaine de Stuart A. Staples qui colle si bien aux émotions, aux sentiments de Louis dans sa bataille intérieure.
Film très intéressant. A découvrir en salle.

Marie-No

ADAM- Maryam Touzani

J’ai testé la bibliothèque numérique que nous propose Agorame en allant voir sur la Boutique  UniversCiné comment ça se passait. Nous avons droit à 5 ou 6 films par mois, gratuitement, en streaming ou téléchargement. Mais je ne sais pas jusqu’à quand. (tant que les médiathèques sont fermées ?…)

Adam, fut mon « coup de coeur » donc je me permets de vous en dire quelques mots. Ce n’est pas une critique de film.

  • Réalisation :  Maryam Touzani
  • Scénario : Maryam Touzani et  Nabil Ayouch
  • Récompenses : prix Agnès au FIFF de Namur 2019 et prix le Valois des Étudiants Francophones au  (FFA), Festival du Film Francophone à Angoulème
  • Maroc France Belgique

Présenté dans la sélection Un certain regard à Cannes, en 2019 et sorti en février 2020, je ne suis pas sûre que nous ayons eu le temps de le voir à Montargis.

Samia, une jeune femme enceinte, a quitté son village marocain afin de ne pas porter  honte à  sa famille. Presque à terme, elle erre dans la médina de Casablanca en quête d’un travail et surtout d’un toit. Elle offre donc des services de « bonne à tout faire » moyennant gîte et couvert, elle n’en demanderait pas plus.

Mais les portes ne s’ouvrent pas facilement, et découvrant son état, les personnes sollicitées sont réticentes à employer une fille de mauvaise vie.

Un soir Samia (Nisrin Erradi) frappe chez Abla (Lubna Azabal) ; à l’étage la jolie frimousse rieuse d’une petite fille de 8 ans, Warda, nous laisse espérer…Las, la maman dit qu’elle n’a besoin de personne.

Abla est veuve, encore jeune, mais murée dans une austérité qui lui sert de carapace, lui permet entre autres, de repousser sèchement les avances du charmant Slimani.

Samia s’apprête à passer la nuit dehors dans une encoignure de porte, juste en face de chez Abla.

Cette dernière a du mal à trouver le sommeil et finit par aller chercher Samia, non sans dédain et brusquerie, afin qu’elle dorme à l’intérieur.

L’ambiance rigide et monotone de la maison va s’en trouver perturbée. Le film avance tout doucement sur la relation des deux femmes, qui tentent de s’apprivoiser.

Les plans sur les visages comme des tableaux de Georges de la Tour, clair obscur dans une lumière dorée : de très belles photographies.

Je ne vais pas raconter le film, ce serait un frein à le découvrir.

J’ai apprécié la sobriété, la justesse des propos, la sensualité qui se dégage d’un simple éclairage sur la peau huilée du ventre de Samia, l’intelligence de coeur de la petite Warda.

J’ai admiré le jeu des deux actrices  dans le rôle de deux femmes blessées et courageuses.

Oui, sobre et juste.

Annick

Michel Piccoli 1925-2020

Michel Piccoli, né un 27 décembre, est mort ce 12 mai, à l’âge de 94 ans.

En 1943, à 18 ans, il décide que sa vie sera vouée au jeu et il peut commencer son itinéraire en 1945, la guerre finie, sur les planches avec Vitaly, Michel de Ré, Douking, J.M. Serreau, Sundström, Vitold, Jean Vilar, Barsacq, J.L. Barrault, Peter Brook, Boulez, Bob Wilson … et sur les plateaux avec Christian Jaque, Louis Daquin,GettyImages 607404800 Le Chanois, Delannoy, Renoir, Astruc, René Clair, Buñuel, Chenal, Lorenzi, Melville, René Clément, Godard,
Michel Piccoli : 90 ans d'une légende - Le PointAgnès Varda, Costa-Gavras, Alain Resnais, Peter Ustinov, René Clément, Jacques Demy, Nadine Trintignant, Michel Deville, Marco Ferreri, Cavalier, Clouzot, Hitchcock, Allégret, Claude Sautet, de Broca, Faraldo, Girod, Rouffio, Tavernier, Bertuccelli, Bellocchio,
Avec Michel Piccoli dans Mauvais Sang, un film de Leos ... Granier Deferre, Ettore Scola, Lelouch, Youssef Chahine, Claude Chabrol,
Doillon, Leos Carax,
Louis Malle, Jacques Rivette, Manoel de Oliveira, Ruiz, Bonitzer, Marcel Bluwal, Bertrand Blier, Elia Suleiman, les frères Larrieu, Bonello, Angelopoulos, Nanni Moretti, Thomas de Thier, Bertrand Mandico …
Vertigineux

Michel Piccoli a mené sa barque au fil des temps de sa belle vie de comédien, nous a accompagnés, plaçant des marques et des repères, des histoires et des images qui se proposent chacune leur tour, selon les jours, à nos mémoires.
Merci d’avoir existé, merci pour tout ce que vous nous avez donné, merci pour tout ce que vous nous laissez.

Marie-No

Le ciné de Dominique : Mission top Secret-Alberto Lattuada (3)

Mission top secret

            Le film d’Alberto Lattuada intitulé Mission top secret et dont la projection est prévue à 19h, est ainsi résumé dans la brochure de la Cinémathèque : « Un agent secret, qui possède un anneau d’invisibilité, part à la poursuite d’un génie du crime ».

            18h 45 : les portes de la salle Henri Langlois sont toujours fermées.

18h 50 : grand bruit dans la queue devant nous, un jeune homme est tombé, on l’allonge sur le dos, des membres de la sécurité arrivent, on fait le vide autour de lui, le jeune homme est immobile, il va très mal, une vieille bonne femme morbide remonte la queue pour voir, elle parle de pistolet électrique, elle non plus ne va pas bien mais elle c’est dans sa tête.

18h 55 : les portes s’ouvrent, c’est pas trop tôt.

19h 05 : ça commence.

Prisonnier de Chinois qui le prennent pour un espion, un journaliste américain est attaché à un truc qui tourne à toute allure. Les Chinois parlent couramment italien entre eux ce qui, on l’avouera, n’est pas banal. Le journaliste, qui répond au nom de Perry Liston, résiste à la torture et est jeté dans une geôle où se trouvent déjà un véritable espion (joué par Henry Silva) vicieux et un vieux chinois qui, avant de mourir, lui remet une bague qui peut le rendre invisible pendant 20 minutes toutes les 10 heures, grâce à quoi il échappe au peloton d’exécution, tout d’un coup on ne voit plus qu’un tas de vêtements sur le sol, car bien sûr chemise et pantalon ne bénéficient pas du même traitement… 

(d’ailleurs plus tard dans un taxi new-yorkais Perry apparaît dans un imper remonté jusqu’au cou, avec gants, lunettes de soleil et chapeau, tel Claude Rains dans le film de James Whale, mais comme il n’a pas bandé son visage il y a des vides entre le col, les lunettes et le chapeau, et le chauffeur lui jette des coups d’œil effarés)

… et il se réfugie chez une nana, il prend une douche, les robinets tournent tout seuls, et la nana est une espionne pour le compte des Américains (qui parlent italien entre eux tout comme les Chinois) et c’est comme ça qu’il se retrouve à New York où il est engagé pour retrouver un truc très dangereux (ce que c’est au juste je ne saurais le dire, une arme ? de vilaines bactéries ? en tous cas, c’est un liquide rouge contenu dans des fioles) détenu par un vilain très méchant, et comme par hasard c’est Donald Pleasance qui l’incarne. 

Et voilà Perry parti pour Londres où une espionne brune l’attend à l’aéroport  (Henry Silva, qui veut s’emparer de l’anneau d’invisibilité, lui a téléphoné -depuis la Chine ?-) pour le suivre en catimini, et où il reçoit l’aide d’Ira de Furstenberg qui marche avec les Américains et a réussi à faire partie du lot de belles filles dont aime à s’entourer Donald, lequel organise le soir même un combat de boxe, occasion pour Perry de le rencontrer.

Mais soudain voilà l’espionne brune qui atterrit dans la cour d’un château (d’où il sort, ce château ?) en deltaplane. Elle se coule dans la chambre de Perry qu’elle entreprend de séduire et qui se laisse faire sans trop rechigner (il enlève ses chaussettes). Pendant ce temps-là, Ira se glisse jusque dans la pièce où se trouvent un très très (nous sommes en 1967) gros ordinateur qu’elle veut faire disjoncter, un informaticien chargé de le faire fonctionner et un écran de surveillance de la chambre de Perry où il apparaît allongé sur son lit avec la brune. 

Arrivés là, ça fait déjà quelques minutes que les sous-titres ont disparu de la bande électrique sous l’écran (bon, ça n’est pas trop dur à comprendre mais quand même) et alors la lumière se rallume dans la salle, c’est la deuxième coupure depuis le début (il y en aura encore une autre, ce qui fera trois au total) et je me tourne vers JC que ce changement n’a pas réveillé, il dort comme un nouveau-né, et au bout d’une ou deux minutes l’obscurité revient.

Les préparatifs du combat de boxe annoncé battent leur plein, les paris vont bon train et Perry mise 1000 livres contre le champion de Donald, lequel se marre parce que le combat est truqué bien sûr, un de ses complices hypnotise le challenger, le rendant tout mollasson et incapable de rendre les coups qu’il encaisse. Mais Perry a l’œil ! Se rendant invisible, il subtilise la grosse épingle qui retient fermé le kilt d’un spectateur écossais et en pique les mollets et les fesses du champion, permettant à l’autre boxeur de reprendre ses esprits et le dessus et à Perry de gagner 10 000 livres. Donald fulmine. Comme il n’a pas une aussi grosse somme sur lui, il invite son créditeur à l’accompagner en hélicoptère dans son château en Ecosse.

Sur ce, l’espionne brune atterrit dans la cour du château en deltaplane et là, les bobines ayant été remises dans le bon ordre, tout redevient (si on peut dire) logique. Elle se coule dans la chambre de Perry etc. et Ira qui a tout vu sur l’écran se précipite à sa rescousse, on croit que c’est par jalousie mais non, elle a deviné que la brune prépare un mauvais coup, elle sauve Perry et tous deux vont ouvrir le coffre de Donald qui ne contient que de l’argent, pas trace des fioles rouges mais celle d’un coffre-fort dans une banque allemande. Par là-dessus arrive Henry Silva qui, on ne sait pas comment, a réussi à se libérer des geôles chinoises. Il sème la pagaille parmi les sbires de Donald qui le prennent pour Perry, lequel s’enfuit avec Ira en hélico.

En Allemagne, tous les indigènes parlent italien (sauf deux conducteurs de locomotives, on se demande bien pourquoi), celui de l’employé de banque mâtiné cependant d’un fort accent allemand, sans doute pour faire réaliste. Les talents conjugués de Perry et d’Ira leur permettent de voler la mallette aux fioles rouges et, après s’être donné rendez-vous dans le port de Hambourg, chacun essaie d’échapper aux tueurs de Donald qui ont retrouvé leur trace (c’est ainsi que Perry et ses poursuivants se retrouvent avec leurs voitures respectives sur les wagons d’un train de marchandise dont les conducteurs parlent allemand, voir en début de paragraphe).

Perry et Ira se retrouvent au point de rendez-vous avec les Américains qui arrivent sur une vedette rapide, mais qu’est-ce que cela ? les Chinois et les Russes apparaissent aussi. Il ne reste plus à nos deux héros qu’à jeter la mallette au fond du port afin qu’elle ne tombe pas dans de mauvaises mains, ce que voyant Donald, entrant dans l’eau tel James Mason dans Une Etoile est née, se suicide avec beaucoup de dignité et Perry jette aussi sa bague, laquelle est récupérée par un individu dont nous ne connaîtrons pas l’identité (Donald ?), on ne voit que ses mains et le doigt sur lequel il l’enfile (prémices d’un deuxième opus ?).

                                                                                             Jeudi 14 février 2019

Le Ciné des Cramés de la Bobine

Amis Cramés de la Bobine, bonjour,

Cette semaine vous avez pu lire l’extrait n°2 du journal de Dominique, dont Marie-No souligne la drôlerie, le détachement ironique et tendre sur les films. Annie ajoute c’est le billet d’une cinéphile dont le naturel nous laisse sous le charme. (Le n°3 sera pour dimanche).

Pour notre plus grande joie, Claude revient avec un film qu’il a aimé revoir « Tous les matins du Monde » d’Alain Corneau, « un film austère et chaleureux » nous dit-il. Claude nous livre un commentaire qui donne envie de voir ou revoir ce film.

Les prochaines sorties cinématographiques :

Marie-No a vu pour nous en prévisionnement Family Romance de Werner Herzog, je ne suis pas sûr qu’elle ait adoré ce film !

Martine P nous parle de « Énorme un film de Sophie Letourneur », elle a su saisir ce film curieusement composé…

Georges a vu Antigone de Sophie Deraspe un film Canadien, très actuel, comme tous les mythes. Un  grand premier film.

A la semaine prochaine.
Bon et prudent déconfinement, Amitiés

Georges

Vu en prévisionnement : Antigone de Sophie Deraspe

Antigone  de Sophie Deraspe est un grand premier film. La tragédie est  ici transposée à notre époque et au Quebec. Rappelons-la : Antigone est la petite dernière de Jocaste et Œdipe, une famille est en proie à la malédiction. Elle a trois frères et sœur Ismène, Etéocle, et Polinyce. Nous en sommes au moment où Polynice combat contre Etéocle son frère dans une guerre aux Portes de Thèbes, tous deux se blessent à mort et alors ?

« Créon décide que Polinyce sera laissé « aux bêtes et aux oiseaux de proies » et il punira de mort qui lui désobéira. Antigone n’accepte pas. Elle le fait inhumer sur sa terre natale.

Créon : Tu connaissais mon édit ?

Antigone : Oui

Créon : Et tu as transgressé la loi ?`

Antigone : Ta loi n’est pas celle des Dieux, ni de la justice. Les lois non écrites, qui nous viennent des Dieux, ne sont ni pour hier, ni pour demain, mais pour tous les temps. »(1)

ANTIGONE transpose la tragédie grecque à l’époque actuelle et au Québec : Sur fond de drame familial pendant la guerre civile en Kabylie et le meurtre de ses parents vécu par Antigone à l’âge de trois ans, elle vit donc au Québec, c’est une bonne élève, peut-être pourra-t-elle devenir Canadienne à sa majorité, si elle en fait la demande,  du moins, peut-elle valablement l’espérer. C’est une superbe adaptation libre, moderne,  actuelle. L’actrice principale Nahema Ricci est à la hauteur de son personnage, avec son regard,  beau et courageux, on imagine qu’Antigone de la mythologie grecque ne pouvait pas en avoir un autre. Le Québécois colle bien à ce drame, lui donne sa note familière et dépaysante. C’est une réussite. Nous assistons aux naissances d’une grande réalisatrice qui est aussi scénariste, photographe, et à celle d’une une actrice puissante et juste.  Sur la plateforme d’échanges, l’ensemble des spectateurs  était séduit et enthousiaste. Un film à voir et revoir ! 

Note : (1) La mythologie d’Edith Hamilton édition Marabout1992

Vu en prévisionnement : Enorme de Sophie Letourneur

Synopsis : Ça lui prend d’un coup à 40 ans : Frédéric veut un bébé, Claire elle n’en a jamais voulu et ils étaient bien d’accord là-dessus. Il commet l’impardonnable et lui fait un enfant dans le dos. Claire se transforme en baleine et Frédéric devient gnangnan.

Peut-être aurons-nous à la reprise des cinémas le film  ENORME de Sophie Letourneur.
Frédéric, un mari dévoué et Claire, pianiste professionnelle , n’ont jamais voulu d’enfant. Un beau jour c’est lui qui a un besoin irrépressible d’enfant et trafique la pilule de Claire qui tombe enceinte sans le savoir, Claire se transforme en baleine et Frédéric devient un père-poule avant l’heure.
La première heure du film est une comédie légère, rapide, loufoque, l’humour est décalé et fait mouche grâce aux comédiens: Jonathan Cohen et Marina Foïs, tous deux excellents.
On se demande comment ils vont se sortir de ce cauchemar pour elle, de ce rêve pour lui. Puis le film donne lieu à des situations plus graves où chacun cherche sa place dans le couple et la parentalité. Le milieu hospitalier qui les entoure permet de beaux portraits de soignants; tous ne sont pas des acteurs professionnels, c’est ce qui est encore plus intéressant et nous permet de retomber sur terre: la légèreté fait place au réalisme. La comédie devient tragi-comédie mais l’émotion est présente et les situations touchantes.
Voici, un film original digne d’intérêt et facile d’accès par plusieurs entrées possibles.

Vu en prévisionnement : Family Romance LLC de Werner Herzog

Family Romance, LLC : Affiche

Film américain, 1h29
sortie nationale prévue :  19 août 2020

Synopsis : Perdu dans la foule de Tokyo, un homme a rendez-vous avec Mahiro, sa fille de douze ans qu’il n’a pas vue depuis des années. La rencontre est d’abord froide, mais ils promettent de se retrouver. Ce que Mahiro ne sait pas, c’est que son “ père ” est en réalité un acteur de la société Family Romance, engagé par sa mère.

Werner Herzog nous fait visiter Tokyo : les cerisiers en fleurs, le pédalo-cygne rose sur le lac de l’Inokashira Onshi koen, les prédictions sur petits papiers flottants au vent, les moineaux familiers, Skytree, le shinkansen, les lampions, les robots humanoïdes, les poissons robots, l’oracle etc … etc …
Au fait, c’était pas une fiction, ce film ? Il n’y avait pas une histoire ? Si, si, mais alors vite fait. Le sujet c’est Tokyo et ses drôles d’habitudes, le mal être et la solitude des tokyoïtes qui sont peu ou prou rattrapés par le monde virtuel où on s’invente des vies, où on n’a plus besoin d’épées en vrai pour se faire hara kiri. Intéressant et de belles images bien sûr, certaines vues du ciel, Werner Herzog se laissant tenter par le drone …. les cerisiers, les passages piétons, c’est beau ! Des scènes et des sujets de réalité fiction se détachent comme avec la petite Airi, peau trop foncée, cheveux frisés, ostracisée ou encore avec le manager de l’hôtel qui se demande très sérieusement ce qui se passe dans la tête de ses « hôtesses » entourées de poissons aussi robots qu’elles, ou aussi celle de l’animalerie : à Tokyo les hérissons n’ont pas de puces et sont nourris avec une pince à épiler !
Et la fiction … Pourquoi Werner Herzog a-t-il voulu faire entrer une histoire dans son documentaire ? M’est avis que ça aurait été mieux sans car il en résulte un drôle de film bancal. Côté acteurs, si Ishii Yuichi s’en sort bien dans le rôle du père, Mahiro Tanimoto dans celui de la fille ne m’a pas convaincue. Il aurait fallu qu’elle crève l’écran. Mal dirigée dans un rôle pas suffisamment écrit ?
Pas pu m’empêcher de penser à ce que Kore Eda aurait fait de ce scénario.

Marie-No

Quel est votre film préféré ? aujourd’hui Tous Les Matins du Monde d’Alain Corneau (1991)

            « Tous les matins du monde sont sans retour ». Il est des phrases, ainsi, qui nous hantent, telles ces « trois petites notes de musique » d’Henri Colpi fredonnées par Yves Montand, ou l’entêtant leitmotiv de « Demain dès l’aube » de Hugo pleurant Léopoldine, de « L’invitation au voyage » chère à Baudelaire : « Là tout n’est qu’ordre et beauté / Luxe, calme et volupté ». Un leitmotiv associé au roman épuré et austère de Pascal Quignard, au film dur et émouvant 6 fois césarisé en 1992 : je l’ai revu il y a quelques mois, en avril 2019, à la mort de Jean-Pierre Marielle, qui campait le musicien Sainte-Colombe et sa viole de gambe, sa septième corde divinement (ou prétendument ?) ajoutée. Un Jean-Pierre Marielle tout en brusquerie, en misanthropie véhémente, où le cabotinage et le second degré, l’ironie truculente de ce grand acteur s’absorbaient dans la douleur inapaisée du deuil, la pureté incorruptible de l’art, dans une nécessité intérieure inexpliquée et impérieuse − cette exigence musicale et intellectuelle, ce perfectionnisme ombrageux qu’il transmettait farouchement à ses filles, Madeleine et Toinette, mais déniait à son disciple Marin Marais, trop habile, si courtisan, et opposait à l’abbé Mathieu ou M. Caignet, envoyés du roi lui faisant miroiter reconnaissance versaillaise et gloire artistique…

« Tous les matins du monde sont sans retour ». Cette phrase scande le film et ouvre le chapitre 26, l’avant-dernier du livre – Sainte-Colombe a vieilli et reste cloîtré dans sa cabane, avec sa musique : elle me fascine et me hante. Comme l’écho attardé d’une musique lancinante, les Pleurs de Sainte-Colombe pour sa femme adorée, ou cette Rêveuse composée par Marin Marais pour Madeleine. Tous les matins du monde comme cette plénitude angélique de la Troisième leçon de ténèbres de Couperin, plénitude spirituelle, immatérialité pourtant frissonnante de la musique qui apaise et enivre tout à la fois…Tous les matins du monde comme l’évidence étonnante d’une aube toujours recommencée, toujours nouvelle, et pourtant  à jamais impossible. 

« Tous les matins du monde sont sans retour » comme un chiasme entêtant, une dissonance pourtant euphonique, une étrangeté grammaticale aussi, entre le bonheur total (tous les matins nous enchantent) et le désespoir d’une vie qui n’a plus de sens, qui frappe le réel de nullité (aucun matin ne reviendra). Comme une plénitude refusée, l’absolue singularité et fugacité du bonheur enfui, sans retour. Un écho inapaisé, comme la douleur de Sainte-Colombe d’avoir perdu son épouse, d’avoir dû élever seul ses filles, comme le désespoir amoureux de Madeleine délaissée par le frivole Marin Marais à qui, pourtant, elle a tout appris de la musique, en cachette, alors que son père ne voulait plus lui donner de cours et avait même brisé de rage l’instrument de cet élève brillant mais sans âme qui dirigera l’orchestre de chambre du Roy. Cet homme à qui elle s’était donnée sans retour, à qui elle offrait tous les matins du monde…Ô la scène où Madeleine, superbe Anne Brochet, qui se laisse littéralement mourir de chagrin, reçoit enfin la visite de Marin Marais, un Depardieu cynique et bedonnant : presque nue et décharnée, elle s’arrache à son lit, s’agrippe au musicien, lui jetant au visage sa rage et son dégoût lucide de femme oubliée : « Et dire que j’aurais aimé être votre épouse ! ». « l’amour que tu me portais n’était pas plus gros que cet ourlet de ma chemise ». Tous les matins du monde scandent cette scène d’amour et de mort, de passion et de désespoir dont la pensée et les images me bouleversent encore − cette scène qui avait tellement gêné mes étudiants de BTS, dans un curieux rire d’auto-protection… Madeleine se pendra au baldaquin de son lit.

Tous les matins du monde comme une quête sans fin de la perfection, comme la solitude créatrice, comme le fantôme de la chère disparue dont la musique magique appelle et évoque le retour. Tous les matins du monde comme la peinture aussi : Sainte-Colombe a fait peindre par Lubin Baugin la table (portant un verre de vin, une bouteille clissée et une assiette d’oublies) derrière laquelle l’apparition s’assied pour l’écouter jouer : Le Dessert de gaufrettes. La nature morte, si vivante pourtant, dont l’art célèbre le retour.

Tous les matins du monde comme un film austère et chaleureux, sur le temps, la triste réussite et le superbe refus, l’âme tremblante et le corps crucifié, comme un clair-obscur, un tableau du maître Georges de La Tour (dont Pascal Quignard est si friand), une qualité d’âme et de lumière qu’il faut savoir capter. Comme une aube blafarde, dont on voudrait suspendre la palpitation sans retour.

https://youtu.be/psXvvUVLhzU

Claude