La loi de Téhéran- Saeed Roustayi

De la loi de Téhéran, premier thriller iranien de Saeed Roustayi, Eliane nous dit que le réalisateur a dû déjouer la censure à tous les étages.

On comprend que les censeurs se soient sentis investis dans leur mission. « La loi de Téhéran » fait emmerger une réalité iranienne, celle d’un fléau: le crack (6, 5 millions de personnes touchées) soit 7 % de la population. Le synopsis nous indique qu’en Iran, toute personne porteuse de crack à partir de 30 grammes est passible de la peine de mort. Et si le film montre le mécanisme implacable et… dérisoire de la répression, il dit aussi pourquoi et plus que tout, c’est intolérable pour le pouvoir en place de le montrer a un public, celui de l’Iran ou l’international.

Ce qu’on nous montre c’est une stratégie de chasse aux pourvoyeurs. La police motorisée encercle un bidonville sordide (du jamais vu sous cette forme) où vivent entassés dans un dénuement misérable, une population d’hommes et femmes addicts, et enfants de tous âges. Elle les arrête en masse. C’est rapide, c’est brutal, c’est presque documentaire. Il en résulte une course-poursuite qui se termine par une scène de cauchemar.

L’objectif est simple, menacer, brutaliser, faire chanter pour obtenir des noms de dealers. Tous ces ingrédients, les polars habituels les contiennent déjà, ce qui fait la différence ici, c’est l’action de masse, avec sa cruauté spécifique. La population arrêtée est alors dénudée, comme réduite à l’état d’un bétail en route vers un abattoir industriel. Puis la partie continue en escalier, coincer des dealers, les menacer, les brutaliser, les faire chanter, obtenir le nom des gars au dessus et ainsi de suite. Chacun des spectateurs pense alors aux représentations des camps de la mort, ça fonctionne de la même manière, d’abord la volonté d’humilier et de détruire la dignité. Vient ensuite l’entassement dans des cellules où l’on peut à peine se tenir debout, promiscuité, chaleur, soif, besoins naturels… L’emprisonnement est une torture.

Bien sûr on va finir par trouver des preuves et de la marchandise (6 kg de crack) des coupables vont être identifiés, jugés et punis. Plus tard, on verra une autre scène effarante, elle commence par des prisonniers qui sortent hébétés dans la lumière d’une vaste cour de prison, des soldats y sont installés, en rangs serrés, c’est une scène réglée comme un ballet, presque surréaliste.

Ce film comporte des scènes insolites, son rythme est vif, les acteurs sont prenants, et il y a un message. La manière dont il est délivré est implacable. Il montre la discordance entre les moyens utilisés pour chasser le crack et les résultats dérisoires obtenus, il montre la misère, ceux qui en profitent (d’une manière nuancée) et la violence répressive institutionnelle qui tient lieu de réponse politique.

Avec ce genre de cinéma, les Dictateurs devraient être pris de doutes : changer, se dire on s’est trompé on arrête tout… où alors censurer, réprimer davantage, se méfier davantage du cinéma, on connaît leur choix.

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