Bergman Island- Mia Hansen Love

Petit rappel, ce blog est fait pour tous ceux, dont je suis, qui ont l’esprit de l’escalier. Et parfois, l’escalier n’est peut-être même pas le bon !

Jeu de miroirs

…Et j’étais parti comme beaucoup pour trouver ce film plat. A n’y voir qu’empilement de récits dans le récit : Un couple d’artiste Chris et Tony arrive sur cette île où Bergman a vécu. Il y a sa maison l’endroit où il habitait, son lit, « le lit des divorces », et puis la dame qui les accueille rappelle que « scènes de la vie conjugale » tourné ici a occasionné moult divorces. Mais ce couple, lui plus vieux, et elle si jeune présente toutes les garanties d’amour. Il est célèbre, elle l’aime et l’admire, elle est belle, fraîche et artiste, il l’aime sans réserve.

Ils sont venus là pour écrire, lui pas de problème, ses carnets s’emplissent de notes, il est reconnu, il donne des conférences. De son côté, elle sèche, elle n’a pas d’idées, elle sèche, et lui ne bouge pas. Un jour, Chris tient la dernière partie de son film, elle la raconte à Tony, elle ajoute :  je n’arrive pas à trouver une fin. Tony l’invite à la chercher ou à renoncer.

Après quelques tranches des vies de Bergman puis celle de Chris et Tony, s’ouvre celle des personnages imaginé par Chris : Amy et Joseph. C’est une histoire banale, ils se sont aimés, perdus et revus et aimés de nouveau, la première fois c’était trop tôt, la seconde trop tard. D’ailleurs Amy a un enfant et elle aime aussi son mari. Banal, encore faut-il trouver une fin. Cette histoire, imaginée par Chris, les amateurs de Mia Hansen Love la connaisse, elle est dans son film  » Un amour de jeunesse ».

On peut imaginer ce qui se joue dans cette tresse de récits que constitue Bergman de « Scène de la vie Conjugale », « Chris et Tony », « Amy et Joseph »). Ce qui se joue, c’est le couple Chris, Tony, on nous en avertit métaphoriquement en début de film, par Bergman interposé puis d’une manière plus appuyée avec la chambre des divorces. Au fond Chris ne sèche pas tant que ça, elle a une histoire dans la tête qui l’empêche d’avancer, une histoire qui serait aussi celle de sa propre vie.

Elle n’arrivait pas à trouver la fin ?  Surtout, elle n’arrivait pas à avouer une autre fin, celle de son histoire avec Tony. Et Tony ? Le savait-il ?  Oui, en silence. Il faut réexaminer, reconsidérer la neutralité frustrante de Tony concernant le travail de création de Chris, il se montre sourd à ses demandes, sa « non-assistance » oblige Chris à son risque d’auteur et d’épouse.  

Bref ce film serait un peu l’histoire d’une « non scène de la vie conjugale » ou ‘une scène à bas bruit… pourtant décisive. A la fin du film, elle aperçoit June son enfant qui arrive en courant vers elle, elle l’embrasse avec tendresse et bonheur… tout ne se défait pas, pas plus l’amour qui fut, dont l’enfant témoigne, la vie continue. 

Ce film approche d’assez près, d’une manière allusive, la fin de l’histoire de Mia Hansen Love avec Olivier Assayas qui fut quinze ans son époux. Alors ce film n’est pas une tresse à trois brins mais à quatre. On imagine bien qu’avec sa mise en scène complexe, avec son scénario, fait de mises en abîme, de correspondances, d’allusions et de transpositions, ce film confidentiel risque bien de compter parmi les films qu’on voit et revoit parce qu’il est subtil et qu’on ne cesse d’y découvrir des choses….

Scène de la Vie conjugale Ingmar Bergman

Cette image ci-dessus, on la retrouve en clin d’oeil avec le couple Chris-Tony (hélas, impossible à trouver dans la banque d’images)


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