« Pour l’enregistrement de son nouvel album, la chanteuse d’origine angolaise Lúcia de Carvalho entreprend un voyage à travers le monde lusophone (Portugal, Brésil, Angola). Mais ce projet de disque est avant tout l’occasion d’une aventure personnelle pour Lúcia, un pélerinage sur les traces d’une identité morcelée, à la recherche de ses racines. Sous l’œil du réalisateur Hugo Bachelet, l’artiste strasbourgeoise d’adoption livre un parcours sincère et touchant, exemple rayonnant de métissage culturel heureux »
En ce moment à l’Alticiné! (et hier soir en présence du Réalisateur)
J’avais été attiré par la bande-annonce de ce film, l’atmosphère, les chansons, la musique, les couleurs, et les rencontres humaines qu’elle laisse entrevoir. Bref, j’avais été attiré par le côté chatoyant du film. Et c’est mieux que ça.
Comment décrire ?
Comment raconter ?
Comment regarder ?
Restituer ce qui fut ?
Se demandait Georges Perec dans Elis Island.
Il y a des fictions qui sont de bons documentaires et des documentaires qui sont de belles fictions. Kusola est un documentaire qui invite aux récits, qui oblige les spectateurs que nous sommes à imaginer là où les choses ne sont pas dites, bref une invite à faire du spectateur un inventeur de fictions, à se faire son cinéma.
Kusola nous montre Lucia, une jeune française, alsacienne, angolaise d’origine, adoptée par Richarde alors qu’elle avait 12 ans.
À un moment de sa dure vie, Maé songe que ses filles seraient mieux ailleurs, que leurs vies seraient plus heureuses et plus dignes dans cet ailleurs. Et elle abandonne ses trois filles à Richarde, une Alsacienne. Et ces trois filles transplantées vont devenir.
Hugo Bachelet, le réalisateur de Kusola choisi de nous montrer Lucia, l’une des trois sœurs, une jeune femme chanteuse.
Et c’est toute l’astuce de son film de ne jamais traiter ce sujet de l’identité de Lucia frontalement ou de manière intrusive, et de nous la montrer dans l’exercice de son art, Lucia, nous la voyons, nous l’entendons chanter, avec joie et amour, partout.
Alors que fait-elle ? Elle voyage, en France, au Brésil, au Portugal, et dans ce petit village angolais, où elle se baigne dans le dialecte de son enfance, comme naguère dans le portugais ou le français. Et elle chante, sa musique trace ses ponts entre les continents et les hommes. Elle emprunte aux sambas de Baïa et aux chants africains.
Elle retrouve sa mère « génitrice » et sa grand-mère. Elle est superbe cette petite grand-mère. Et dans cette séquence joyeuse, tragique et sentimentale, la juste note, ce qu’il faut de non-dit.
Mais si Kusola nous parle de la séparation et de retrouvailles, il nous parle aussi de la recherche des racines. Et ce qu’il y a de formidable dans ce film c’est que Lucia découvre ou nous fait découvrir que ce n’est pas seulement en plongeant dans ses racines qu’on retrouve son identité, cette identité se construit aussi à la manière des rhizomes, en cheminant à l’horizontal, c’est-à-dire dans la vie ici et maintenant et dans le monde. Et c’est dans ce monde, qu’elle trouve la réponse à ses interrogations, qu’elle se console peut-être et peut exprimer sa joie.
Ce film il faut le voir pour Lucia et sa musique, et aussi pour voir la vie en oeuvre. Autrement dit, voici cette autre image, la chanson de Pierre Barouh dans son disque « Pollen » : « nous sommes qui nous sommes, et tout ça c’est la somme du pollen dont on s’est nourri ». Lucia une Femme Monde.
Pour Ecouter :