Une Valse dans les allées de Thomas Stuber

On ne voit pas souvent des films allemands. Et mardi dernier, j’ai revu pour la seconde fois  « une Valse dans les allées », je l’avais vu en août à Fontainebleau. J’en avais dit quelques mots dans le blog :

 « Une valse dans les allées », un film de Thomas Stuber, avec Franck Rogowski (Christian)  que les cramés ont pu voir dans Victoria et Sandra Hüller (Marion),  l’actrice principale  de Toni Erdmann. Un film qui se passe dans un supermarché discount au milieu de pas grand-chose, parking, banlieues lointaines. C’est une histoire d’apprentissage, celui de Christian et une histoire d’amour pudique et chaste. Une Valse montre la manière dont le travail et son lieu affectent, absorbent, déterminent sa vie. Le supermarché  c’est une famille où la parole est rare (mais signifiante) et  grande la solidarité, y compris pour  les petites transgressions. Un film objectif, délicat et beau,  que ne verront peut-être pas les employés de supermarché discount,  ni beaucoup d’entre nous  au demeurant, et c’est vraiment  dommage. »

Excusez-moi de reproduire mes notes, c’est surtout  pour la fin car  il y avait peu de monde pour cette séance. Dommage, est vraiment le mot qui convient. Ce Mardi, il y avait aussi la présentation de Maïté, et je vous le dis tout net, à vous qui n’êtes hélas pas venu, vous avez loupé la présentation de Maïté !

Ce film se déroule en 3 actes : Christian, Marion, Bruno. Je souhaite  m’arrêter sur ces personnages pris séparément. Il faudrait peut-être commencer par Marion.

Marion(Sandra Hüller) : Une modeste employée, elle n’est pas bien grande, elle est droite comme un i. Sa chevelure se termine par un petit bout de queue-de-cheval, tenue par un anneau élastique argenté. Elle a un beau sourire, elle est directe,  taquine, vive, elle a un franc regard. D’elle on sait peu de choses. Sa manière d’être est selon Klaus S, un cramé de la bobine qui connait ces choses-là, est typiquement allemande de l’est. Marion est généralement estimée. Bruno  a quelque chose de paternel et protecteur envers cette femme, il met en garde Christian, une autre employée fera de même, d’une manière plus explicite, « ne fais pas de mal à Marion » lui dit-elle.

Marion, un jour disparaît. Malade ? Elle reviendra quelques semaines plus tard, sans sa petite queue-de-cheval, et bien coiffée.

Nous ne dirons pas pourquoi elle a disparu, sachons simplement que nous verrons furtivement la maison de Marion par les yeux de Christian. Cette maison nous dit des choses sur  la vie de Marion. D’abord, elle est moderne, confortable et clean, le blanc domine. Au mur des sérigraphies « design » impersonnelles. Ce n’est pas une maison de sa condition, ni une maison conviviale, cette maison ne lui ressemble pas. Disons qu’elle y vit. Son mari doit être un genre de cadre. Sur la table de bureau de Marion, un puzzle qui représente l’ailleurs, des palmiers.  Cette maison suinte l’ennui et la solitude. Non vraiment Marion existe dans l’hypermarché.

Christian,(Franz Ragowski)  un regard intense, un beau visage avec une lèvre supérieure qui porte les séquelles d’une légère fente palatine. (Pour qui a vu le superbe film, Victoria de S. Schipper, 2015, il incarnait Boxer). Il est tatoué, sur les bras, dans le dos. Ses gestes sont timides, empruntés,   il rentre ses épaules, marche la tête en avant, ses bras ne  balancent pas. Il évite de parler, on sent qu’il n’aime pas ça. Avec ses stigmates, tout en lui indique la soumission, tout indique aussi  une résistance, une tension, un projet. Il est présent aux autres.  Il devient l’apprenti de Bruno,  manutentionnaire et peut-être futur cariste. C’est un élève obéissant, respectueux et appliqué. C’est vrai qu’il regarde Marion qu’il fait attention à elle. Peut-être depuis leur première rencontre en est-il secrètement amoureux. Peut-être aussi qu’il l’est devenu progressivement ? En notre époque Me Too, l’amour courtois existe encore, vous savez cet amour chevaleresque, absolu et interdit des chevaliers servants pour leurs belles. Christian, vise aussi à accomplir une nouvelle destinée : travailler sérieusement, aujourd’hui et toujours- pas de vagues-  En somme, tendu vers le plus difficile, ne pas avoir d’accident de la vie.

Bruno (Peter Kurt), c’est l’ancien. Le vieux de la vieille, respecté qui connaît son affaire. L’arrivée de Christian par laquelle nous faisons sa connaissance nous montre un homme bourru. Et c’est Christian qui nous fait découvrir le caractère de Bruno. Bruno, méfiant,  acceptera Christian qui est une sorte de menace. Ne chercherai-ton pas à le remplacer ? Parce que Christian ne pose pas de question, ne cherche pas à sympathiser, fait montre de  bonne volonté et d’application, ils vont s’entendre.

Bruno apprend le métier  à Christian, les petits gestes économes, par exemple récupérer et enrouler la ficelle d’emballage, ça peut servir ! (Notez bien ce détail). Bruno est nostalgique des temps benis où il était chauffeur-routier. Il se construit un monde où ce métier était enviable et le rendait « libre ». A cette époque, (comme maintenant ?)  sa  femme était à la maison, elle élevait des poules.

…Nauffragé, Bruno ? Pourtant Bruno solide au poste, capable de mille petites transgressions ordinaires, comme autant de défis, de manifestations de liberté. En fin de compte, droit et scrupuleux. Quelque chose, avec l’arrivée de Christian, lui trotte dans la tête et prend corps avec constance, devient chaque jour plus évident.

Et peut-être  sera-ce  aussi l’occasion de faire un  inestimable et (très) troublant présent à Christian ?

Trois destins qu’un lieu et un travail  rapproche et qui se redessinent, trois intimités.

Vous n’avez pas vu ce film ? Alors, si vous ne voyez pas ce film à la télé ou si vous  n’achetez pas le DVD quand il sortira, ce sera vraiment dommage.

 

 

 

 

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