GODLAND – Hlynur Palmason

« Les paysages sont terriblement magnifiques. Les paysages sont terribles et magnifiques » dit Ida, personnage féminin du film.

Mousses, pierres, forces telluriques, marées, lave, neige, cascade.

Dans Godland, il est moins question de Dieu que des rapports humains, bien humains, trop humains : les rapports de domination, psychologique ou politique, le film se déroulant dans une Islande colonisée par les Danois. Mais il en va surtout de l’humain et de la nature, là encore, rapport de domination, à l’issue prévisible.

Hommes, animaux, insectes. À la fin, c’est la nature qui gagne.

Le personnage principal du film est photographe, au temps du daguerréotype. S’ensuit un parti pris esthétique conséquent : dérouler le film au format carré, comme un tirage de cette époque. Le film opère alors comme un retour aux sources du cinéma, avant l’image animée : c’est une aventure picturale pour le spectateur. Une expérience des changements de lumière, des changements de saisons, du passage du temps.

Ce film pourrait être rapproché de First Cow de Kelly Reichardt, un film d’époque aussi qui interroge tout autant rapports humains et la relation homme / nature. Werner Herzog n’est pas loin non plus, peut-être.

« Godland, le film qui aurait dû avoir la Palme d’Or » titrait Slate.fr. On est plutôt d’accord : ce film est renversant.

Delphine

Une réflexion sur « GODLAND – Hlynur Palmason »

  1. Trois notes sur Godland,

    Au presque début du film, quelque part au Danemark, un ecclésiastique un peu replet mange, assis en face de lui un autre ecclésiastique, plus jeune, Lucas bien droit sur sa chaise, lui ne mange pas, il n’y a rien devant lui, il écoute. L’homme qui mange lui parle en même temps est son supérieur, (je ne sais pas votre avis, je le trouvais répugnant). Il charge le jeune homme de se rendre au fin fond de l’Islande pour y construire une église. Il lui fait quelques recommandations sur les saisons, le climat, les gens puis paternaliste le complimente pour sa solidité bien plus grande encore que la sienne !

    Les paysages et la situation sont ceux si bien décrits par Delphine dans son article. Les habitants d’Islande sont à l’image des paysages, façonnés par eux. Ces Paysages ont autrefois inspiré une spiritualité aux Islandais, tout comme le monde des Arabes est celui des djinns, celui des Islandais est celui des peuples cachés, des Elfes. Ils furent polythéistes, ils devinrent chrétiens, catholiques puis protestants, mais jamais ces religions n’ont pu recouvrir et étouffer totalement leur vision primitive, divine et animiste du monde. À la fin du film, Ida, découvrant dans l’herbe gelée le cadavre en décomposition de Lucas lui dit, le printemps arrive, bientôt tu seras fleurs.

    Presque à la fin du film, Ragnar, vieil homme qui avait été le guide de Lucas (Pasteur et pionnier de la photographie) lui demande s’il veut bien faire son portrait. Lucas prétextant un manque de sels d’argent refuse, puis l’injurie, le traite de macaque. Lucas hait cet homme, il est humilié d’avoir eu à apprendre de lui et parfois de s’y soumettre. Mépris de classe, de culture, de nationalité se conjuguent…

    Le vieil homme révèle alors qu’il parle danois et lui dit qu’il a pissé dans son eau, qu’il a laissé son traducteur se noyer et qu’il a tué son cheval. À chaque allégation il lui demande : « prie pour moi ! ». Ragnar sans doute innocent des méfaits dont il s’accuse (d’autant que ce cheval était le sien et qu’il l’aimait) voit Lucas lui bondir dessus, il ne verra pas la suite; Lucas le tue en lui fracassant le crâne contre une roche.

    Et l’on revisite les traits du pasteur Lucas, l’homme décidé qui fait traverser la rivière montante et impétueuse à son équipe au péril de la vie, alors que Ragnar lui conseillait d’attendre deux jours, son traducteur s’y noiera. L’homme qui veut faire aller son cheval par des chemins impossibles au risque de le tuer. L’homme ne veut apprendre de personne, pas même comment on conduit un cheval. L’homme inflexible qui refuse de bénir un mariage car son église n’est pas terminée. Un homme suffisant, peu compassionnel, absolu.
    Georges

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