La famille, l’enfance, la fratrie, la place qu’elle occupe, celle qu’on y occupe, les liens du sang , les responsabilités imposées, la couverture de survie qui finit toujours par se déchirer quand on ne la perd pas. Tout ça, quoi, qui donne tellement mal au cœur.
« Gaspard va au mariage » est une tragi-comédie débraillée.
On suit Laura qui dévie sa route pour entrer dans un zoo à la fois féerique et maléfique, protecteur et dangereux, dans une suite de situations, d’événements à première vue loufoques, drôlatiques, désopilants. Mais à y regarder de plus près …
D’abord on voit Laura. Bien perchée, Laura, avec son sac à dos et ses godillots, sur le bord de la route. Elle traverse vers ce groupe qui partage café et croissants et on prend la tangente pour se « percher » avec elle. On l’aime bien, cette grande fille solide, charpentée , qui se fait menotter à des rails par reconnaissance et s’endort …
Arrive Gaspard qui libère la belle et l’entraîne avec lui. Ils tombent amoureux. Ils ne le savent pas encore, nous si. L’histoire peut commencer et nous, tout doucement, on va commencer, déjà, à un peu moins rigoler …
Dans le zoo familial du limousin, on entre d’abord dans la maison.
Zoom arrière dans le grand salon et le décor rempli, foutraque, avec squelette d’okapi au dessus de la cheminée. Le charme opère. Et pourtant il y a un truc qui cloche … mais quoi ? Bon sang, mais oui, la jeune mère martyre occupe toujours les lieux et aussi les souvenirs sur bouts de super 8 fixés dans la mémoire des trois enfants. Tout est resté dans son jus.
Près de la future belle-mère, montreuse à ses heures de bête à deux têtes, se tient Virgil. Le frère Virgil se tient toujours là où il faut. Il s’est toujours appliqué à faire tout comme il faut, il a continué à s’impliquer, à gérer le domaine qui prend l’eau, à veiller sur Coline la sœur ourse, à se battre pour se faire remarquer, pour se distinguer.
Peines perdues : le préféré, le doué c’était, c’est et ce sera toujours Gaspard, omniprésent, même absent. Inventif et génial.
Coline, la sœur, jeune fille habillée d’un caleçon d’homme et d’une peau d’ours, aux comportements étranges, nous intrigue, nous amuse ! Pas longtemps car dès la deuxième rencontre, on perçoit un très très gros malaise. C’est tragique, en fait. Coline est amoureuse de son frère Gaspard qui le lui rend presque, et Virgil … Virgil est invisible. La fusion c’est entre Coline et Gaspard, leurs peaux s’attirent. Gaspard aime l’odeur d’ourse de Coline qui en cultive l’essence pour lui. Il s’est dégagé de l’ensorcellement une première fois en fuyant le zoo mais on le voit bien , là il est en train de rechuter …
Laura réussira à le rattraper au vol pour le capturer à son tour dans les odeurs suaves de sa chair fraîche.
J’ai aimé les décors, j’ai aimé ces images comme aussi celle où on voit Coline lovée contre un grand mâle, couchés tous deux sur un festin d’ours et celle où on voit Max, le père, traiter son eczéma : dans un grand bocal plein de poissons gloutons, il se trempe et finit par s’immerger complètement, grand corps replié en position du fœtus. Liquide amniotique ? formol ? L’image de Max flottant derrière une vitre devant ses trois enfants, assis côte à côte, bien rangés sur un banc, comme au musée. Ou celle où Gaspard dans son bain est rejoint par sa sœur qui s’inquiète tout naturellement de savoir s’il était « en train de se branler avant qu’elle arrive »(sic). Ah, d’accord, très libres, très proches. Zéro tabou, donc
Une famille animale enfermée bientôt échappée du zoo.
J’ai aimé les acteurs. Je trouve qu’Antony Cordier a particulièrement bien réussi sa distribution !
Laetitia Dosch et son visage si expressif, ses traits mobiles, regard tout à la fois zen et tourmenté, Felix Moati, le type sympa, pas retors, pas pervers, ou alors pas fait exprès, Marina Foïs, la délicate, forte si fragile, Christa Théret, insaisissable, inquiète, ailleurs, et Guillaume Gouix, qu’on ne peut jamais regarder dans les yeux, qu’il a particulièrement écartés : un nuage est passé dans l’un et on n’a pas vu l’embellie dans l’autre ou inversement. Et Johan Heldenberg, une entière découverte.
Un film qui cache bien le malaise sous sa patte « jungle »
Marie-No