« Norma » Opéra de Vincenzo Bellini en live au Cinéma

 

Norma est un opéra de Bellini (1801-1835), en deux actes sur un livret de Felice Romani d’après le tragédie d’Alexandre Soumet. L’Opéra fut créé le 26 décembre (!) 1831 à la Scala de Milan.
« L’action se déroule en Gaule occupée par les Romains, vers l’an 50 avant JC. La druidesse Norma a eu, en secret, deux enfants de son amant Pollione, proconsul romain en Gaule. Mais  ce dernier ne songe désormais qu’à la jeune druidesse novice Adalgisa, qu’il rêve d’emmener à Rome. Venue demander conseil à Norma,  Adagilsa dévoile à la prêtresse le nom de son amant : effroi d’Adalgisa  horrifiée du mensonge de Pollione, et stupeur de Norma, qui ne contient plus sa rage : pourra-t-elle vivre ? devra t-elle tuer ou épargner les fils de Pollione ? En renonçant à Pollione, Adalgisa croit pouvoir panser le mal, mais rien n’y fera : après avoir condamné à mort le père de ses enfants, Norma se sacrifiera elle-même en montant au bûcher, accompagnée d’un Pollione conscient de ses actes et subitement atteint par la grâce ». 

Certains jours, des salles de cinéma en France, en Europe, dans le monde, toutes simultanément, se transforment en METropolitan Museum of Art. A l’Alticiné, nous étions hier (le soir ici) à New York pour assister à la représentation de « Norma » qui débute la saison 2017-2018.
C’est déjà épatant, non ?

La salle 3 est pleine et ça commence …
Le chef d’orchestre, Carlo Rizzi dirige l’ouverture. La caméra insiste sur la flûtiste soliste qui, en plus de jouer au MET, est une superbe jeune femme, très expressive. Elle accroche le regard du chef et on sent veritablement le courant passer entre eux. Que peut-on rêver de mieux pour diriger un opéra italien, qu’un chef Italien ! Il vit la partition, vibre et accompagne du geste chacun des pupitres pour revenir toujours, ne jamais quitter vraiment des yeux sa soliste. C’est magnifique et on sait, en entendant l’ouverture, que l’opéra sera subtil.
Et le fait est. C’est une oeuvre délicate, sans exubérance.

Sondra Radvanovsky interprète Norma avec tout le brio nécessaire pour ce rôle considéré comme un des plus difficiles du répertoire des sopranos (trois contre-ut pour le seul aria Casta Diva), et avec un grand talent de tragédienne. On est transporté et on pleure avec elle sur son désenchantement, sur son amour de mère, abandonnée.
Norma trouvera en elle-même le secret de la paix impossible.

Tous les autres interprètes Joyce DiDonato (Adalgisa), Joseph Calleja (Pollione), Matthew Rose (Oroveso), Michelle Bradley (Clotilde) sont impressionnants et les choeurs, comme souvent, particulièrement dans les opéras italiens, sont puissants, poignants.

Bien sûr rien ne peut remplacer l’atmosphère, l’ambiance, la fièvre d’une salle d’opéra, la communion avec les interprètes, les applaudissements, le salut final, mais les avantages à vivre un opéra dans une salle de cinéma sont nombreux : la programmation et les interprétations sont toujours d’une grande qualité, les scènes étant filmées, on voit très bien les interprètes, en gros plan aussi, les costumes et les décors en détail, les traductions en bas de l’écran sont bien lisibles, on est « bien placé », on voit à l’entracte les interprètes dans l’envers du décor …

Oui, hier a vraiment été une soirée formidable !

Pour les cramés la place est à 18 eur ce qui permet aussi d’explorer des œuvres pour lesquelles on ne se déplacerait certainement pas « en vrai » (je me souviens du Château de Barbe-bleue de Bartok que j’ai tant aimé il y a deux saisons alors que Bartok, a priori, du peu que j’en connaissais, me rebutait plutôt …)
Pour info (et se consoler, quand même un peu) la place au MET pour Norma 2017 est entre 99 $ (place au fin fond du poulailler sur le côté) et 836 $ (place orchestre au milieu).

Marie-Noel

« 120 battements par minute » de Robin Campillo

Résultat de recherche d'images pour "120 battements par minute IMAGES"Grand prix du Festival de Cannes 2017

Soirée débat mardi 26 septembre 2017 à 20h05
Présenté par Laurence Guyon

Film français de Robin Campillo sorti le 23 août 2017
avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel, Antoine Reinartz, Felix Maritaud, Aloïse Sauvage
Distribution : Memento Films distribution

Synopsis : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean qui consume ses dernières forces dans l’action…

Une révolte, un cri assourdissant mais est-ce-que cela a servi à booster la recherche dans les laboratoires ? Début des années 80, on n’a pas su prendre la mesure de cette épidémie et les labos ne se sont pas mis sur le sujet sérieusement, ne se sont pas attelés à la tâche. Le Sida, « une maladie de pédés » jugée comme cantonnée à cette communauté (!) n’a sans doute pas été considérée comme assez juteuse. Le retard a été pris, fatal. Les années 90 ont été, ensuite, une hécatombe. Act up y est né.

Faute de faire avancer la recherche, Act up aura servi à alerter formidablement sur la nécessité à se protéger, boostant là, en revanche, c’est certain, l’action des autorités pour mettre en place des campagnes de prévention.
Et Act up a fondé une famille. Une famille où les séropos, les sidéens et leurs sympathisants (= qui souffrent avec) ont pû trouver la force de continuer, d’avancer, de garder espoir. Une famille où il faisait bon, où les regards étaient bienveillants, où on n’était pas un paria. Une famille où on se battait pour vivre.
Merci à Act up pour tout ça.

Par la mise en scène, la photo, les éclairages, le rythme, le montage, les acteurs*, le film saisit et emporte dans ce tourbillon de vie et de mort, de réflexion et de danse, de pleurs et de musique, de souffrance et d’amour.
C’est un film formidable à voir absolument.

Description de cette image, également commentée ci-aprèsRésultat de recherche d'images pour "120 battements par minute IMAGES"

Robin Campillo (n’) a reçu (que) le grand prix du jury à Cannes cet été, la Palme d’or ayant été décernée à « The Square » de Ruben Ostlund.
Ca doit être bien. On verra …

* mention spéciale à Adèle Haenel dont je suis fan Résultat de recherche d'images pour "120 battements par minute IMAGES"

Marie-Noël

« Le Redoutable » de Michel Hazanavicius

Mai 68. Godard est à une période charnière de sa vie d’homme, de sa vie de réalisateur. Il a déjà tourné ses films majeurs dont le dernier en date « La chinoise ». Il cherche autre chose. Il est « en révolution » contre tout et surtout contre lui-même. Et il est amoureux d’Anne La Chinoise qu’il épouse. Godard est un monument et Anne l’admire et en est très amoureuse. Elle écrira cette époque et ce chapitre de sa vie  dans son livre « Un an après » qui aurait servi de trame au film d’Hazanavicius.
Ca donne « Le Redoutable » … une parodie de Godard, de son univers, de ses idées, de ses aspirations. C’est un film qui ne dégage  aucune énergie. On est la plupart du temps dans des appartements, dans la villa de Pierre Lazareff sur la Côte d’Azur au moment de « Cannes 68 n’aura pas lieu » semi traité. On se traîne … Même les scènes dans les amphis sont plombées ! Hazanavicius a choisi de faire une comédie, de tourner Godard en dérision. Pourquoi ? C’est quoi l’idée ? Un règlement de compte ? C’est insupportable, en fait. Un exemple : il était sûrement un peu « encombré » dans la vie pratique. Est-ce qu’il fallait lui faire casser ses lunettes 4 fois pour qu’on comprenne ? Il tombe, ses lunettes sont cassées, il se relève, myope, plissant les yeux, démuni (et là, Michel Hazanavicius, pour continuer sur la lancée, pourquoi pas tant qu’on y est,quelques pas de claquettes  ? ) Ou bien les scènes de dialogue JPG-AW au moment où le torchon commence à brûler, les sous titres pour nous dire ce qu’ils pensent vraiment en réalité !

Louis Garrel a bien travaillé le zozotement chuinté et le restitue parfaitement. Il semble ne penser qu’à ça. C’est un peu le problème : le film repose sur le défaut de prononciation et les blagues de Godard, la BA, quoi (Mr et Mme Nous ont une fille …). Encore un film qui se résume ou presque à sa BA ! Et ce qui est rageant c’est le portait d’Anne Wiazemsky par Hazavanicius. Ou est-il allé chercher cette évaporée si jeune et déjà éteinte. Il donne à  Stacy Martin un rôle sans consistance, sans aspérité, lisse, insipide qui ne correspond absolument pas à  Anne Wiazemsky ni à cette époque ni jamais.

Ce film est insignifiant, décevant. Mais je m’attendais à quoi au juste ?

Pourtant rIen n’aurait pu m’empêcher d’aller le voir. Très bonne promo.

« Bonne Pomme » de Florence Quentin

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Eh oui, j’y suis allée !
Je vais voir tous les films avec Gérard Depardieu. Je l’aime.

J’aime l’acteur et j’aime l’homme qui tend le bâton pour se faire battre, qui se suicide à petit feu en se jouant  » la grande bouffe » non stop, devenu quasi impotent, prenant des positions politiques plus que contestables, nouant des amitiés impossibles, provoquant le rejet.  Autant de signaux de détresse. Pas des appels au secours. Je pense qu’il ne veut pas être secouru. Il s’est lesté et a commencé sa descente depuis quelques temps …
En « Bonne Pomme », sur un scénario improbable, voire misérable, il est magistral dans le sens où il EST le garagiste … Et là, c’est très très fort !
Florence Quentin a eu pour ce film le (seul) talent de la distribution des rôles !  Le grand talent de choisir Gérard Depardieu pour le rôle principal et la chance qu’il l’ait accepté ! Pourquoi ? Qu’est-ce-qui fait que Gérard Depardieu accepte un tel rôle ? Il savait bien, au vu du scénario, que l’histoire n’allait pas loin, que tout ça était cousu de fil blanc … Florence Quentin le lui a sans doute vendu grace à sa belle carte de visite de scénariste mais quand même … Ce qui l’a décidé, c’est peut-être  la perspective de retrouver Catherine Deneuve ?
Catherine Deneuve … Elle est presque Barbara, la restauratrice malheureuse mais comme, hélas, le temps fait son œuvre et  qu’elle a écouté le chant des sirènes (personne ne songera à lui jeter la pierre : vieillir pour une actrice qui incarnait la beauté à l’état pur doit être un calvaire), elle porte, désormais, un masque inamovible, son visage est figé. Ca nous fait mal quand elle sourit … Alors, dans le rôle de la toujours virevoltante Barbara, imprévisible, souvent saoûle, spontanée …
Tous les seconds rôles sont bien tenus. En tête Chantal Ladesou que j’ai trouvée très bien en Mémé Morillon.
Les décors : c’est tourné à Flagy, Seine et Marne (sud de Fontainebleau) et que dire ? Rien. Ca ressemble à des villages qu’on connaît par ici. C’est moche.
Pour rester dans le Gâtinais, on note que la vaisselle du restaurant de Barbara, c’est du Gien, décor Oiseau de Paradis.

Marie-Noël

« L’Amant d’un jour » de Philippe Garrel

primé en 2017 à la Quinzaine des Réalisateurs
Du 31 août au 5 septembre 2017
Soirée débat mardi 5 à 20h30

Présenté par Georges Joniaux
Film français (mai 2017, 1h16) de Philippe Garrel avec Eric Caravaca, Esther Garrel et Louise Chevillotte
Distributeur : SBS Distribution

Synopsis : C’est l’histoire d’un père et de sa fille de 23 ans qui rentre un jour à la maison parce qu’elle vient d’être quittée, et de la nouvelle femme de ce père qui a elle aussi 23 ans et vit avec lui.

C’est un vrai bonheur ce film ! Un régal pour les yeux et une mélodie de chaque instant. J’aime le cinéma de Philippe Garrel et j’aime cet homme qui aime les femmes et les comprend bien, finalement. Ca a dû être un long chemin et rien n’est gagné, mais il les comprend, et son coeur transparent …
Et ses acteurs ! Eric Caravaca (Waouh!), Ester Garrel, Louise Chevillote. Le charme incarné. Trois fois. Sans oublier, Felix Kysyl … Petit rôle mais une vraie présence !
Au contraire du spectateur qui disait à Georges à propos du personnage d’Ariane que les femmes n’étaient pas comme ça, je pense, moi, que les femmes sont comme ça.
Comme Ariane
Comme Jeanne aussi
Ariane (Louise Chevillotte) le dit très clairement quand elle parle avec Jeanne, de la fidélité. Les hommes sont naturellement infidèles et naturellement ne supportent pas que les femmes le soient. Alors la clé c’est d’être, de faire et de ne rien dire. En même temps, ne rien dire … Les femmes resteront donc fidèles par nature et les hommes infidèles par nature ? Ariane est un Dom Juan, Gilles (Eric Caravaca) le sait et est bien placé pour la reconnaître, ayant été lui même séducteur et avouant avoir fait souffrir tant de femmes « qui ne le méritaient pas » . En voilà une réflexion intéressante … Quelles femmes le méritent, donc ? Les séductrices ? Ariane ? Elle a failli souffrir par Jeanne (Esther Garrel). Désemparée devant l’amour paternel et filial contre lesquels elle ne peut pas lutter. Obligée de les accepter.
Ariane se fait « pincer »en flagrant délit d’infidélité et Gilles ne supportent pas ce qu’il voit. Il ne demandait qu’une chose : ne rien savoir, ne rien voir. Faire l’autruche tranquillement. Il est fatigué, Gilles, il voudrait maintenant vieillir en harmonie à côté d’une femme qu’il aime et qui l’aime. Il est marrant, ce Gilles ! Il voudrait construire en accéléré ce qu’il a passé sa vie à déconstruire au jour le jour. Et, en plus, il choisit Ariane pour ses jours paisibles ! Mais c’est elle qui l’a mis dans sa toile, elle qui a jeté ses filets sur lui et a réussi à le « pêcher ». Il est pris et sera relâché quand elle le décidera. Ariane qui baise debout, où elle veut, sur le champ. On remarque que les deux scènes de plaisir, celle avec Gilles et celle avec Stéphane (Felix Kysyl)  sont exactement les mêmes. Cadrées pareil, mêmes éclairages, mêmes râles, mêmes soupirs, même visage extasié d’Ariane … C’est elle qui orchestre. C’est sa jouissance à elle qui importe. On revoit la scène de repos après l’amour Ariane-Stéphane allongés sur un lit, nus à peine recouverts d’un voile. Scène d’une beauté picturale bouleversante. J’ai pensé à un tableau, je le vois … (mais je n’arrive pas à retrouver lequel !) De nombreuses scènes du film mériteraient des arrêts sur image tant la photo est belle, les gris lumineux. Et le rythme nous emmène, dans la danse aussi quand Philippe Garrel filme Ariane et Jeanne tournant, chaloupant, jeunes, aériennes, légères et gracieuses.
Ariane est égoïste, libre . Elle a eu pour modèle « un père qui divorce » et « une mère qui s’en fout ». Elle est libre d’être son propre modèle. Une chance.
Et puis il y a Jeanne (Ester Garrel) … Alors filmer comme Philippe Garrel la détresse d’une femme quittée, chapeau ! Jouer ces scènes comme Esther Garrel, avec autant de vérité, chapeau ! Le déni, l’obsession, la folie, la perte de contrôle, l’envie de tout arrêter, le besoin d’espionner, de harceler, le visage transformé par la douleur, l’abandon de soi … Je n’ai jamais vu cette situation sentimentale aussi bien traduite au cinéma. Jeanne imagine, interprète, s’embrouille, doute de tout, d’elle-même surtout. Pas de chance.

Si j’avais su, si j’avais pu, je serais allée voir le film, en plus, aux autres séances, pour en profiter encore davantage.

Marie-Noël

 

« La Haine » Vingt ans après

Le Cinéma permet de penser à autre chose et les chaines Ciné sont bien commodes pour revoir des films et aussi quand les salles sont fermées.
J’ai donc revu à la télé « La Haine » de Mathieu Kassovitz, 22 ans après sa sortie.
Le monde a changé. Moi aussi. Plus Vinz, Hubert, Saïd et les autres qu’à l’époque. Leur appel au secours m’a déchiré les tympans.
A l’époque, cette cité de banlieue, qui paraît, d’ailleurs, aujourd’hui, bien proprette, bien calme, était un autre monde que le spectateur lamda regardait à travers le prisme de la « normalité ». Ce monde là existait, faisait peur, mais on n’y pensait pas souvent. C’était autre part. Pourtant, fatalement, progressivement, inexorablement, naturellement, il fallait bien qu’il déborde !
Quand on regarde le film aujourd’hui, on voit que tous les éléments étaient déjà là.
L’affiche publicitaire géante montrant un paysage idyllique « Le monde est à vous » qui nargue Vinz, Benoit, Saïd chaque jour. Jusqu’au jour où ils décident qu’il allait l’être, à eux, ce monde, qu’ils allaient le forcer à l’être. Et ils corrigent le slogan en « Le monde est à NOUS »
La police et son petit chef qui « forme » une nouvelle recrue aux méthodes du passage à tabac. Pour rien. Pour le fun.
Les échanges entre mecs sur « les soeurs », et avec elles, pas voilées mais pas en jupe, sur leur place et leurs devoirs.
Les armes si faciles à se procurer et qui les hissent au rang de caïd.
La dissonance entre la ville et la banlieue par exemple dans la galerie d’art avec l’expo pseudo Jeff Koons, champagne, petits fours et jeunes demoiselles, deux mondes qui n’ont pas les mêmes codes, ne parlent pas la même langue. Sauf celle de la pub « tu te prends pour la meuf de Wonderbra ? »
Une parenthèse en ce qui concerne la langue. Le film est quasi totalement en verlan et, surtout, la prise de son est, je trouve, très approximative. J’ai vieilli mais je pense qu’à l’époque, je ne devais déjà capter qu’un mot sur deux … La solution on l’a, à la maison. Il suffit de mettre en version malentendant pour avoir les sous-titres ! épatant ! on saisit tout !
Vinz, Saïd, Benoît et les autres sont nés et vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien …
Ils savent qu’ils finiront par tomber et que la chute fera très mal.
Ces trois jeunes adultes issus de la cité sont pourtant, à la base, très différents. Vinz, écorché vif, devenu incontrôlable, Benoît, responsable, raisonnable, Saïd, vif comme l’éclair, dégourdi. Mais leurs parcours, pas le choix, se rejoignent. Forcément. Personne ne les regarde comme des individus. Mis dans le même sac, ils s’endurcissent, s’arment, se protègent et en ressortent avec la haine.
Trop de monde est resté dans « l’escalator », se contentant d’être portés par le système. Etait-il encore temps, il y a vingt ans, de prendre l’escalier ?

Heureusement, l’Art aussi a débordé ! Des artistes ont émergés et émergent de partout dans le domaine de la musique, du spectacle, de la peinture, de la littérature, des arts graphiques, du cinéma …
Les Arts se propagent, apaisent et finiront bien par confédérer.

Le film de Mathieu Kassovitz (28 ans) , en noir et blanc, reste, vingt ans après, fulgurant par son rythme, sa mise en scène, ses acteurs qui, à l’époque, étaient jeunes et peu connus : Vincent Cassel (29 ans), Saïd Tadmaoui (22 ans), Hubert Kaoudé (25 ans), Benoît Magimel (19 ans), Karine Viard (29 ans), Valeria Bruni-Tedeschi (29 ans), Vincent Lindon (36 ans), Zinedine Soualem (38 ans).
Deux, seulement, étaient originaires de « la banlieue ».

Marie-Noël

Jeanne Moreau 23 janvier 1928 – 31 juillet 2017

Jeanne Moreau qu’on aime,

depuis qu’on aime le cinéma,

depuis longtemps, depuis toujours.

Adieu

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1949 : Dernier Amour de Jean Stelli
1950 : Meurtres ? de Richard Pottier
1950 : Pigalle-Saint-Germain-des-Prés d’André Berthomieu
1951 : Avignon, bastion de Provence, court-métrage J. Cuenet
1951 : L’Homme de ma vie de Guy Lefranc
1952 : Il est minuit, Docteur Schweitzer d’André Haguet
1952 : Dortoir des grandes d’Henri Decoin
1953 : Julietta de Marc Allégret
1953 : Touchez pas au grisbi de Jacques Becker
1954 : La Reine Margot de Jean Dréville
1954 : Secrets d’alcôve d’Henri Decoin
1954 : Les Intrigantes d’Henri Decoin
1955 : Gas-oil de Gilles Grangier
1955 : Les Hommes en blanc de Ralph Habib
1955 : M’sieur La Caille d’André Pergament
1956 : Le Salaire du péché de Denys de La Patellière
1956 : Jusqu’au dernier de Pierre Billon
1957 : Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle
1957 : Les Louves ou Démoniaque de Luis Saslavsky
1957 : Trois jours à vivre de Gilles Grangier
1957 : L’Étrange Monsieur Steve de Raymond Bailly
1957 : Échec au porteur de Gilles Grangier
1957 : Le Dos au mur d’Édouard Molinaro
1958 : Les Amants de Louis Malle
1959 : Les Liaisons dangereuses 1960 de Roger Vadim
1959 : Les Quatre Cents Coups de François Truffaut
1960 : Le Dialogue des Carmélites P. Agostini et R. L. Bruckberger
1960 : Moderato cantabile de Peter Brook
1960 : Cinq femmes marquées de Martin Ritt
1961 : La Nuit (La Notte) de Michelangelo Antonioni
1961 : Une femme est une femme de Jean-Luc Godard
1962 : Jules et Jim de François Truffaut
1962 : Eva (Eva) de Joseph Losey
1962 : Le Procès d’Orson Welles
1963 : La Baie des Anges de Jacques Demy
1963 : Les Vainqueurs (The Victors) de Carl Foreman
1963 : Le Feu follet de Louis Malle
1964 : Peau de banane de Marcel Ophüls
1964 : Mata Hari de Jean-Louis Richard
1964 : Le Train (The Train) de John Frankenheimer
1964 : Le Journal d’une femme de chambre de Luis Buñuel
1965 : La Rolls-Royce jaune d’Anthony Asquith
1965 : Viva María! de Louis Malle
1966 : Le Plus Vieux Métier du monde de Philippe de Broca
1966 : Mademoiselle de Tony Richardson
1966 : Falstaff (Campanadas a media noche) d’Orson Welles
1967 : La mariée était en noir de François Truffaut
1967 : La Grande Catherine de Gordon Flemyng
1967 : Dead Reckoning –  Film inachevé d’Orson Welles
1967 : Le Marin de Gibraltar de T.Richardson
1968 : Une histoire immortelle d’Orson Welles :
1969 : Monte Walsh de William A. Fraker
1969 : Le Corps de Diane de Jean-Louis Richard
1969 : Le Petit Théâtre de Jean Renoir de Jean Renoir
1970 : Alex in Wonderland de Paul Mazursky
1970 : Les Héritiers (Os herdeiros) de Carlos Diegues
1970 : Henri Langlois – documentaire – de R. Guerra et E.Hershon
1971 : Comptes à rebours de Roger Pigaut
1971 : The Other Side of the Wind – Film 🎥 inachevé – d’Orson Welles
1971 : Côté cours, côté champs – court métrage – de Guy Gilles
1972 : Chère Louise de Philippe de Broca
1972 : L’Humeur vagabonde d’Édouard Luntz
1972 : Absences répétées de Guy Gilles
1973 : Jeanne la Française de Carlos Diegues
1973 : Je t’aime de Pierre Duceppe
1973 : Nathalie Granger de Marguerite Duras
1974 : Les Valseuses de Bertrand Blier
1974 : La Race des seigneurs de Pierre Granier-Deferre
1974 : Une légende, une vie : Citizen Welles de M.Frydland
1975 : Le Jardin qui bascule de Guy Gilles
1975 : Hu-Man de Jérôme Laperrousaz
1975 : Souvenirs d’en France d’André Téchiné
1976 : Lumière de Jeanne Moreau
1976 : Monsieur Klein de Joseph Losey
1976 : Le Dernier Nabab (The Last Tycoon) d’Elia Kazan
1976 : Chroniques de France de Renaud de Dancourt
1980 : Chansons souvenirs – court métrage – de Robert Salis
1981 : Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable G.Kaczender
1981 : Plein sud de Luc Béraud
1982 : Mille milliards de dollars d’Henri Verneuil
1982 : La Truite de Joseph Losey
1982 : Querelle de Rainer Werner Fassbinder
1982 : Der Bauer von Babylon de Dieter Schidor
1983 : Jean-Louis Barrault de Muriel Balasch
1985 : François Simon d’Ana Simon et Louis Mouchet
1986 : Sauve-toi, Lola de Michel Drach
1986 : Le Paltoquet de Michel Deville
1987 : Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky
1987 : Remake d’Ansano Giannarelli
1988 : La Nuit de l’océan d’Antoine Perset
1989 : Jour après jour d’Alain Attal
1989 : Orson Welles, documentaire – de Leslie Megahey
1990 : Nikita de Luc Besson
1990 : Alberto Express d’Arthur Joffé
1990 : La Femme fardée de José Pinheiro
1991 : L’Amant de Jean-Jacques Annaud
1991 : La Vieille qui marchait dans la mer de Laurent Heynemann
1991 : Jusqu’au bout du monde (Bis an Ende der Welt) de Wim Wenders
1991 : Le Pas suspendu de la cigogne de Theo Angelopoulos
1991 : Anna Karamazoff de Roustam Khamdamov
1992 : Cœur de métisse (Map of the Human Heart) de Vincent Ward
1992 : À demain de Didier Martiny
1992 : L’Absence (Die Abwesenheit) de Peter Handke
1992 : Les Arpenteurs de Montmartre de Boris Eustache
1993 : Je m’appelle Victor de Guy Jacques
1993 : Un certain jour de Juin (A Foreign Field) de Charles Sturridge
1993 : François Truffaut, portraits volés de S.Toubiana et M. Pascal
1995 : Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma d’Agnès Varda
1995 : Par delà les nuages de M.Antonioni et W.Wenders
1995 : Faire un film, pour moi c’est vivre d’Erica Antonioni
1995 : I Love You, I Love You Not de Billy Hopkins
1995 : L’Univers de Jacques Demy – documentaire – d’Agnès Varda
1997 : La Propriétaire (The proprietor) d’Ismail Merchant
1997 : Un amour de sorcière de René Manzor
1997 : Amour et Confusions de Patrick Braoudé
1998 : À tout jamais (Ever after) d’Andy Tennant
2000 : Lisa de Pierre Grimblat
2000 : Le Manuscrit du prince de Roberto Andò
2000 : Les Femmes de Fassbinder – documentaire de Rosa von Praunheim
2002 : Cet amour-là de Josée Dayan
2002 : The Will to Resist de James Newton
2004 : Akoibon d’Édouard Baer
2005 : Le Temps qui reste de François Ozon
2005 : Go West d’Ahmed Imamovic
2006 : Sortie de clown – court métrage – de Nabil Ben Yadir
2006 : Roméo et Juliette d’Yves Desgagnés
2007 : Chacun son cinéma : épisode Trois minutes de Théo Angelopoulos
2007 : Désengagement d’Amos Gitai
2009 : Plus tard tu comprendras d’Amos Gitai
2009 : Visages de Tsai Ming-liang
2012 : Gebo et l’ombre de Manoel de Oliveira
2012 : Une Estonienne à Paris de Ilmar Raag
2015 : Le Talent de mes amis d’Alex Lutz

 

« A jamais » de Benoit Jacquot Vu(s) à Prades

C’est l’histoire d’un vieux réalisateur, Rey (!) (Mathieu Amalric), séducteur invétéré, qui, accompagné de son actrice Isabelle (Jeanne Balibar), présente son dernier film, un soir , dans une des salles d’un multiplex. Il s’échappe pour monter « cueillir » une jeune sylphide, Laura (Julia Roy) qu’il a repéré, créatrice de spectacles modernes dans une autre salle de ce même lieu. Elle le suit, tout en le précédant, dans les longs couloirs et on se laisserait bien entraîner dans un marivaudage. Las !
Ils filent sur sa moto, il roule très vite, vers sa tanière, son lit. Gagnée ! Laura s’installe chez Rey, dans cette belle maison où habitent déjà tant de ses souvenirs, où vivent ses fantômes grinçants installés au grenier, dans une petite pièce où trône un lit blanc. Laura perçoit ces bruits, ces présences et veut les faire cesser. Elle veut occuper toute la place.
Rey s’invente sa belle histoire d’amour, se fait fort de remonter le temps et épouse la jeune Laura. Isabelle l’a averti : elle est si jeune, elle voudra l’enfant qu’il a toujours refusé d’avoir, elle va lui pourrir la vie. C’est elle Isabelle qui l’aime vraiment, qui a renoncé par amour pour lui à cet enfant, personne ne pourra jamais l’aimer comme elle.
Mais le temps passe, dévastateur, tu vois bien, Isabelle, que tu n’es plus comme sur la grande photo, là, juste derrière toi …
Rey avance avec une autre qui a le pouvoir, croit-il, par sa jeunesse, de l’écarter de son âge. Il lutte contre la vieillesse qui le guette.
Mais son cerveau ne lui permet déjà plus de plonger dans ce bain de jouvence et l’enfer va bientôt commencer, il le sait.
Il a toujours noté des idées pour ses films mais maintenant il prend des notes pour simplement se souvenir, de tout. Il se voit dans un futur proche, redevenir un enfant. Laura le fait manger, s’étonne et le félicite d’avoir lacé ses souliers, part à sa recherche quand un grand blanc dans sa tête le fait sortir et errer dans la nuit …
Il arrive un temps où le tourbillon s’arrête. Il choisit de stopper net le naufrage.
Laura reste seule dans la grande maison et commence son travail de deuil …
Et nous avec …
J’ai trouvé cette sauce pour me rendre ce film prétentieux, tout juste « consommable » … Mais mon Dieu que c’est long ! Et indigeste …
Mathieu Amalric, comme souvent, roule des yeux hallucinés, une partie de son fond de commerce.
Dernière égérie en date de Benoit Jacquot, Julia Roy, scénariste du film ( d’après le roman Body Art de Don DeLillo) sous condition qu’elle en soit aussi l’actrice principale (dixit !), fait penser à Isild Le Besco, la présence charnelle, sensuelle, animale en moins. Donc …
Reste Jeanne Balibar. Délicieuse en Isabelle.

Marie-Noel

« Indivisibili » d’Edoardo de Angelis

Le sujet c’est l’attachement, l’amour viscéral, fusionnel, comment s’affranchir pour pouvoir s’échapper, vivre sa vie, en affronter les dangers, seul (e) tout d’abord. Être un individu, être reconnu comme tel. Avoir le droit,  être autorisé à fonctionner sans les autres.

Dans le film, la situation de base est extrême puisqu’ il s’agit de soeurs siamoises et que, s’apprenant « divisibile », la volonté de Daisy d’être coupée, séparée de corps de sa soeur Viola, est unilatéral.  Ce sujet de l’aliénation a souvent été traité dans dans d’autres cas d’amour  : une mère et son fils, sa fille, un père et sa fille, un frère et une soeur, deux amants, deux amis.

Le sujet c’est aussi l’exploitation de l’homme par l’homme,  ici l’exploitation de siamoises par leur père,  abject, sans vergogne, bourré, de certitudes, aussi. Exploitées par leur mère qui continue à se punir d’avoir enfanté cette enfant double dans deux corps soudés. C’est « la faute » de la génitrice a priori, toujours.

Le sujet c’est aussi la religion et autres sectes avec sa kyrielle de gourous et de disciples, d illuminés, d’aliénés.

C’est une film réaliste, agrémenté de quelques miracles, de clins d’oeil à l’italienne. Une réalité bien sordide dans un décor de désolation avec bétonneuse devant la fenêtre de la chambre. Avec des scènes d’une vulgarité crasse comme celle de la fête de communion de la petite meringue rose boursouflée ou celle de la « party » sur le bateau.

C’est un film qui, d’emblée, place le spectateur dans une situation de voyeurisme insupportable.

Et j’y ai vu un sujet sous-jacent malsain : le fantasme sexuel masculin pour deux très jeunes filles « collées », indivisibles.

Ce n’est pas montré mais, hélas, on le voit quand même. Polluant.

J’aurais peut-être pu faire l’impasse sur ce film mais pas grave, c’est du cinéma.

Ici, à  Prades et partout, vive le cinéma !

Marie-Noël

« De toutes mes forces » de Chad Chenouga (2)

3 prix au Festival de Valenciennes2017
Du 29 juin au 4 juillet
En Présence du réalisateur Chad Chenouga
Film français (mai 2017, 1h38) de Chad Chenouga avec Khaled Alouach, Yolande Moreau et Laurent Xu 
Distributeur : Ad Vitam

Beau film d’un beau réalisateur … Acteur aussi . Son visage nous est connu et sa présence hier soir était comme naturelle, évidente. Il était avec nous, dégageant une bienveillance souriante, tout au bord du rire.
Bel homme lumineux, joyeux.
Son film nous le fait connaître davantage à travers tous ces jeunes gens et jeunes filles qu’il nous présente au naturel, dépourvus d’artifices. On mesure précisément la différence entre les favorisés et les très défavorisés. Sans être amenés à les juger pour autant.
Une belle galerie de portraits.
Nassim alias  « Beau gosse »,  enferme son malheur au plus profond de ses tripes et quand, enfin, il crie en respirant la veste en poils de sa mère défunte (la belle Zined Triki), on soupire, il revient. De loin.
Probable qu’on reverra Khaled Alouach dans d’autres rôles. Il a le physique, la voix et le regard pour jouer tous les rôles de « jeune premier ».  Subjuguant, il le sera en gentil et en méchant. Il a cette présence entourée de cristal, cette classe naturelle, cette distinction. Il m’a fait pensé à Delon époque Rocco.
Nassim appartient naturellement à deux mondes qui inévitablement se télescoperont. Lui est à sa place avec ses copains du lycée parisien où il est scolarisé et à sa place, aussi, à contrecoeur d’abord, avec ses copains du foyer de banlieue où il est placé. Il les rejette puis les adopte. Il est rejeté puis adopté. On sait que ces amitiés là sont fortes. A la vie, à la mort. Nassim est riche des deux milieux. Il a l’intelligence de finir par accepter et comprendre ces jeunes à fleur de peau, enfants bercés, façonnés par le malheur, dévastés, irréparables complètement. Comme lui. Très émouvants, tous. Jose incapable de supporter l’absence de sa mère adorée, Brahim, rieur, à l’esprit vif, négociateur dans l’âme et sa carapace, ses « bouées de sauvetage » contre les dangers de la vie qui l’ont déjà tellement atteint, la belle Mina qui anticipe les abus, les orchestre pour ne plus les subir, Kevin, le gros dur, amadoué  par un « subterfuge », Zawady la bosseuse dont l’échec nous démolit avec elle. Et tous les autres.
Chad Chenouga nous montre exactement leur tendresse et leur besoin d’amour, leurs jeunes cœurs battants sous les plaies profondes.
Madame Cousin, la directrice du foyer (Yolande Moreau, très convaincante) est dépassée mais debout, là avec eux. Ils peuvent compter sur elle. Un trésor. Elle colmate des brèches, fait ce qu’elle peut pour leur faire garder espoir sans mentir jamais sur leurs réalités à chacun. Elle doit appliquer des règles, remplir des dossiers. Son proche départ à la retraite nous inquiète pour eux et aussi pour elle.

Une question que je poserais à Chad Chenouga si le débat avait lieu le lendemain matin (ce qui, pour moi, serait idéal) : est-ce toujours la même photo dans le cadre ? Au fur et à mesure que Nassim avance dans son deuil, on voit le sourire de sa mère se transformer, se défaire et finir par disparaître. Privée de ses excuses pour mieux être pardonnée.

Marie-Noël