Vu en prévisionnement Malmkrog de Cristi Puiu

Film roumain
Sortie en salles prévue pour Juillet 2020

Malmkrog : Affiche

Synopsis : Nikolai, grand propriétaire terrien, homme du monde, met son domaine à la disposition de quelques amis, organisant des séjours dans son spacieux manoir. Pour les invités, parmis lesquels un politicien et un général de l’armée Russe, le temps s’écoule entre repas gourmets, jeux de société, et d’intenses discussions sur la mort, l’antéchirst, le progrès ou la morale. Tandis que les différents sujets sont abordés, chacun expose sa vision du monde, de l’histoire, de la religion. Les heures passent et les esprits s’échauffent, les sujets deviennent plus en plus sérieux, et les différences de cultures et de points de vues s’affirment de façon de plus en plus évidentes.

Adapté d’un texte de Vladimir Soloniev, philosophe et poète russe, Malmkrog est une suite de discussions sur la guerre, la religion, la mort, la moralité, la croyance.
Une suite d’intenses controverses en huis clos avec deux froides sorties silencieuses dans le parc enneigé. On est à la veille de Noël.
Le film est roumain mais l’action se passant dans un manoir en Russie à la fin du XIXéme, si le russe et aussi l’allemand sont utilisés pour les dialogues concernant la vie usuelle, c’est en français que s’expriment les personnages principaux pour les échanges intellectuels, donc les ¾ du temps.
Malmkrog, divisé en six chapitres, chacun intitulé du nom d’un des personnages principaux, se passe chez Nicolai (chapître IV), joué par Frédéric Schulz-Richard, qui orchestre les conversations auxquelles participent Ingrida (chapître I), jouée par Diana Sakalauskaité, Edouard (chapître III), joué par Ugo Broussot, Olga (chapître V), jouée par Marina Palii, et Madeleine (chapître VI), jouée par Agathe Bosch.
On ne trouvera pas confirmation dans l’ouvrage dont le film est tiré car tous les personnages y sont masculins mais, pour ce qui est du film, on peut imaginer que Olga est la jeune épouse (elle a 26 ans) de Nicolai. Ce n’est pas dit mais on aperçoit furtivement dans l’enfilade des pièces une enfant qui essaie, pour s’avancer vers ses parents, vers le groupe, de forcer le passage que lui barre fermement une domestique. Sa place n’est pas là. Pas encore. Et puis on entrevoit à plusieurs reprises la domination latente exercée par principe à cette époque par un mari sur son épouse fût-elle de son rang et instruite.
Les longues conversations portent sur la guerre, l’armée russe orthodoxe et ses conquêtes, on débat inlassablement de ce qui est juste ou ne l’est pas, de ce qui est chrétien, des êtres civilisés et de ceux qualifiés de sauvages, de religion, de croyance, de mort.
Le film demande de l’attention et même parfois de la persévérance surtout au début quand on sait qu’il dure 201 mn … il faut se faire un peu violence, insister et rester concentré. Alors, on est emporté, captivé, on ne peut plus lâcher et, même si c’est très littéraire, que ça va très vite et que ce n’est pas toujours accessible, qu’est-ce que c’est bien !
Au final, on resterait bien encore un peu pour un septième chapître : VII Le Colonel avec lequel la domestique et Olga communiquent en allemand et qui est occupé à revivre en boucle le drame qui le lia jadis à Elza, et un huitième chapître : VIII Judith à qui Nicolai demande, en allemand aussi, de veiller à ce que les portes (qui le sépare de la domesticité et de la vieillesse) restent toujours bien fermées …
Techniquement, le film est une merveille, avec des décors incroyables de détails soigneusement arrangés, des costumes remarquables et une mise en scène éblouissante. Dans ces six tableaux pourtant a priori et par définition statiques, Cristi Puiu parvient à faire entrer un dynamisme certain, changeant le cadre par l’intermédiaire de miroirs et autres embrasures de porte et alternant portraits de groupe et gros plan sur des acteurs qui par leur manière de jouer et de dire ces dialogues difficiles et parfois très longs, se révèlent magistraux ! Ils ont tous une présence exceptionnelle, irréelle.
Madeleine au piano jouant Schubert, hors champ, irradie l’image de sa présence.
A la moitié du film, bien après le chapître II Itsvan, par une scène surprenante, le bruit de cristal brisé en fond sonore, dans une sorte de flash forward, Cristi Piulu impacte fondamentalement notre vision de Malmkrog. La tension monte, s’installe. Rien n’a changé. Tout va changer.
Un film extraordinaire !
Effet garanti si on le programmait, et si, en plus, les lumières d’un philosophe option histoire et théologie venaient nous éclairer le débat, alors là …

Marie-No

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