Tu mérites un amour de Hafsia Herzi (2)

Film français (septembre 2019, 1h39) de Hafsia Herzi avec Hafsia Herzi, Djanis Bouzyani et Jérémie Laheurte

Synopsis : Suite à l’infidélité de Rémi, Lila qui l’aimait plus que tout vit difficilement la rupture. Un jour, il lui annonce qu’il part seul en Bolivie pour se retrouver face à lui-même et essayer de comprendre ses erreurs. Là-bas, il lui laisse entendre que leur histoire n’est pas finie… Entre discussions, réconforts et encouragement à la folie amoureuse, Lila s’égare…

Présenté par Laurence Guyon

En dépit d’une présentation bien documentée et d’un bon débat , j’avais un sentiment mitigé après avoir vu ce film avec ses gros plans de films sentimentaux, je le classais dans la catégorie « à la rigueur », mais en y repensant, (toujours avec l’esprit d’escalier), je me dis qu’il est plutôt réussi. C’est un film capable de nous faire oublier les moyens financiers plus que ric-rac dont disposait Hafsia Herzi la réalisatrice et actrice pour ce premier film.

D’abord, ce n’est pas un scoop, Hafsia Herzi (Lila) est belle au sens vrai du terme. Ensuite, c’est un film plutôt pudique qui présente  des situations intéressantes et des dialogues graves et drôles, jamais ennuyeux. Hafsia Herzi reconstitue un peu la démarche du cinéma de la nouvelle vague. Elle fait jouer ses amis, les matériaux du dialogue sont piochés dans la vie quotidienne, les lieux du tournage, par exemple Belleville,  sont modestes. En cela je la trouve plus proche d’Agnès Varda, particulièrement  de Cléo de 5 à 7 que d’Abdellatif Kechiche (son mentor) , j’y reviens tout de suite.

 Je me souviens que Marie-Annick  disait quelque chose comme  « tout est dit dès le début du film. Une femme aime un homme indigne de l’être et ne peut faire la démarche de s’en séparer ».  Mais justement, ce sujet à lui seul est intéressant, Hafsia filme cet « entre-deux », cette transition. Elle filme l’espace  et le temps où elle demeure sans avoir à se confronter au réel : « Remi est un manipulateur ».  Lila, en congédiant  le réel, l’irréversible,  s’évite la charge de la souffrance, de la séparation et du deuil. L’espèce humaine est  fabulatrice, et n’appréhende le réel qu’à peu de moments, le deuil par exemple, ici il s’agit donc de ne pas s’y confronter. Et ce passage est parfaitement rendu, avec intelligence, finesse, humour et profondeur. (A l’exemple, les dialogues avec Myriam  ou Ali ) 

Marie-No dans son article,  a l’excellente idée de ne pas résister à reproduire dans son article le superbe poème de Frida Kahlo.  Pour ce qui me concerne, dans ce prolongement, je vois des similitudes entre Cléo de 5 à 7 (pour cet entre deux), et je vois aussi des ressemblances  entre Frida Khalo et Lila. Il est vrai, comme le dit Charly,  qu’elle lui ressemble physiquement. Mais je suppose  qu’Hafsia Herzi  a dû se plonger  dans la vie de cette femme. Et qui voit-on ?  Amours tumultueuses avec Diego de Rivera et des amourettes en tous genres le long de sa vie. Alors, La vie de Lila se présente un peu comme une sorte de « repentir » de la vie de Frida.  

Dernière remarque, la modernité du sentiment amoureux exprimé dans le film, je ne résiste pas à  recopier quelques extraits de la 4ème de couverture de « Pourquoi l’amour fait mal » d’Eva Hillouz, paru en 2012 : « aimer quelqu’un qui ne veut pas s’engager, être déprimé après une séparation »   autant de forme d’une modernité, de l’individu dans la société contemporaine avec «  ses fantasmes d’autonomie et d’épanouissement personnel, ainsi que les pathologies qui lui sont associés : incapacité de choisir, refus de s’engager, évaluation permanente de soi et du partenaire, psychologisation a l’extrême des rapports amoureux… »

Et au total, vous m’excuserez cette parodie : « Lila outragée, Lila brisée, Lila martyrisée, mais Lila libérée ; libérée par elle-même » (et ses sympathiques amitiés), libérée par elle même et surtout d’elle même.  Ce film assez confidentiel,  il me faudra l’avoir en DVD. C’est le premier film d’une cinéaste qui compte.

Georges

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