Séjour dans les Monts Fuchun-Gu Xiaogang

Prix un certain regard, semaine Internationale de la Critique – Cannes 2019 

Film chinois, premier long métrage 2h30 de Gu Xiaogang avec Qian Youfa, Wang Fengjuan et Sun Zhangjian

Synopsis : Le destin d’une famille s’écoule au rythme de la nature, du cycle des saisons et de la vie d’un fleuve.

Présenté par Marie-Annick Laperle, le 11 février 2020

Le cinéma chinois d’auteur est très apprécié à l’étranger pour sa créativité. Le film «  Séjour dans les Monts Fuchun » qui a retenu de nombreux spectateurs au débat, en témoigne. Gu Xiaogang, jeune cinéaste autodidacte de 31 ans, est parvenu à réaliser un premier long-métrage ( le volet 1 d’une trilogie à venir ) d’une solide maîtrise, d’une parfaite fluidité et d’une grande poésie, sur un sujet qui n’en recèle a priori pas. La nature y impose sa présence bienfaisante et éternelle ; ses montagnes boisées, ses labyrinthes de verdure protègent du soleil ou se transforment en féeries enneigées, au gré des saisons. Le camphrier de 300 ans accueille encore les vœux traditionnels de respect et de fidélité des futurs époux. L’eau de la rivière Fuchun s’écoule inlassablement et accueille bateaux de pêcheurs et baigneurs en quête de fraîcheur. La caméra file en longs travellings, se déploie en plans séquences maîtrisés. Éternité et harmonie.

      Au cœur il y a une famille. Par touches intermittentes, Gu Xiaogang nous plonge dans le quotidien souvent difficile de chacun des membres de cette famille. Et nous sommes touchés par l’authenticité qui en émerge. Nous sommes touchés par la dure vie de pêcheurs sur le fleuve Fuchun, aujourd’hui pollué, et dont l’abondance d’hier assurait un salaire décent. Touchés par le courage du fils aîné, restaurateur chargé de responsabilités et partagé entre l’ambition de sa femme et le bonheur de sa fille. Touchés encore par la vie compliquée du troisième frère, joueur criblé de dettes, qui doit s’occuper seul de son fils trisomique. Touchés toujours par ces mères surchargées de travail, par la peine de cette jeune fille qui doit choisir entre sa famille ou l’homme qu’elle aime, par le chagrin de cette belle grand-mère, consciente de ce qui se joue autour d’elle malgré ses pertes de mémoire. Et que dire de ce quatrième frère, dont l’esprit simple ou tout simplement différent, ne lui permet pas de trouver sa place au sein de la fratrie, ni de femme comme on le lui conseille fortement. Ou encore de cette amie de Guxi qui a magnifiquement réussi sa vie professionnelle, a épousé l’homme de son choix mais ne s’est libéré de l’emprise familiale que pour se rendre prisonnière de la société pour laquelle elle travaille sans compter, sous peine d’être remplacée.

      Tout est montré des difficultés rencontrées par cette frange de population qui, selon le réalisateur, concernent soixante-six pour cent des Chinois. La vie n’est pas toujours facile mais ils gardent leur courage et leur dignité.

      Dans ce contexte, les personnages parlent beaucoup d’argent : argent gagné ou à gagner, perdu, prêté, emprunté, non remboursé. Source de soucis et parfois de conflit, s’il parvient à entamer l’unité de la cellule familiale, il ne parvient jamais à la casser. Quelque chose est plus important. Un sentiment profond de respect et d’amour semble la traverser et garder ses membres solidaires. Le cinéaste pose sur ses personnages, un regard bienveillant et sans jugement. Chacun a ses raisons et chacun les comprend. Les mutations urbaines et sociales bouleversent les traditions et les mentalités. Un mode de vie est en train de s’effondrer, à l’image de ces chantiers de démolition qui déchirent la ville et génèrent la spéculation. Ne restera de ce passé qu’un album photos sauvé par le quatrième frère. Trente ans de vie rasés en trois jours.

      Dans ces conditions, le citoyen chinois aurait un rêve : posséder un appartement neuf dans les quartiers rénovés et une voiture. Les mères chinoises ont une obsession : un bon mariage pour leur enfant unique, sujet et objet de préoccupation. Mais dans cette Chine instable, la jeune génération aura des choix à faire, semble dire Gu Xiaogang. Emboîter le pas de l’ascension sociale, de la modernisation, du consumérisme conduisant au bonheur standardisé, livré clés en main avec l’achat d’un appartement luxueux ? Ou bien décider de son chemin de vie, suivre son désir profond ?

      La question n’est pas chinoise mais universelle. C’est peut-être cette question que s’est posée le cinéaste. Diplômé en stylisme et marketing, sans formation cinématographique classique, il a pris la décision de réaliser ce film avec la seule force de son désir, de son courage et de sa volonté.

       C’est avec impatience que j’attendrai le volet 2 ; impatiente de retrouver cette famille à laquelle je me suis attachée, deux heures et demie durant, sans un seul instant de relâchement d’attention.

Marie-Annick

It Must Be Heaven-Elia Suleiman(2)

Elia Suleiman, merci pour votre si beau regard triste et malicieux mais implacable sur le monde des Hommes .

En introduction au dossier de presse de « It must be heaven » Elia Suleiman a inscrit un vers du poète palestinien Mahmoud Darwich :

« Où s’envolent les oiseaux après le dernier ciel »

Ces mots résument bien la quête qui sous-tend le film, celle qui déchire un réalisateur qui est né en 1960 à Nazareth et qui se revendique palestinien de Palestine, comme l’affirme l’acteur Gael Garcia Bernal, présentant son ami Elia à une productrice américaine. Au fil des années, il a vécu dans sa ville natale Nazareth, à New-York, à Jérusalem et à Paris. Bien que n’ayant réalisé que quatre longs métrages en 23 ans, tous ses films ont été salués par la critique et projetés dans les plus grands festivals.

Son originalité artistique tient au fait que dans tous ses films c’est lui, son corps ( avec ce si beau regard !!) son beau visage, sa ville natale Nazareth et même sa maison avec la terrasse et son jardin planté de citronniers, ses parents, qu’il filme inlassablement comme s’il avait peur que cette réalité s’évanouisse ? D’ailleurs le temps est à l’oeuvre puisque après avoir vu les parents et leur fils Elia en 1996 dans  » Chronique d’une disparition » puis la maladie du père ainsi que son décès on voit dans  » Le temps qu’il reste » 2009 la maladie de la mère et dix ans plus tard nous voyons Elia trier les affaires de sa mère dans sa chambre, avec la Vierge sur la table de nuit, allusion à sa famille chrétienne et non musulmane et finalement se débarrasser du déambulateur et des affaires de la défunte mère.

Une page est donc tournée, il ne reste que la maison familiale qui ouvre et clôt le film, 23 ans ont passé, le cinéaste a bien tenté de résister à l’occupation toujours plus forte d’Israël, par ses images non violentes mais le constat est là, sa ville natale est arabe israélienne et le temps n’a fait apparaître aucune solution.

Reste le ciel, l’espace où l’on peut s’envoler vers un monde qu’il imagine plus paisible et humain loin des violences et de l’armée qui caractérisent le conflit israélo-palestinien. A Paris d’abord où il vit depuis quelques années et New-York où il a vécu plus de dix ans.

C’est ainsi que munit d’une paire d’ailes ( cf l’affiche du film de Floch) une série de saynètes aux images centrées sur la figure de clown-triste E.S nous promène de Paris à New-York. Ce personnage qui est le double de l’auteur et qui s’appelle E.S est interprété par le réalisateur. » Je ne peux pas envisager de ne pas jouer dans mes films. Car j’y mets toutes les facettes de ma personnalité : ma vision de réalisateur bien sûr, mais aussi mon jeu d’acteur, mon aspect tragique, mon côté comique et mon goût pour la rêverie. Je veux tout à la fois réaliser et jouer car je garde un réel espoir sur le pouvoir du cinéma ».

Pourquoi ce personnage est-il muet ? ( il ne prononce que les mots Nazareth et palestinien dans un taxi ce qui permet le jeu de mots sur Karafat/Arafat ). Muet car c’est l’expression d’un refoulement, d’un interdit de la parole, de la difficulté de s’exprimer ancrée dans son enfance ( par exemple l’occupation de la Palestine est un sujet tabou).

…Et dans tout son film les SONS remplacent les MOTS .

E.S est un observateur mutique, un témoin pensif avec son chapeau ( il en a toute une collection ) ses yeux écarquillés, rieurs, réprobateurs , ses sourcils levés etc.. quel visage et quel regard ( comparé souvent à Tati, Keaton) . Ses méthodes de travail et façons de filmer n’ont pas changé. Tout part de l’observation minutieuse du réel qu’il note dans des carnets. Ses films sont construits par une succession de tableaux de la vie quotidienne, le plus souvent en longs plans fixes, garnis de gags répétitifs ( ici les poursuites avec les policiers dans tous les lieux qui évoquent bien sûr l’occupation son pays, la présence récurrente des armes sous toutes ses formes et lieux, du cheval de la garde à Paris au bazooka new-yorkais..les chorégraphies).

Ses films sont caractérisés par l’ABSURDE. Le sens de l’absurde permet d’échapper au tragique, au pessimisme . Il utilise aussi la durée et la fixité des plans ainsi que la discontinuité de la narration. Par exemple, pour la mesure de la terrasse de café à Paris par les policiers la scène est coupée puis reprise. Idem à New-york pour la poursuite de l’ange Femen avec le drapeau peint et l’inscription  » Free Palestine « .

Sur l’HUMOUR qui est une règle mais surtout une ARME. Quant il claque la porte sur le pilote  » bienvenue à Paris » la scène avec le Samu 75 et le SDF  » Alors monsieur pour le déssert panacota ou tiramitsu au chocolat » ?. Et lorsqu’il quitte l’Amérique avant de rejoindre Nazareth, la trop drôle scène ( virtuelle ) du contrôle à l’aéroport où E.S confisque l’appareil de sécurité et nous donne des images de twirling. Mais c’est une référence à  » Intervention divine » où il se moque des checks points israéliens. Souvent il y a un deuxième degré de lisibilité du film ..

Elia Suleiman est vraiment un formidable cinéaste qui nous dit que le monde se palestinise ( mauvaise nouvelle ) que la Palestine n’existera pas de son vivant ( ce pourquoi les palestiniens boivent pour se souvenir) mais il nous dit aussi à la fin de son film, où de jeunes filles et garçons dansent avec énergie et enthousiasme sur le tube  » Arabi ana, Je suis arabe, moi » que l’espoir existe et que la vie continue… ( bonne nouvelle finale ).

Françoise

P.S : et…Merci à Marie-Odile pour son beau texte, ci-dessous, dans le Blog des Cramés de la Bobine.

It Must Be Heaven-Elia Suleiman

Prix Fipresci et Mention spéciale du jury au Festival de Cannes 2019

Soirée débat mardi 4 février 2020

Film palestinien (vostf, décembre 2019, 1h42) de Elia Suleiman avec Elia Suleiman, Gael García Bernal et Tarik Kopty

Présenté par Françoise Fouillé

Synopsis : Elia Suleiman fuit la Palestine à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil, avant de réaliser que son pays d’origine le suit toujours comme une ombre. La promesse d’une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l’absurde. Aussi loin qu’il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui rappelle sa patrie.

Un conte burlesque explorant l’identité, la nationalité et l’appartenance, dans lequel Elia Suleiman pose une question fondamentale : où peut-on se sentir  » chez soi  » 

Ça doit être ça le ciel : Joie rythme lenteur surprises tristesse sourires petites histoires drames et gags, entre une première « non-image » nourrie de gris et de chants religieux venus du fond des âges et une dernière « non-image » nourrie des mêmes gris intenses relevés par des chants arabes aux accents de techno.

Au début et à la fin, l’image est absente, seule la musique nous parle. Et la musique résonne au plus profond de nous. Est-ce l’impossibilité de voir ou le refus de voir, ou encore l’ivresse de l’imagination. La Palestine existe-t-elle ? Où existe-t-elle ? Dans sa tête ? Dans nos têtes ?

La présentation de Françoise, brillante, nous a préparés. Après le film, beaucoup participent, s’expriment. Il est question de Tati, de Buster Keaton…  ah ! Et de l’oiseau, de ce petit oiseau sur la table de Suleiman dans son hôtel de Paris. J’y vois la métaphore de l’écrivain, un double de Suleiman, lui-même, qui regarde et observe, et toujours est attiré par la machine à écrire, l’outil de création. 

–Non ! C’est celui qui gêne le créateur, celui dont il faut à tout prix se débarrasser !

– Est-ce que cet oiseau chassé d’un geste de la main ne vous fait pas penser au chariot de l’ancienne machine à écrire qu’il faut chaque fois ramener au début de la phrase?

– Oui ! Le mouvement du chariot de la machine, c’est ce rythme poétique d’un temps où les machines à écrire avaient besoin pour fonctionner d’un ruban et de petits marteaux et non d’une image de pomme entamée bien en évidence sur le couvercle de l’ordinateur portable. 

-Mais cet oiseau, Suleiman le chasse et l’oblige à sortir par la fenêtre. Est-ce une libération ? Une expulsion ?

– Pourquoi pas les deux à la fois ? L’oiseau s’envole, et avec lui notre clown triste, en avion. Les lignes qui barrent le ciel menacent de l’enfermer.

Françoise nous a prévenus. Ici règne l’absurde ! Chaque situation sans issue devient pirouette et libération : La célébration de la Passion en grande pompe se heurte à une porte fermée et devient farce. Le balcon d’où Elia Suleiman observe son voisin en train de cueillir les citrons de son jardin devient castelet de guignol. Le voisin, ici chez lui semble-t-il, se sert. Il taille le citronnier, va garantir une récolte formidable pour l’an prochain. Instinctivement, j’y vois l’Israélien, le colon. Mais ce même voisin prend aussi soin du jeune citronnier. Est-ce un rêve de cohabitation pacifique ?

Le chasseur, la femme et ses marmites,  les figuiers de barbarie sur le flanc du coteau, les oliviers de l’autre côté du chemin, et le regard intense de l’observateur : un sourcil bouge imperceptiblement, un sourire se dessine et s’interrompt, les narines frémissent. C’est ce regard qui nous fait survoler la mer et l’Europe et arriver à Paris.

Aux déambulations rituelles de la femme pieds nus avec ses deux marmites succèdent celles des Parisiennes légères et court-vêtues devant la terrasse du café. Le défilé de mode n’est pas loin : une vidéo en boucle dans la maison de haute couture face à la fenêtre de l’hôtel. Le regard critique, amusé, incisif et tendre balaie les rues de Paris, les jardins du Palais royal, la lutte des chaises, les chars, les policiers, le SDF et l’ambulance, et le 14 juillet en démonstration des forces armées, puis il confie son élan à l’oiseau tout petit et l’envoie à New-York, pour chercher plus loin encore cette liberté qu’il s’acharne à rêver.

 Mais quelle pagaille ! Les Américains sont armés jusqu’aux dents. Les Palestiniens exilés en liesse ovationnent leurs orateurs  et empêcheraient la tenue du congrès si la proposition d’un clap unique à chaque nom ne réussissait à limiter leur ivresse. Le chauffeur de taxi est émerveillé de transporter un Palestinien, un « Jésus de Nazareth », la femme-ange, dans le parc au bord du lac se retourne, le drapé tombe de ses épaules. Des policiers d’opérette se lancent à sa poursuite et au moment où ils croient la tenir, elle a disparu. Ne restent que les ailes. Ces ailes qui permettent sans aucun doute à Elia Suleiman de repartir pour Nazareth. Où est la Palestine ? Est-ce que le monde entier ne marche pas sur la tête ?

Marie-Odile

P.S : Les jeunes dans la boîte de nuit dansent et fêtent et chantent à tue-tête : La Palestine existe ! Ils le crient. Elia Suleiman, confiant, referme les yeux : ça doit être ça le ciel.

Gloria Mundi Robert Guédiguian

Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour Ariane Ascaride à la Mostra de Venise 2019

Film français(novembre 2019, 1h47) de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Anaîs Demoustier, Robinson Stevenin, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet et Diouk Koma.

Présenté par Laurence Guyon le 28.01.2020

Synopsis : Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria.
Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie… 
En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider.

Au centre de Gloria Mundi  « Cash Service », qui nous dit  quelque chose sur l’état du monde d’aujourd’hui.   Aurore et Bruno  sont les petits chefs d’une entreprise qui porte en elle le signe d’un changement économique, le signe d’une économie de récession.  Economie de récession ? Oui,  pour une  partie croissante de la population, comme le disait l’un de nos Présidents, il  existe une fracture sociale. Et c’est le choix de Robert Guédiguian  de nous la montrer. 

Ce magasin est donc emblématique de la société actuelle, qui ayant perdu une large part de son industrie, propose essentiellement du travail dans les secteurs de service,  souvent de seconde main et quelquefois du travail au noir et pour une large part sous-payé et à durée déterminée.  Dans ce film,  Aurore (Lola Naymark, magnifique !) et Bruno (Grégoire Leprince Ringuet) les patrons sont chargés de bien cyniques et méchants rôles. Leur langage des affaires  singe à s’y méprendre le sabir du management actuel, à moins que ce ne soit l’inverse.

À côté,  il  y  a Sylvie (Ariane Ascaride)  la mère, Richard, le père (Jean-Pierre Darroussin) et Mathilda (Anaïs Demoustier), la fille aînée. Comme 75% de la population française ces gens travaillent  eux aussi dans le secteur tertiaire. 

Et, dans ce secteur tertiaire, on rencontre forcément la précarisation des emplois.  Elle explique la naissance prometteuse d’Uber dont Nicolas (Robinson Stevenin, bon sang ce qu’il ressemble à son père !)  est le représentant dans le film. Nous verrons que c’est un  travail  qui pour ne  pas être celui  d’un bras cassé, peut le devenir.  

Robert Guédiguian, montre la dynamique de déclassement/relégation des classes moyennes, mal payées,  précarisées, à la merci de tous les coups, fragilisées sans rémission possible, dont  même les lieux de vie  sont progressivement détruits ou bouleversés.

Et au total, un monde où ces classes moyennes paupérisées sont désunies à tous les niveaux, familial (Mathilda/Aurore), professionnel (Sylvie /ses collègues de l’équipe de ménage) (Nicolas/les chauffeurs de taxi).

L’arrivée dans le film du ténébreux Daniel (Gérard Meylan qui n’a aucunement à forcer le jeu) donne au film la touche romanesque dont il avait besoin pour ne pas être seulement  un inventaire de la misère du monde.

Avec ce film,  Robert Guédiguian  demeure dans sa veine réaliste, mais il semble que l’étau se resserre. Je me souviens par exemple, de Marius et Jeannette, le premier film que j’ai vu de lui (et en avant-première svp), les pauvres y étaient facécieux, parfois un peu roublards,  ils avaient de l’humour et pouvaient se défendre. Ce n’est plus le cas.

Gloria Mundi  m’apparaît d’abord comme  la nostalgie d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.  Celui où tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Un monde qui tenait sur ses deux jambes. L’une, le profit et  l’enrichissement  continu par le  travail. L’autre,  la consommation avec pour  seule limite, un « pouvoir d’achat » qui n’était pas immuable, compte tenu d’une croissance exceptionnelle.  Une époque où  commence une ferveur quasi religieuse  pour le veau d’or de  la consommation.   

Tout cela s’accompagnant de solidarités humaines,  de famille,  de quartier de travail et de classe sociale …   Bref, de lien social.   La vision du Monde  de Robert Guédiguian c’est un peu celle de  la fin du  bonheur des boomers.  (Génération de nombreux Cramés de la Bobine, dont je suis)

Robert Guediguian comme son aîné Ken Loach réalise un cinéma de très bonne facture, mais qui est aussi celui d’une génération  un peu aveugle sur elle-même, son mode de vie et qui voudrait tant que ça continue.  Le film porte aussi  la vision un peu masochique d’un peuple qui subit et ne peut que subir face à un « système » tout puissant. 

Il serait intéressant que des gens de la nouvelle génération, tels Matthieu Barreyre (L’époque) ou d’autres, qui probablement ont un autre rapport au monde, nous parlent du même sujet avec le regard de  leur âge.

Mais revenons à Gloria Mundi,  pour notre bonheur  Robert Guediguian fait jouer ses acteurs fétiches, qui sont à chacun de ses films, un peu les nôtres, ils sont bons et crédibles, et on est heureux de voir que sa famille s’agrandit.

Georges

En Bref

Vu 1917 de Sam Mendes, un oscar possible!

Je lis que depuis American Beauty en 2000, Sam Mendes n’avait jamais été aussi près d’un Oscar. En fait, c’est un film dont le scénario ressemble un peu à un scénario de jeu vidéo. Alors, Amis gameurs bonne séance!

Georges

PS : 10 février, vu la remise des Oscars, mixage et son et effets spéciaux pour Sam Mendes. Tout à fait d’accord 🙂

An Elephant sitting Still- HU-BO

4 heures presque ! vous n’allez pas aller voir ça? 

Vous auriez tort ! Il faut absolument chercher à le voir maintenant.

Film du Festival Télérama à l’Alticiné de Montargis, dernière séance hier! Si vous ne l’avez pas vu, vous ne mesurez pas ce que vous avez perdu! Un film qui raconte la Chine, celle des déclassés des mégalopoles. Quatre personnages que le destin amène à différents instants à avoir quelque chose à vivre ensemble. La toile de fond, une Chine de polar, des rails de chemin de fer, des voies routières, des entrepôts et friches de terrains vagues, des maisons pauvres et sales…la « glauquitude » des choses… Et le bruit de la ville, un bruit et hors champ sans doute l’odeur.

Et cette manière de tourner, cette caméra qui tourne autour de ses personnages sans en avoir l’air, plans de visages, plans moyens. Jamais acteurs n’ont été autant filmés de dos, et ça nous semble naturel, nécessaire. Tout ce qui ne joue pas ou pas encore est flou. Alors moche? Non, très très beau au contraire, une chorégraphie. Quelques plans fixes qui nous mettent en attente, tout cela bien dosé, parfaitement équilibré. Il y a dans ce film sombre, une beauté lunaire, quelque chose de précieux, qui me semble unique, je n’avais jamais rien vu de semblable. La musique qui accompagne le film ? Parfaite.

-Le scénario ? du souffle! et avec ses ellipses, pas de gras- Dans cette Chine/Monde, quatre personnages dont les rapports au monde sont presque toujours déterminés de l’extérieur, comme le serait un éléphant assis. Personnages conduits par l’effet de lieu, de rôle social, de position, pris dans le tourbillon de la vie . Ils ne peuvent arriver qu’à cette conclusion :  » à côté, ce sera pareil »…Etre humain, où qu’on soit, est chose difficile, mais là… Ce film bouleversant est un exceptionnel moment de cinéma!

Peu après ce film Hu-Bo a mis fin à ses jours, il avait 29 ans. Plus rien derrière, un gâchis!

Georges

J’accuse-Roman Polanski

Soirée débat
lundi 6 janvier 2020 à partir de 18h

Présenté par Claude Sabatier en présence de Charles Dreyfus petit fils de Alfred Dreyfus (1).

La projection du film précédée d’une conférence d’Alain Pagès sur « l’Affaire Dreyfus au cinéma ».

Film français (novembre 2019, 2h12) de Roman Polanski
Avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Didier Sandre, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric …. 

Synopsis : Pendant les 12 années qu’elle dura, l’Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier.
Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXème siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées.
A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus. 

Heureuse soirée du 6 janvier,  Claude Sabatier et les cramés de la Bobine présentaient  J’ACCUSE,  de Roman  Polanski.  Claude  avait invité Alain Pagès, spécialiste de Zola et d’Alfred Dreyfus,  ainsi que Charles Dreyfus le petit-fils d’Alfred. Du coup la Salle 3 était   comble et un peu juste pour cette soirée-conférence, film, débat.

 Si l’on en juge par le succès du film, l’affaire Dreyfus demeure  un lieu de mémoire.  Et s’il avait fallu une image pour décrire le souffle de l’Histoire et son empreinte sur les histoires de vie, il suffisait à chacun d’apercevoir Charles Dreyfus petit-fils, cet homme nonagénaire, dont le port, l’attitude et la vivacité du regard  rappellaient ceux de son grand-père . 

La conférence d’Alain Pagès portait sur la filmographie de l’Affaire et ses différentes approches. Elle préparait bien au film, nous n’en comprenions que mieux les choix scénaristiques de Polanski conçu à partir du roman de son co-scénariste Robert Harris. L’originalité de « J’accuse »   a consisté à décaler le point de vue du récit, nous montrer Dreyfus sous le prisme de Picquart,  et de choisir la forme thriller pour donner du mouvement au film, le sortir de la case documentaire où il aurait été aisé de l’y laisser-aller. Il y a dans cette démarche une volonté de distanciation. Picquart face à un dispositif : le haut commandement de l’armée,  ses serviteurs  et  à son idéologie. Idéologie qu’il partage entièrement antisémitisme compris, à un détail près : Il considère que la vérité l’emporte sur toute autre considération. Ce détail changera le cours de l’histoire.

Alain Pages nous dit que par souci d’équilibre et de raccourci, le scénario  a modifié légèrement certains faits, mais que globalement, l’exactitude historique prévaut.  Nous y reviendrons.

Il ajoute que  les décors et scènes s’inspirent de l’imagerie des journaux de l’époque et on a tous en tête « le petit journal » dont on peut apercevoir des exemplaires chez les bouquinistes.  Dans ses films, Roman Polanski, est un maître de l’imaginaire autant que de l’image. Avec lui nous y sommes.  

Sur le plan technique, il travaille avec des techniciens fidèles et talentueux  à commencer par Pawel Edelman son Directeur Photo qui a été de presque tous ses grands films,   Hervé Deluze le chef monteur, idem  et Jean Rabasse son chef décorateur qui n’avait travaillé que pour  deux films avec Polanski, mais dont le CV est impressionnant. S’il n’était à ce point chargé d’histoire, ce film pourrait n’être regardé rien que pour ses décors,  ses plans et  changements de plans,  son habileté de montage. Tout cela dégage une impression de fluidité, de clarté saisissantes,   et de force. À l’extrême, l’image donne presque une impression de rutilance et de style pompier (au bon sens du terme). 

Nous avons aperçu  avec surprise ce que pouvait voir Alfred Dreyfus debout dans le Bureau d’un Général : Pimpante et victorieuse,  la Tour Eiffel, souvenir de l’exposition Universelle de 1889. Dreyfus devra peut-être quelque chose à l’exposition suivante, celle de 1900. Par cette affaire  la France faisait parler d’elle en des  termes exécrables dans la presse internationale, fâcheux retentissement. Lorsque fin  1899, il obtient la grâce du Président Émile Loubet… Il était temps. 

Les acteurs : D’abord, il y a Jean Dujardin magnifique dans ce rôle principal du Lieutenant-Colonel Marie-Georges Picquart, ensuite tous les personnages jusqu’au  moindre d’entre eux sont impeccables. Pour Louis Garrel en Capitaine Alfred Dreyfus, il faut dire « chapeau » au directeur de casting et au maquilleur…et à l’acteur. La métamorphose  est confondante, il est Dreyfus. La preuve ?  Charles Dreyfus le petit-fils dans la salle, parmi nous,  se tenait comme lui !  

On voit aussi par brèves incursions, la populace écumante,  avec ses violences, ses invectives. Ce qu’on ne voit pas ou peu,  c’est la presse déchaînée telle celle de l’action française.  Mais quel casting, le moindre rôle occupe tout l’espace.   Je me souviens celui du Professeur Bertillon (Denis Podalidés) graphologue de circonstance et de ses théories fumeuses…Sa fumisterie. Ou encore dans un rôle essentiel Grégory Gadebois interprétant le Commandant Hubert Henry , ce courageux serviteur issu du rang, faussaire de circonstance, capable de se battre comme un chien pour l’armée, prêt à n’importe quels coups bas pour cette (mauvaise) mère.

Et puis il y a l’histoire, et justement,  celle de Roman Polanski est originale. Il filme moins la vérité en marche, que le courage  et le prix de la vérité et a contrario, la puissance radicale et aveuglante du mensonge, avec ses faussaires falsificateurs de tous poils. (Aujourd’hui pour moins que ça, on parle de « post-vérité » !)  Il montre moins le Capitaine Dreyfus que les passions folles qui s’exercent autour de lui  dans le milieu militaire. Moins le bouc émissaire que les sacrificateurs. Et il donne des visages aux persécuteurs, ceux d’ailleurs identifiés par Zola dans « j’accuse ». Et tous ces gens forment pour l’essentiel, une caste d’officiers généraux et supérieurs, vaincus mais altiers, populaires  et aimés,  pétris de tradition catholique,   antijudaïque…Tout comme Picquart d’ailleurs.    

Impossible dans ce film de séparer le fond et la forme, le fil de l’histoire, la manière passionnante dont elle est racontée, dont elle s’enchaîne, les dialogues, toujours brefs et signifiants, la musique d’Alexandre Desplat, le refus du pathos,   tout  est là pour en faire une merveille. 

 Je voudrais toutefois revenir sur un point qu’Alain Pagès considère juste comme un raccourci. On voit le lieutenant-colonel Picquart, s’entretenir avec Emile Zola, lui suggérer d’agir, lui en démontrer la nécessité.  Cette nécessité qui deviendra pour Emile Zola aussi intime que celle de Voltaire pour Callas. Et d’ailleurs, l’aura  et le charisme de Zola plane sur toute l’histoire. Mais tout de même il faut le rappeler, l’homme qui a aiguillonné Zola, c’est Bernard Lazare. Signalons que le texte de  « J’accuse » en forme d’anaphore dont le film porte le nom lui doit beaucoup. Zola  lui a donné  sa forme  définitive  et l’a incarné, avec sa stature et son courage. Et près de Zola,  il faudrait ajouter son ami Octave Mirbeau…  Ce bémol est peu de chose, peu en regard de ce que montre ce très grand film. 

Les blancs dans le récit…Les intellectuels, les politiques, la presse, le peuple, l’église, l’antisémitisme endémique européen et ici français, constituent un hors-champ béant et volontaire. 

Le film montre le courage, celui de résister,  et ce courage définitivement minoritaire n’est pas seulement symbolique et moral, il est aussi physique.  Celui du Capitaine et des siens, de Fernand Labori, l’avocat de Dreyfus, de Zola… Et enfin celui  de Picquart dont on peut discuter bien des traits,  mais qui lorsqu’il a  découvert qu’il avait fait erreur et qu’il avait été trompé, est devenu celui par qui  le scandale a pu se manifester…et il fallait  être capable d’en supporter les conséquences. 

Après la conférence d’Alain Pagès on connaissait les originalités de ce film « J’accuse », il  figure en bonne place parmi tous ceux sur l’Affaire Dreyfus.  On peut dire que Roman Polanski dont nous avons fait une rétrospective en 2015 a réalisé une fois encore un film qui compte ! 

Noura Rêve- Hinde Boujemaa


Film tunisien (novembre 2019, 1h30) de Hinde Boujemaa avec Hend Sabri, Lotfi Abdelli et Hakim Boumsaoudi 

Synopsis : 5 jours, c’est le temps qu’il reste avant que le divorce entre Noura et Jamel, un détenu récidiviste, ne soit prononcé. Noura qui rêve de liberté pourra alors vivre pleinement avec son amant Lassad. Mais Jamel est relâché plus tôt que prévu, et la loi tunisienne punit sévèrement l’adultère : Noura va alors devoir jongler entre son travail, ses enfants, son mari, son amant, et défier la justice…

Présenté par Georges Joniaux 07.01.2020

Le nœud du film (si l’on peut dire)  est à son milieu, lorsque Jamel pénètre dans le garage et viole  Lassad l’amant de sa femme. Cette vengeance  inattendue ainsi que la contre mesure immédiate de la victime Lassad, qu’on ne comprend pas tout de suite, sont  du vrai cinéma. En effet, Lassad pris d’un élan machiavélique, organise le vol et déprédations de son propre garage pour en accuser Jamel et ainsi se venger de la violente humiliation par justice interposée. Cette séquence sépare le film en deux. 

Il y a d’un côté Noura, la femme adultère qui fuit le risque d’être condamnée par la loi à 5 ans de prison si son mari la dénonce. C’est-à-dire subir les foudres d’une institution répressive, basée sur la prohibition  de l’infidélité, afin de préserver les familles. (Et qui paradoxalement n’hésite pas à emprisonner, ce qui n’est pas des plus protecteur pour la famille en question! )

Il faut alors préciser que cette loi est d’apparence égalitaire, dans la mesure où seraient théoriquement réprimés autant les hommes que les femmes. Ajoutons que le conjoint trompé peut à tout instant interrompre la procédure avant la sentence, ce qui en d’autres termes transfère un immense pouvoir « de négociation » au conjoint trompé. Or les femmes n’utilisent jamais cette loi, alors que les hommes le font. Et le comportement de Noura, est fortement déterminé par les potentialités répressives de cette loi. Elle va induire pour une large part, sa manière de composer avec son mari, son amant, ses enfants, la justice. Pour une  part seulement car nous constatons que sa démarche de divorce est autant dissimulée au mari que ne l’est sa liaison. Tout cela contribue à transformer une femme ordinaire, avec ses sentiments et son projet de vie meilleure, en équilibriste, en menteuse et donc la diminue.

De l’autre côté donc,  ce n’est plus de la loi de l’État dont il est question mais de la loi de l’homme dans sa famille. Ici l’homme est un délinquant, un voleur de profession. Sa vengeance lorsqu’il apprend que sa femme le trompe est déconcertante et il faut l’espérer peu coutumière. (Sinon, comme Lassad, beaucoup parmi les hommes se sentiraient alors obligés de se promener avec dans la poche un certificat médical de virginité anale !). Ce qui est remarquable chez  Jamel, c’est qu’il n’est pas libre. Il exerce comme voleur dans une entreprise de Pick Pocket dont on voit que son patron (inspecteur de police) la gère d’une main de fer. Jamel est affectueux avec ses enfants, si ce n’est son  accès de violence d’un instant pendant lequel, il fiche toute sa famille dehors, sur le pas de la porte. Et cette violence lui appartient comme à la société, au milieu et à la condition dans lesquels il vit ;  elle est ordinaire. Quant à son choix de vengeance, sodomiser son rival pour l’humilier, il appartient à l’imaginaire social masculin,  l’inspecteur pourri ne lui dit-il pas en parlant de Lassad : « moi à ta place je l’aurais niqué ». Remarquons l’essentiel,  à aucun moment, dans son dépit,  Jamel cherche à  blesser Noura mais son choix de vengeance demeure tout verbal, il exclut totalement une  violence physique contre sa femme et à aucun moment il ne cherche à faire usage de la loi sur l’adultère. En d’autres termes, certainement à sa manière, il la respecte et il l’aime. Et peut-être, l’aime-t-il  mieux que Lassad, le possessif amant de sa femme.

Ce film nous montre l’enchevêtrement entre la loi nationale qui épouse comme un gant les us et coutumes de la gente masculine, remarquons alors les déterminants dans lesquels les personnages sont  piégés. 

Le principal d’entre eux,   c’est le sexe, le Phallus devrait-on dire. Ce viol de Lassad par Jamel est une manifestation phallique qui structure totalement cette société. Et au fond si Noura rêve que la loi ne vienne pas dans son lit,  si elle aspire seulement à être heureuse, dans un monde où les femmes et les hommes seraient égaux,  elle n’en vit pas moins dans une société dont l’imaginaire est aussi raide qu’un phallus.

Et c’est ce que démontre Hinde Boujemaa, une société qui n’a jamais pu se distancier des questions sexuelles, qui n’a jamais pu par exemple créer des œuvres d’humour  sur le libertinage ou l’adultère. Une société  où femmes et hommes sont figés dans des rapports de domination et de possession, sans distanciation possible par rapport aux questions de sexe. Et on suppose du même coup que l’interdit religieux, dont il n’est jamais question dans le film surdétermine tout cela. Une religion aussi raide que le genre de phallus qu’elle a produit en plaçant autant d’interdits dans les têtes et dans les lits.