Les Gardiennes de Xavier Beauvois

 

 

Du 4 au 9 janvier 2018
Soirée débat mardi 9 janvier à 20h30

Film français (décembre 2017, 2h14) de Xavier Beauvois avec Nathalie Baye, Laura Smet, Iris Bry et Olivier Rabourdin

Distributeur : Pathé

Synopsis : 1915. A la ferme du Paridier, les femmes ont pris la relève des hommes partis au front. Travaillant sans relâche, leur vie est rythmée entre le dur labeur et le retour des hommes en permission. Hortense, la doyenne, engage une jeune fille de l’assistance publique pour les seconder. Francine croit avoir enfin trouvé une famille…

Présenté par Jean-Pierre Robert

 

« Moi mon colon celle que je préfère, c’est la guerre de 14-18 » Georges Brassens

Bavardage sur les gardiennes,

Quel beau film ! Jean-Pierre soulignait à juste titre l’art de Caroline Champetier, le cadrage en général est superbe. Un film un peu trop léché, un peu lent, académique remarquent Laurence et d’autres spectateurs. Pour ma part, j’aime la forme de ce film, je n’aurais pas voulu le voir autrement. Il ne manquait dans le paysage que coquelicots, bleuets,  nuées de papillons et autres traces de vie désormais  éradiquées.

D’un champ à l’autre, le hors-champ de cette campagne, ce sont les champs de bataille. Et Jean-Pierre souligne le nombre de morts. Nous avons tous lu des ouvrages concernant cette « grande guerre », la plus suicidaire de l’histoire de l’humanité jusqu’alors. L’Europe puis le reste du monde n’y ont pas été de main morte. Le tableau des morts sur Wikipédia restitue la réalité sèche de la chose – Entre les empires centraux et les puissances alliées : Match nul — on se partage 18,5 millions de morts, on ne compte pas les blessés.

Montrer le monde paysan dans un film n’est pas si courant, guère plus que montrer le rôle des femmes paysannes durant cette guerre. Bien aussi de voir qu’elles n’ont pas seulement assuré (comme on dit) mais qu’elles ont su incorporer le progrès technique. Notons en passant, d’une guerre à l’autre, les transferts technologiques réciproques militaires et civils. Les inventions agricoles ont permis la fabrication d’armes de guerre létales, tout comme les inventions militaires ont favorisé le développement de la mécanique agricole.

Avec 14-18, l’idée de guerre et ses techniques imprègnent plus que jamais nos rapports au monde, elle est quasi culturelle.

Cette famille paysanne qui est le prisme a travers lequel se déploie toute cette époque furieuse, porte en elle, dans son malheur, cette même furie. Son mépris de classe, ses rapports inégalitaires, ses rancœurs et batailles de territoire, ses intérêts supérieurs ou prétendus tels. Et pour sa paix intérieure, ses consolations religieuses et patriotiques.

Les personnages paysans parlent peu. On est à une époque et dans un monde, où les mots ont une grande valeur, ils engagent. Quant aux acteurs, on remarque surtout le trio de femmes. A commencer par Nathalie Baye, Hortense, avec ses traits durs, sa sueur profuse et obligée sous les aisselles, ses calculs de boutiquiers, ses regrets et chagrins, ses passions tristes en somme… Laura Smet, Solange incarne un rôle difficile, être désirée et désirante, et être mieux que sa mère, une gardienne avisée. Un dernier mot pour Iris Bry qui incarne Francine avec sa vitalité,  volonté et  résilience, Iris sait exprimer tout cela et  davantage encore. Alors faut-il en vouloir à la directrice de casting de nous faire perdre une libraire ?

Ce film montre l’intime proximité de l’élan vital et de la mort instituée. Et au total, que gardent les gardiennes ? La place laissée vacante par les hommes et mieux encore…elles gardent l’ordre établi patriarcal, et préparent le monde technologique et  moderne de demain.

Un film bien écrit, avec de beaux plans, une belle musique (Michel Legrand), des personnages rares et justes, que désirer de plus, sans vouloir être trop présomptueux concernant ma mémoire, je tenterais tout de même de dire que j’ai vu ce soir un film mémorable.

Georges

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