L’ange Rouge – Yasuzo Masumura -(Notes)

Sur le titre « L’Ange Rouge » une proposition : rouge comme le sang et réminiscence de l’Ange Blanc (1931) : Lora Hart (Barbara Stanwyck) qui postule pour un emploi de nurse dans un hôpital puis obtient son diplôme d’infirmière ?

Coïncidence ? en 1939 Dalton Trumbo publie un livre « Johnny s’en va t’en guerre » (Johnny Got His Gundont il fera un remarquable film antimilitariste en 1971. Voici ce qu’en dit Wikipédia :

« Joe Bonham (Timothy Bottoms) est un jeune Américain plein d’enthousiasme. Il décide de s’engager pour aller combattre sur le front pendant la première guerre mondiale. Au cours d’une mission de reconnaissance, il est grièvement blessé par un obus et perd la parole, la vue, l’ouïe et l’odorat. On lui ampute ensuite les quatre membres alors qu’on croit qu’il n’est plus conscient. Allongé sur son lit d’hôpital, il se remémore son passé et essaie de deviner le monde qui l’entoure à l’aide de la seule possibilité qui lui reste : la sensibilité de sa peau. Une infirmière particulièrement dévouée l’aide à retrouver un lien avec le monde extérieur. Lorsque le personnel médical comprend que son âme et son être sont intacts sous ce corps en apparence décédé, ils doivent prendre une décision médicale selon les valeurs et les croyances de l’époque. »

Ce film est un chef-d’œuvre antimilitariste presque à l’égal à mon goût de « Les Sentiers de la Gloire » (Stanley Kubrick) ! 

En 1966, sort « l’Ange Rouge » il reprend ce thème qu’il transpose en 1938, Guerre du Japon contre la Chine. Ici, il ne manque à l’homme que ses bras (si l’on peut dire). L’infirmière (Sakura) joue le même rôle que celui de l’infirmière du roman de Dalton Trumbo. Elle va rendre à cet homme la dignité et le bonheur que la guerre lui a dérobé.

Dans l’Ange Rouge, Sakura est le principal personnage. Avant cette histoire de l’homme sans bras, elle se fait violer ou violenter par des soldats malades, et… Le lendemain elle est disponible pour le service. Plus tard, elle tentera en vain, de sauver son jeune agresseur principal d’une mort certaine

Ensuite, c’est un grand pas de les faire figurer, vient la séquence des « femmes de réconfort », nom donné aux prostituées pour les soldats : L’une d’entre elles est prise de vomissements, on suspecte le choléra. Sakura protège ces trois femmes avec autorité contre une bande de soudards venus réclamer leur dû. Que protège cette infirmière ? L’intégrité de la troupe ou par solidarité, ces pauvres femmes ? L’une d’elle, belle indifférente fume en attendant…Et là encore, retournons sur Wikipédia :

« Femmes de réconfort est l’euphémisme employé au Japon à propos des victimes, souvent mineures, du système d’esclavage sexuel de masse organisé à travers l’Asie par et pour l’armée et la marine impériales japonaises, en particulier durant la Seconde Guerre mondiale. L’emploi de ce terme est fortement contesté par les organisations qui exigent du gouvernement japonais des excuses formelles et des réparations, et préfèrent le terme non édulcoré d’« esclaves sexuelles ».

La guerre vue des infirmeries de campagne c’est des mourants, des futurs mourants, blessés viscéraux, et sans doute des grands brûlés qu’on laisse mourir, et ceux qu’on peut soigner, en gros, ce sont ceux qu’on peut amputer. (Depuis Ambroise Paré, rien de nouveau). Ils seront alors sauvés s’ils résistent à l’amputation et à ses suites. Ça ne fait pas bézef. « Sauvés » ils seront soustraits au peuple japonais, ne retourneront pas chez eux. Le mieux étant que la population et les familles ignorent cela.

…Dans ce film anti-miitariste, l’infirmière devient curieusement amoureuse du médecin-chirurgien déprimé qu’elle admire, il ressemble à son père. Puis elle va devenir la seule survivante d’une bataille contre les chinois.

Voici un film qui dénonce les horreurs de la guerre, d’une part, celle de cette sexualité et des amours morbides (ce qui est très bien vu) et d’autre part, des soldats en situation survie, mutilés ou attendant de l’être, s’il ne leur est pas donné de mourir « au champ d’honneur ».

Mais « L’Ange Rouge » est aussi comme l’observe Évelyne, un film qui véhicule une « certaine image des femmes » et j’ajouterai, toute une époque ! Il déplore une guerre comme il le ferait de toutes guerres. Cependant l’Histoire dit autre chose : « Pendant six semaines, de décembre 1937 à janvier 1938, les troupes japonaises perpétrèrent des atrocités à grande échelle, tuant plusieurs milliers de civils chinois, violant d’innombrables femmes, pillant et brûlant des propriétés ». 1938, Une abomination ! Un holocauste ! Très proche du nazisme européen qui commence alors à s’exprimer pleinement.

Image d’archives

Malgré ses passages gores qui caractérisent bien la guerre, on a tout de même l’impression que « l’Ange Rouge » fait de la condition des femmes une péripétie liée à la situation et qu’il soustrait de son champ les crimes de guerre japonais pourtant connus et documentés au moment du tournage. Alors, sans doute parce que nous sommes en 2022, ce film me laisse une impression mitigée.

Georges

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