GLORY de Kristina Grozeva et Petar Valchavov


Présenté par Georges Joniaux

Film bulgare (vo, avril 2017, 1h41) de Kristina Grozeva et Petar Valchanov avec Margita Gosheva, Stefan Denolyubov et Kitodar Todorov

 

 

Glory, digression sur la Slava

 « Give me back the Berlin wall

Give me Stalin and Saint Paul »

-Léonard Cohen-

Glory est l’histoire d’un cantonnier qui trouve un tas de billets sur les rails et les remet à la police, et il reçoit en récompense une montre « Glory » qui ne fonctionne plus au bout de quelques jours. Pour cette remise de montre, Julia la responsable de communication, ôte celle qu’il possédait et la garde « provisoirement ».

Tsanko possédait pour plus grand bien, une bonne vieille montre Slava (Glory), offerte par son père. C’est un objet à la fois précieux et précis, elle provenait de son père et elle ne bougeait pas d’une minute. Si on ne sait rien en effet des relations de Tsanko à son père, qu’on devine aimantes, on sait que les montres Slava telles qu’elles étaient fabriquées avant 1990 en Russie étaient robustes et précises, dotées d’une technologie particulière, le double barillet. (Nous pouvons facilement en apercevoir dans google sur différents sites). Après 1990, Slava est vendue à une société de Hong Kong, et c’est une autre histoire qui commence, comme commence alors, une autre histoire de la Bulgarie.

Cette Slava versus la montre « technologique et moderne » offerte par le ministre, nous parle assez bien de la situation des gens modestes du peuple bulgare. Depuis qu’il n’y a plus d’union soviétique, pour ces gens-là, les gens pauvres et modestes, les Tsanko je veux dire, à l’image de la montre « technologique » et contrefaite, ce qui marchait bien ne marche plus et ce qui prétendument devrait mieux marcher, ne marche pas.

Mais du coup, cette montre nous parle aussi de la culture et du cinéma en Bulgarie. Depuis 1990, l’industrie du cinéma est pauvre, en Bulgarie où réaliser une fiction long-métrage est un exploit… Elle ne possède plus de réseau de distribution, la production s’est effondrée. Par exemple, The Lesson le précédent film de Grozeva et Valchanov a été réalisé sans un sou. Si le financement d’état n’existe guère, le financement privé, guère davantage. On devine que ce cinéma qui dénonce les turpitudes actuelles des pouvoirs n’est pas exactement l’image qu’aimeraient renvoyer les puissances financières et politiques actuelles.

De fait, la production cinématographique Bulgare se présente sous la forme de deux où trois longs-métrages de fiction chaque année, mieux qu’en 1999 où elle n’en avait produit aucun. Glory nous raconte donc trois histoires en une, celle d’un humble cheminot, celle d’une société particulièrement inégalitaire et corrompue, et celle du cinéma et de la culture bulgares dépourvues de tout.

Et c’est une « gloire » des réalisateurs de montrer la corruption, de dénoncer cette violence envers les humbles, et sur un autre plan, de résister par leurs œuvres à cet appauvrissement culturel institué.

G.

PS : digression pour digression, on aurait pu aussi commenter Julia et sa FIV qui fait en quelque sorte le pendant de la montre de Tsanko. Les montres « technologiques » ne fonctionnent pas, la maternité non plus. (taux de fécondité 1,46). On s’épargnera d’autres données de santé publique.

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