Prix SACD à la Semaine Internationale de la Critique 2016 et Grand Prix au Festival du Film de Cabourg 2016Soirée-débat mardi 28 à 20h30
Présenté par Françoise Fouillé
Film cambodgien (vo, décembre 2016, 1h43) de Davy Chou avec Sobon Nuon, Cheanick Nov et Madeza Chhem
Synopsis : Diamond Island est une île sur les rives de Phnom Penh transformée par des promoteurs immobiliers pour en faire le symbole du Cambodge du futur, un paradis ultra-moderne pour les riches.
Bora a 18 ans et, comme de nombreux jeunes originaires des campagnes, il quitte son village natal pour travailler sur ce vaste chantier. C’est là qu’il se lie d’amitié avec d’autres ouvriers de son âge, jusqu’à ce qu’il retrouve son frère aîné, le charismatique Solei, disparu cinq ans plus tôt. Solei lui ouvre alors les portes d’un monde excitant, celui d’une jeunesse urbaine et favorisée, ses filles, ses nuits et ses illusions.
Je suis un peu restée sur ma faim.
A la fin du film, j’avais vraiment envie qu’il finisse, ce qui n’est pas super.
Pourtant, en y repensant …
Davy Chou a un style c’est indéniable, ses images et l’atmosphère qu’elles créent sont vraiment signées.
Mais ça ne fait pas un film (encore que quand on pense à « the Assassin »de Hou Hsiao-hsien …)
En plus des images en plans larges, ce qui m’a plu c’est de découvrir cette île et d’entendre le cambodgien, cette langue étrange : monocorde, faite de sons brefs qui collent évidemment aux attitudes, aux postures des personnages. Les visages aux traits immobiles filmés en longs plans fixes sont magnifiques. Dans ces yeux sombres qui nous regardent, en regardant bien on perçoit les émotions. Mais il faut bien regarder .
Le film commence par le départ de Bora de sa campagne si verte mais si pauvre. Les adieux à sa mère sont « en mode cambodgien » et même si on sait bien qu’en Asie, les effusions de peine ou de joie sont indécentes, ça fait quand même un drôle d’effet …
Il arrive avec son ami Dy à Diamond Island et, ce qui est pour ces travailleurs de chantier un enfer, commence.
Mais on ne voit pas cet enfer. Il n’est que vaguement évoqué et ça m’a gênée. La rudesse des conditions de travail des personnes arrachées à leur campagne, muées par leur pauvreté, pour construire des « fucking » palaces et autres gratte-ciels, est connue et il ne faudrait manquer aucune occasion de la montrer, sans forcément la souligner en gras, de la reconnaître. Ces jeunes sont pleins de vie et d’énergie mais tellement exploités, pressés comme des citrons, à Diamond Island ou à Palm Islands, qu’aucun d’entre eux ne se préoccupe longtemps d’être stylé ou pas stylé.
Ce n’est pas le sujet du film, soit.
Bora arrive à Diamond Island et son chemin croise celui de son frère Solei parti cinq ans plus tôt du village, sans laisser d’adresse, sans donner de nouvelles depuis et pour cause : il ne soutiendrait pas le regard de sa mère ni celui de son frère aîné sur ce qu’il est devenu. Bora croise donc par hasard le chemin de Solei, enfin, son chemin, non, pas son chemin car les personnages ne cheminent pas : pour simplement bouger il faut avoir une moto. Le chemin de Solei passe par la position de Bora. Pour bouger, il faut une moto, pour séduire une fille il faut une moto, pour chanter il faut un karaoké (les paroles des chansons populaires, c’est quelque chose !). Ils s’engluent dans « le progrès ». Solei a basculé de l’autre côté du pont. Bora choisira d’y basculer aussi après la mort de sa mère qui était sa référente. Pour se sortir de sa misère, il suivra Solei, il sacrifiera son amour pour Aza. Il roulera sans fin sur une moto phosphorescente avec une fille stylée derrière lui. A quoi bon ? Ca le mènera où ? Bora, comme Solei, a choisi et entérine, comme Solei avant lui, le fait que ceux des campements de Diamond Island, sauf rare exception dont Aza ne fera pas partie, sont condamnés à y rester.
Aza, qui n’a jamais, de sa vie, passé le pont, l’accepte. A-t-elle jamais vraiment cru à l’Amérique ? Elle reste à la place qui semble lui avoir été attribuée à vie et joue le jeu de l’épanouissement. En chantant avec Virak, son sourire très large est démoralisant.
Reste cet environnement monstrueux bâti au prix de tant de misère, de malheur, de déracinements, de solitudes.
Désespérant. Autant qu’ailleurs.
Marie-Noel