« De l’autre côté de l’espoir » d’Aki Kaurismäki

Meilleur réalisateurDu 27 avril au 2 mai 2017Soirée-débat mardi 2 à 20h30
Présenté par Marie-Annick Laperle

Film finlandais (mars 2017, 1h38) de Aki Kaurismäki avec Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen et Ilkka Koivula .
Titre original : Toivon tuolla puolen

Synopsis : Helsinki. Deux destins qui se croisent. Wikhström, la cinquantaine, décide de changer de vie en quittant sa femme alcoolique et son travail de représentant de commerce pour ouvrir un restaurant. Khaled est quant à lui un jeune réfugié syrien, échoué dans la capitale par accident. Il voit sa demande d’asile rejetée mais décide de rester malgré tout. Un soir, Wikhström le trouve dans la cour de son restaurant. Touché par le jeune homme, il décide de le prendre sous son aile.

Poignardé, avant de lâcher prise, de franchir cette dernière porte qui ouvre sur l’autre côté, Khaled espère encore : sa blessure n’est pas grave, d’ailleurs le pansement n’est pas souillé, il est « le meilleur des frères » et se rend au rendez-vous avec sa sœur Miriam
Puis il va se reposer, s’adosser à un arbre et il contemple ce paysage d’usines, de cheminées d’usine, de travail, de salut, d’espoir, là, juste là, sur la rive, de l’autre côté de cette eau, en compagnie  de la petite chienne, indésirable comme lui, qui devait se planquer comme lui.

Pourtant, la-bas, avant, de l’autre côté, il avait fait aussi de belles rencontres.
Dont Mazdak, le réfugié irakien qui espère depuis plus d’un an qu’on débloque sa vie, qui partage tout avec lui, les peurs aussi, qui l’aide à retrouver sa soeur et à s’arranger pour les papiers en 2 clics et quelques billets. Mazdak le conseille aussi sur le comportement à adopter pour être un « bon » demandeur d’asile : sourire, toujours, mais pas n’importe quand, n’importe comment. Surtout pas dans la rue, le métro ! pas devant tout le monde ! on le prendrait pour un fou ! Sourire quand alors ?
A Mazdak, Khaled, bon élève, se dira tombé amoureux de la Finlande … et pressé d’en partir !

On apprécie les dialogues bien écrits, on rit aux répliques caustiques semées  tout au long du film, on rit plutôt intérieurement, vite fait car, juste après, on est replongé dans le quotidien et ses tourments.
L’absence totale de sourires est frappante. C’est, paradoxalement,  dans les yeux de Khaled, qui vient de l’enfer d’Alep, qu’on voit poindre parfois une amorce de joie et qu’on voit sourire quand il tient sa soeur dans ses bras.
Les personnages finlandais, pourtant, jusqu’ici, de fait, du bon côté de l’espoir, ne sourient pas du tout.

Il n’y a aucun enfant.

De nombreux personnages, travaillés, étonnants, captivants, certains loufoques, peuplent ce film :

La femme en bigoudis attablée devant un beau gros cactus tout rond auquel elle a fini par ressembler, fumant devant le cendrier plein de mégots , la bouteille de Koskenkorva à portée de main, quittée par son mari, ailleurs

Calamnius, le portier, toujours resté célibataire mais, attention, par choix ! Vrai ? On en doute.

Mirja, la serveuse, droite comme un I, impeccable, en kimono aussi

Nyrhinen, le cuisinier de formation basique tendance conserves, sachant néanmoins s’adapter et élaborer des mets cosmopolites « revisités » avec beaucoup de fantaisie, qui a cette faculté rare, de dormir debout avec la clope au bec (tout le monde fume beaucoup dans le film) et ne rate aucune occasion de poser une louche sur son épaule gauche comme pour en écouter la douce musique ou bien pour la protéger des salissures …

les musiciens d’un autre temps

les joueurs de poker

l’infirmière qui, pour avoir su ouvrir une porte, au bon moment, devient salvatrice.

Et puis il y a Wikhstrom, Waldemar de son prénom, qui a voulu changer, qui a bazardé ses chemises, qui a quitté sa femme pour mieux la retrouver, qui a cru en sa bonne étoile et a tout misé sur l’avenir. Il gagne parce qu’il est lui, qu’il est généreux et qu’il a tout à perdre. Personnage magnifique, désemparé et bienveillant, main tendue à Khaled à qui il donne l’essentiel : la dignité en lui ouvrant son restaurant pour manger, y travailler, en lui donnant un toit, son local de stockage devenu donc un « palais ».

Mais, voilà, la peur de l’étranger, du « chamelier » est là, dehors, qui guette et qui terrasse.

La vie de Khaled, plein d’espoirs, s’ouvrait pourtant en grand angle sur le port noir d’Helsinki illuminé …

Ari Kaurismäki est entré dans le cercle pas fermé de mes Hommes préférés.

Marie-Noël

Laisser un commentaire