SOFIA – de Meryem Benm’Barek

Valois du scénario au Festival du film francophone d’Angoulême 2018 

Prix du scénario au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard

Du 25 au 30 octobre 2018Soirée débat mardi 30 à 20h30Présenté par Marie-Annick Laperle

 

Film marocain (vo, septembre 2018, 1h25) de Meryem Benm’Barek avec Maha Alemi et Lubna Azabal, Sarah Perles

Distributeur : Memento Films

Présenté par Marie-Annick Laperle

Synopsis : Sofia, 20 ans, vit avec ses parents à Casablanca. Suite à un déni de grossesse, elle se retrouve dans l’illégalité en accouchant d’un bébé hors mariage. L’hôpital lui laisse 24h pour fournir les papiers du père de l’enfant avant d’alerter les autorités…

Article de Marie-Annick *** Dossier de presse *** Bande annonce *** Horaires

Avant que le film ne commence, un article du code pénal marocain stipulant que les relations sexuelles hors mariage sont punies d’emprisonnement, s’affiche à l’écran. Aussitôt après, nous découvrons Sofia, le personnage principal, au cours d’un repas familial qui se tient dans le modeste appartement de ses parents. Dans la cuisine, sa cousine Léna constate avec effroi que Sofia fait un déni de grossesse et est sur le point d’accoucher.A travers l’histoire de cette jeune marocaine, la réalisatrice Meyriem Benm’Barek dénonce la condition des femmes dans son pays et plus particulièrement le cauchemar que vivent les 150 femmes qui accouchent chaque jour dans l’illégalité. Peu à peu, le film dévoile la pression exercée par les coutumes et les conventions, sur les destinées mais aussi et surtout la fracture sociale béante qui sépare la haute bourgeoisie et les milieux populaires.Car pour la réalisatrice, la condition féminine est le reflet d’un contexte social et économique. Pour illustrer son propos, Meyriem Benm’Barek situe l’action dans la ville de Casablanca , capitale économique où convergent tous ceux qui cherchent du travail ou une amélioration de leur situation. C’est aussi la ville la plus représentative du fossé qui sépare les riches et les pauvres. Nous suivons Sofia accompagnée de Léna et du nouveau-né, dans son parcours angoissant à la recherche du père, à travers le quartier populaire et malfamé de Derb Sultan. Rues encombrées, sombres, sans ciel visible, portes fermées, peintures écaillées ; tout contribue à créer une atmosphère plombée et des conditions de vie peu reluisantes. « Comment as-tu pu atterrir dans un tel quartier ? » Cette question posée par la mère de Sofia traduit tout le mépris et l’anéantissement qui envahit la famille entière. Comment affronter une telle honte ? Mais surtout comment sortir d’une situation qui va faire tomber à l’eau un projet financier qui permettrait à la famille de sa tante de devenir encore plus riche et à ses parents de sortir de la gène ? Le face à face entre la famille d’Omar ( le père présumé qui nie farouchement être le géniteur) et celle de Sofia qui vient demander réparation révèle un jeu de pouvoir subtil et pernicieux. Pour la tante, porteuse du projet financier, sa sœur, son beau-frère et sa nièce lui sont redevables. Elle dicte sa décision : seul le mariage entre Omar et Sofia et la dissimulation de l’enfant qui vient de naître peut les sauver. Le père de Sofia donne à Omar soit le choix de reconnaître l’enfant et d’accepter le mariage, soit d’être accusé de viol. Il pourrait demander un test de paternité mais il ne le fait pas car sa propre mère lui fait comprendre tout le bénéfice que la famille peut tirer d’une telle union : un travail qui permettra à son fils de subvenir aux besoin de la famille privée de revenus après le décès du père..

 Quand Omar et Sofia signent  officiellement leur union , une larme coule sur la joue du jeune homme et son visage donne à lire tout son désespoir et sa rage contenue.Il vient de renoncer à ses aspirations pour répondre aux attentes de sa mère : devenir un homme c’est s’oublier soi et tout faire  pour ses parents.

 Et le délit ? Un pot de vin octroyé à l’officier de justice par la riche tante en effacera toutes les traces. Car au Maroc la liberté s’achète et plus vos moyens sont importants, plus votre liberté est grande. La réalisatrice parvient  ainsi à traiter un problème à la fois marocain et universel : la liberté est réservée aux riches qui peuvent outrepasser toutes les lois ou presque.

  A ce stade du récit, le spectateur dont l’intérêt n’a pas molli, n’est pourtant pas au bout de ses surprises. Les protagonistes se rendent dans la luxueuse villa de la tante et la caméra traverse le quartier huppé d’Anfar . On se croirait en Californie : larges avenues plantées de palmiers, villas somptueuses avec terrasses sur la mer baignées dans la lumière. C’est dans ce lieu ouvert que la vérité sera révélée pour être aussitôt enterrée. Le véritable père de l’enfant de Sofia, c’est Ahmet, homme marié, ami e la famille et réalisateur du projet financier ; mais Sofia refuse d’être une victime et se range du côté des conservateurs de l’ordre établi et des conventions socio-culturelles. Le film s’achève sur son mariage  avec Omar ; un mariage clinquant avec une mariée souriante aux allures .de poupée fardée, affublée de dentelles et de bijoux. Qui pourrait deviner derrière ses yeux brillants et ses sourires, la Sofia  désemparée du début du récit ? A ses côtés, un homme vidé de sa substance, un mari qui n’en sera jamais un. Image symbolique de l’hypocrisie d’une société toute entière qui prive sa jeunesse de ses aspirations profondes en instituant la dictature du paraître.

« Burning » de Lee Chang-dong

 

Du 11 au 16 octobre 2018

Soirée débat mardi 16 à 20h30
Film sud-coréen (vo, Août 2018, 2h28) de Lee Chang-Dong avec Yoo Ah-In, Steven Yeun et Jeon Jong-seo

Titre original Buh-Ning
Distributeur : Diaphana

Synopsis : Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, retrouve par hasard son ancienne voisine, Haemi, qui le séduit immédiatement. De retour d’un voyage à l’étranger, celle-ci revient cependant avec Ben, un garçon fortuné et mystérieux. Alors que s’instaure entre eux un troublant triangle amoureux, Ben révèle à Jongsu son étrange secret. Peu de temps après, Haemi disparaît…

Présenté par Georges J

 

A chaque instant du film, Lee Chang-dong nous propose un élément, un fil qui se mêle à d’autres, tous s’emmêlant, certains cassant, d’autres se nouant. Les nœuds se défont, d’autres se font.

Dans Séoul, un homme, jeune, se gare et charge sur son dos sa livraison. On le suit de près. Il se fraie un passage au milieu des passants de ce quartier commerçant et on voit se balancer un empilage de vêtements féminins. Les vêtements sont un des nombreux éléments du film.
Ceux de sa mère que Jongsu, enfant abandonné a été contraint par son père, brutal, malade, haï, de brûler 16 ans plus tôt, et 16 ans plus tard, amoureux blessé, les siens, souillés de sang, dont il recouvre le corps de son rival poignardé avant d’y mettre le feu. Jongsu est alors nu, grelottant face à sa vie.

Ceux de Haemi. Devant le magasin qui l’emploie, Haemi déguisée, sexy girl rose et blanche, maquillée et souriante, se trémoussant, aguicheuse et lascive pour inciter les clients à entrer, à acheter, les retenant sur place par la distribution de tickets de tombola.
Ces vêtements ne sont pas les siens, elle les porte quand on l’appelle, se déclarant libre de le faire ou pas. Ensuite elle remet ses vêtements à elle, piochés au hasard dans le fatras jonchant le lit, le sol de son micro studio, ses vêtements à elle qu’elle retire souvent, se mettant nue comme pour reprendre sa vie, autrement. Renaître et recommencer.

Haemi et Jongsu ont grandi ensemble à Paju, village sinistre à 50km au nord de Séoul et à proximité immédiate de la Corée du Nord dont la propagande, assénée par haut-parleurs, a « bercé » leur enfance, les imprégnant de ses messages.
Depuis,  Haemi et Jongsu ont, chacun leur tour, quitté Paju, ne se sont pas revus. Et c’est là, dans cette rue de Séoul, qu’Haemi reconnaît Jungsu qui ne la reconnait pas. Elle s’est transformée, grâce à des passages par le bistouri, celle qu’il trouvait si moche au collège. Si moche qu’il avait cru bon de venir lui dire et de ne lui dire que ça, pendant toutes les années collège. Il n’en a aucun souvenir … Est-ce que, faute de s’être vue belle dans ses yeux, elle a cru l’entendre dire combien il la trouvait laide ?

Belle, elle l’est devenue. Gracile, gracieuse, ses mains épluchent une mandarine et, mordant dedans, pressant la pulpe, savourant le jus, elle nous le fait goûter et Dieu que ce fruit est bon !
Se convaincre de leur existence pour que les choses existent.
Une très belle scène.Lee Chang-dong a trouvé son actrice en Jeon Jong-seo !

Haemi a croisé le chemin de Ben en Afrique. Est-ce qu’il exerce là-bas un business si juteux qui lui procure ce niveau de vie ? Ben est coréen mais il est le contraire de Jongsu. Haemi revient de ce voyage qu’elle avait longtemps attendu et de sa rencontre avec cette tribu qu’elle a regardée danser  pour  rassasier sa « grande faim» et trouver un sens à l’existence. Ben l’a trouvé distrayante, différente, intéressante et puis elle présente l’avantage d’être seule, sans attaches. Personne ne se soucie d’Haemi. A part ce Jongsu, dont Ben n’a pas mesuré l’importance de ce qui les lie. Haemi petite est tombée dans un puits et Jongsu l’a sauvée, ils sont unis, par ça aussi. Haemi dans ce souvenir, Jongsu à la recherche de ce même souvenir.
Tout oppose Ben et Jongsu que l’aisance matérielle impressionne et intimide. Il laisse partir Haemi avec sa valise rose avec Ben, incapable de s’imposer face à la rutilance de sa Porsche. Pourtant Haemi ne semble même pas la calculer. Elle se laisse porter par le vent, indécise. Elle ne force rien, n’insiste pas.

Les clés menant à la collection de poignards dans la maison du père, laissent entrevoir une issue tragique à cette histoire. Cette maison est un élément pleine d’éléments. Un endroit chargé de  haine, où l’air de la campagne est irrespirable.

Les serres jamais ne brûlent. Ben a-t-il seulement une fois mis le feu à une serre ou bien ne le raconte-t-il à Jongsu que pour lui communiquer sa folie et, commettre par sa main ces actes de feu ?
On se demande quand on le voit debout, filmé en contre plongée, campé sur ses deux jambes, devant le lac dans la montagne, si ce n’est pas plutôt l’eau l’élément complice de ses crimes. Haemi et d’autres jeunes filles débarrassées de leurs bracelets reposent-elles là dans ce vaste cimetière aquatique ?
Ce film est un puzzle. Toutes les pièces s’assemblent mais ont chacune plusieurs emplacements possibles.

J’ai été happée par Burning. J’y pense depuis hier.
Avec des images magnifiques, avec maestria, Lee Chang-Dong nous compte paisiblement une histoire super glauque, nous y enveloppe et on n’a pas envie d’en sortir.

Marie-No.

« Les Frères Sisters » de Jacques Audiard

Les Frères Sisters : Affiche

 

 

 

Les critiques sont élogieuses et je sens que je vais me régaler, ce dimanche matin dans mon ciné préféré !
Rien n’aurait pu m’empêcher d’aller voir le dernier film de Jacques Audiard.

Et patatras, voilà …

Regarde les hommes tomber, De battre mon cœur, Un prophète … des films qui me fascinent, des films d’atmosphère, concentrés sur l’histoire et les personnages, que je peux revoir et revoir encore.
De rouille et d’os, Dheepan, Les frères Sisters … des films « grand angle », décors dilués, personnages éparpillés que je ne reverrai pas (sauf si, un jour, on propose une rétro Jacques Audiard et que l’un de ces trois là est sélectionné !)

« Les Frères Sisters » le film, donne très envie de lire « Les Frères Sisters » le livre, de Patrick deWitt dont John C. Reilly a acquis les droits pour jouer le rôle d’Eli. Restait à trouver le réalisateur. Notre Jacques Audiard a été choisi ! On peut comprendre que la tête lui en ait tourné. Un film américain ! Une sacrée expérience ! Des moyens grandioses ! Il a fait le job ! Il a été cap ! Bravo !
Mais le problème c’est qu’il a fait un film à la fois très américain avec les gros clins d’oeil, certains traits appuyés et les bons sentiments, qui le retiennent là-bas, et très européen par sa lenteur délibérée, certains traits esquissés et des sous-entendus, qui le retiennent ici.
On a l’impression qu’Audiard s’est laissé débordé, qu’il a fait des concessions impossibles qui font que son film, très bien réalisé (heureusement !), est, au final, mi-figue, mi-raisin, sans goût, sans saveur.
Un film qui aborde certains thèmes qui lui sont chers comme la relation au père, au frère, un monde sans pitié où le destin façonne les hommes, les transforme en chasseurs et bêtes traquées.
Un monde où il faut bien se débrouiller … Ici pour la première fois, Jacques Audiard filme les grands espaces, la nature sauvage bientôt souillée de mercure, semblant lancer un cri d’alerte,  étouffé  pour longtemps.

Mais les personnages restent sur le carreau.

Eli Sisters, l’aîné piteux et pitoyable, le tire-larmes qui dézingue tout ce qui bouge et pleure son Tub de cheval comme un veau, qui serre cette étole donné par une mystérieuse institutrice dont on ne fera jamais la connaissance, ce bout de chiffon qui lui sert de ninin et de « chaussette », Charlie Sisters, petit frère qui pleure dans son sommeil son geste mortel d’enfant, John Morris, détective-fils de famille-entrepreneur, Hermann Kermit Warm, chimiste bon enfant, Mayfield, maire-mère maquerelle-mégalo … Autant de personnages tragico-loufoques qui ne passent pas les portes de chez Audiard. Pas de son domaine de compétence. On a tout au long du film envie de lui dire de se détendre, d’y aller, de mettre la gomme, surtout de prendre du recul. Mais, las …

C’est Bruno Dumont qui  pourrait faire une adaptation de ce roman de Patrick deWitt ! Là on collerait au sujet,  on rigolerait franchement, on grincerait des dents. Je les sens du même monde, le monde où les anges existent et où c’est clair qu’il est bien trop tard pour que l’heur(e) vire au drame.

Marie-No

« One hour with you » de Ernst Lubitsch

 

Une Heure près de toi : Affiche

Si ce n’est pas un des films les plus connus de Ernst Lubitsch, « One hour with you » réalisé en 1932, est une belle illustration de la « Lubitch touch », ce savant dosage de luxe, d’humour et d’érotisme, l’élégance et sophistication dans la satire, le rythme et l’utilisation de l’ellipse pour faire du spectateur un personnage à part entière.
La « Lubitsch touch », c’est aussi la façon subtile d’utiliser l’ellipse pour provoquer l’émotion, l’émotion déclenchée aussi par un signe particulier, un indice, une image-situation, c’est le moyen subtil aussi de faire avec, de contourner la censure de l’époque pour tourner des scènes très sexuelles !
Tout commence par le branle-bas-de-combat de flics parisiens chargés de traquer les couples illégitimes dans les parcs. « C’est le printemps ! » L’ordre est donné de  vider les parcs…  pour remplir les bars et faire tourner le commerce !
Et tout finit par un cours d’amoralisme conjugal : l’adultère, réel ou imaginaire, permet de faire triompher le bonheur et l’euphorie.
Beaucoup de sexe dans ce film jubilatoire.
Mitzi, faussement malade, se voit prescrire par le docteur Bertier « un remontant, trois fois par jour ». Administré par ses soins, il va sans dire.
Et le noeud pap évidemment. Mitzi le défait « Pourquoi avez-vous fait ça ? gémit-il. « Mais les noeuds, ça me connaît, ô combien ! » réplique Mitzi…
Il fallait ruser avec la censure et Ernst Lubitsch est très doué
Il va vite, très vite et rend le spectateur complice de son esprit.
Il fait dans son œuvre, on le sait, preuve d’une certaine… souplesse quant à l’impératif de fidélité conjugale.
S’ils sont si bons amants, Colette et André devraient se suffire. Mais le désir ne fonctionne pas en terme de satiété.
Placer la fidélité au cœur de cet éloge de la séduction et de la sensualité est bien sûr une astuce pour tromper la vigilance de la censure;
Oui, André Berthier est heureux en mariage et, à tous les hommes qui s’ennuient chez eux, il conseille ce petit tour polisson au parc. Comme sa femme l’appelle mon chéri et qu’il répond de même, il commente ces apartés et indique au spectateur au moyen du discours-caméra, figure boulevardière par excellence, qu’il va maintenant rentrer dans la chambre. Le couple entonne alors en chœur « avec une simple alliance tout est permis : tout est légal, quel régal ! »
Chez Lubitsch, la musique joue un rôle très important  en tant que suppléante de la parole et véritable « personnage ».
Dans « Angel », le thème mélodique (signé Friedrich Holländer) improvisé par un violoniste tzigane, le soir où Lady Barker et Anthony Halton se rencontrent, va précipiter l’action : Lady Barker le joue sur son piano et le fait passer pour une composition personnelle auprès de son époux, mais celui-ci entend via le téléphone Anthony Halton l’interpréter également. Le pot-aux-roses est découvert !
C’est Oscar Straus, autrichien et auteur à succès d’opérettes, qui compose la musique originale de « One hour with you » (il signa aussi la musique de «Madame de …, le thème de la valse, de Max Ophüls)

Ernst Lubitsch regardait  la vie et ses concitoyens avec recul et malice
« Ma théorie de base est que l’être le plus digne est ridicule au moins deux fois par jour »

Maurice Chevalier et son accent gouailleur, Jeanette MacDonalds, Genevieve Tobin  … dans les décors et robes 1930

Une Heure près de toi : PhotoUne Heure près de toi : PhotoUne Heure près de toi : Photo Charles Ruggles, Genevieve Tobin, Maurice Chevalier

« One hour with you » est un bonbon acidulé.

Marie-No

Le dossier Mona Lina

Nominé au Festival du film policier de Beaune et au festival de Valenciennes 2018

Du 29 août au 4 septembre 2018
Soirée débat mardi 4 à 20h30

Film israëlien (vo, juillet 2018, 1h33)
de Eran Riklis avec Golshifteh Farahani, Neta Riskin et Yehuda Almagor

Distributeur : Pyramide

Présenté par Sylvie Braibant 

Synopsis : Mona, libanaise, est soupçonnée par le Hezbollah d’être une informatrice des services secrets israéliens. Craignant qu’elle soit démasquée, le Mossad l’exfiltre vers l’Allemagne et lui fait changer de visage. Pendant deux semaines, le temps de se remettre de son opération, ils la cachent dans un appartement à Hambourg. Naomi, agent du Mossad, est chargée de lui tenir compagnie et de la protéger. Mais le Hezbollah est à la poursuite de Mona et la planque ne s’avère pas aussi sûre que prévu…

Qu’est-ce-que c’est que cette histoire ?
Un exemple de scénario plein de « trous dans la raquette » !
Par exemple dès le début, même sans être expert en espionnage,  on se dit que la surveillance de Mona/Lina, un poisson de cette trempe, ne peut quand même pas être confiée à une seule Claudia/Naomi  toute super qualifiée soit-elle ! Attends voir : là, elle part tranquillement faire ses petites courses en laissant Mona, convalescente, s’occuper de la fuite d’eau et descendant « en l’état » c’est à dire avec ses bandages et son déshabillé en soie rouge sang, chercher le gardien qui quand Claudia revient, a déjà bien avancé la réparation …
On comprend à la fin que Mona a tout orchestré donc cet homme a sûrement un rôle dans « l’opération Naïm » et il faut bien que l’histoire se trame …
Sur les bandages de Mona/Lina, on s’interroge …  le nez, OK, rhinoplastie oblige, mais pourquoi le crâne ? On lui a juste coupé les cheveux, non ?
Et ces postures ! ce cou étiré en permanence !  Elle ne tourne jamais la tête mais le buste en entier pour regarder à gauche, à droite. Une cervicale déplacée, peut-être ?
Mais non, c’est pour exacerber le port altier de Mona/Golshifteh Farahani, son regard hypnotique au cas où on n’aurait pas capté la fascination qu’elle opère sur tous ceux qui l’approchent, son côté Mata-Hari. A cela s’ajoutent ses propos exaltés genre « Dieu gagne toujours », tu parles … Et on ne comprend pas pourquoi elle s’inquiète sur  sa nouvelle apparence physique après retouches donc en tout et pour tout avec un petit nez à la place de sa « patate » (et les maquilleurs n’ont pas lésiné sur le latex pour le grand gros nez de Lina !)
Les deux femmes s’apprivoisent et l’amitié naît et grandit nourrie dans l’idée de la maternité empêchée et blessée …  et aussi avec leurs maquillages, perruques, robes à paillettes qui sortent du placard.
Ben oui, on a beau être espionne, on n’oublie pas les bases de la féminité !
Autre exemple de fil blanc : à la fin, Naïm (croit) rencontre(r) Lina au cimetière pour enfants, et lui qui est toujours entouré de gardes du corps armés jusqu’aux dents, là il vient tout seul, les mains dans les poches avec son couteau, et encore,  et il se fait dégommer facile par une Naomi très remontée contre ce traître, vengeant celle qui est devenue son amie « à la vie, à la mort » depuis le huis clos hambourgeois.

Pour moi, la sauce n’a pas pris et Golshifteh Farahani m’a horripilée
mais j’ai beaucoup aimé la quartier, l’air de Hamburg, l’immeuble ancien avec ascenseur à clé d’époque, l’appartement.
Et la scène où la bonne soeur referme la lourde porte sur Naomi/Mossad et Naïm/Hezbollah, les enfermant dehors au milieu de leurs morts innocents, genre débrouillez-vous entre vous …
Et la scène aperçue furtivement à la télé, Romy/Lina dans  « La passante du Sans-souci ». Un regard de mère à jamais bouleversant posé sur un enfant qui n’est pas le sien, quelques temps après « Une histoire simple » avec David, un autre enfant. Le sien.

Marie-No

« Le monde est à toi » de Romain Gavras

Le Monde est à toi : Affiche

Date de sortie 15 août 2018 (1h 41)
De Romain Gavras
Avec Karim Leklou, IsabelleAdjani
Vincent Cassel
Genres Action Comédie
Nationalité Française

Le Monde est à toi : AfficheC’était sûr que j’allais y aller, alléchée par la distribution, par les 4 nominations à la Quinzaine des  Réalisateurs, par le nom du réalisateur et par la bande annonce aussi. Je suis une proie facile …
Et qu’un film ait réussi à se faire, à sortir est déjà un exploit.
Bon, quand on s’appelle Gavras, ça aide … Mais seulement au début.
Après on sort les chiffres.

Oui, je suis contente  d’avoir vu ce film.
Le sujet de départ, assez  fourre-tout, semble aussi, de prime abord,  assez bateau.
« François, petit dealer, a un rêve : devenir le distributeur officiel de Mr Freeze au Maghreb. Cette vie, qu’il convoite tant, vole en éclat quand il apprend que Dany, sa mère, a dépensé toutes ses économies. Poutine, le caïd lunatique de la cité propose à François un plan en Espagne pour se refaire. Mais quand tout son entourage : Lamya son amour de jeunesse, Henri un ancien beau-père à la ramasse tout juste sorti de prison, les deux jeunes Mohamed complotistes et sa mère chef d’un gang de femmes pickpockets, s’en mêle, rien ne va se passer comme prévu ! »
Le film ne se passe pas non plus comme prévu. Il se  déroule en rythme, sans temps mort, chaque plan est travaillé, chaque image léchée, un peu « surléchée » peut-être parfois, antécédents de faiseur de clip oblige.
La bonne surprise c’est que chaque personnage existe et que le tableau des lascars de banlieue est plus subtilement brossé qu’attendu. Il y a des jeunes, certains très doux, vrais gentils, d’autres vrais vrais méchants,  il y a aussi des vieux, attardés, englués, pitoyables. Un avocat véreux, Philippe Katherine décidément bon acteur, un business man redoutable, François Damiens, heureusement contenu.
Tous sont crédibles. Tous sont vrais.
La distribution est d’enfer !
Isabelle Adjani, la belle, figée pour l’éternité dans sa beauté reconstituée, se moquant ouvertement de sa condition de condamnée à rester jolie, dans le rôle de Dany la déjantée, voleuse classe, du Chanel, du Gucci  et leurs cousins sinon rien, menteuse, joueuse, Vincent Cassel « en bouc » visiblement postiche, le gag !, dans le rôle d’Henry, un gugusse qui sort juste de taule, scotché aux fake news étalées sur sa tablette,enchaîné dehors. Cassel, émouvant, formidable, si juste, dans un rôle de beauf sans cervelle, vieillissant.
Et puis il y a François, banlieusard traité à tout va de « sale bicot », grandi et gardé jalousement par sa mère qui lui passe encore la main dans les cheveux et lui tapote la joue comme quand il avait 5 ans, qui le garde jalousement dans son giron pour l’empêcher de sortir de sa condition.
Il la trahira et ce ne sera pourtant pas pour son salut car Lamya l’a pris dans ses filets et elle sait les gestes « cheveux, joue » qui le cloue sur place !
Alors pas de bol, François ? ou bien veut-t-il rester tout contre le sein maternel protecteur ?

Karim Leklou  incarne François et ce n’était pas une mince affaire de réussir à faire passer l’émotion dans ce personnage falot, grassouillet.
La scène de la danse du ventre totalement décalée est surprenante !
On a vu Karim Leklou dans « La source des femmes », « Suzanne », « Réparer les vivants ».
Il n’a pas fini de nous étonner et de nous réjouir.

Le Monde est à toi : Affiche

Lamya, interprétée par la « Divine » Oulaya Amamra, sans foi ni loi, voleuse, menteuse, prostituée à l’occasion,selon la demande.
Lamya ne roule que pour elle-même et y met tout son courage.
L’image de fin de François trempant dans sa micro piscine illustre la dimension de son ambition à lui raisonnable petit poisson tranquille …
Mais Lamya ne trempe pas dans la même eau, elle est aux manettes. Attention, danger !

On y parle « complotisme » mais le  film met aussi l’accent sur un sujet important encore peu traité dans le cinéma actuel :
L’exploitation  des migrants, aujourd’hui.
Sujet d’actualité, pour longtemps.

 

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Disperser, regrouper, disperser
Jusqu’à ce que le jeu s’arrête.

Marie-No

https://youtu.be/3mpkGGic3lg

Prades, dimanche 21 juillet 2018

 

Voilà, « Prades » qu’on se réjouit de vivre chaque année, c’est terminé …

S’est terminé en feu d’artifice avec « Leto »de Kirill Serebrennikov en avant-première. Puissant ! « Leningrad. Un été du début des années 80. En amont de la Perestroïka, les disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Mike et sa femme la belle Natacha rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique »

Le film sort en décembre donc pour les Cramés ça sera (peut-être) pour janvier. Alors vivement l’année prochaine et

le 60ème Festival de Prades,  juillet 2019 

Marie-No

Prades, samedi 20 juillet 2018

Jeudi, vu les 4 films de la journée :
Couverture livre La stoffa dei sogni : Affiche Madame Brouette : affiche Moussa Sène Absa

Et « L’Atelier », premier film diffusé dans le cadre de la rencontre avec Laurent Cantet si bien orchestrée par Michel Ciment, (et qu’on avait proposé aux Cramés lors de sa sortie en octobre 2017), on a commencé en beauté. J’ai revu ce film avec beaucoup d’intérêt et de plaisir.
Marina Foïs est, décidément, une actrice bouleversante et ce film illustre bien un aspect du cinéma de Laurent Cantet. Le désir de groupe, la difficulté, la volupté à s’y fondre, le renvoi à l’individualité.

Vendredi, la journée a commencé par le choix entre,  soit « Le Léjà », la Syrie du Sud donc, soit une balade en montagne, dans les Pyrénées donc … Certains ont pu regretter leur choix et pourtant, présenté dans le cadre de la Carte blanche à la Cinémathèque de Toulouse,  ce film syrien, objet rare , mérite d’être vu et à 9h c’est l’idéal car il faut être frais et dispos  pour se laisser transporter dans ce sombre paysage minéral qu’aucun soleil ne semble pouvoir jamais éclairer, où les femmes doivent accepter d’être enterrées vivantes et les esprits d’être figés dans le temps immuable. Un film assez envoûtant, oppressant.

Aujourd’hui, Laurent Cantet matin, midi et soir.
Dans un banquet, on goûte tour à tour chaque met proposé, se délectant de l’un, davantage encore d’un autre, laissant les saveurs s’épanouir,  se méler les épices, se confondre les textures …
Ici, depuis 3 jours, mis à chaque fois en appétit par Laurent Cantet et Michel Ciment, on découvre ou redécouvre  chaque film, on le goûte,  le savourant, s’en régalant pour la première fois,  retrouvant ce plaisir dans une seconde ou troisième fois … Un festin ! Et ça continue demain !

Retour à Ithaque : AfficheL'Atelier : Photo Marina Foïs, Matthieu Luccijeux-de-plage1-laurent-cantetA la frontière entre le Canada et les les États-Unis, Lanrent Cantet adapte un roman de Joyce Carol Oates . © Jérôme de Perlinghi pour Télérama.Entre les murs : Affiche François Bégaudeau Vers le sud : Photo Charlotte RamplingFoxfire, confessions d'un gang de filles : AfficheAffiche du film Les sanguinaires Vers le sud : Photo Karen YoungL'Emploi du temps : Photo Aurélien RecoingL'Atelier : AfficheVers le sud : Affiche Laurent CantetL'Emploi du temps : Photo Aurélien RecoingRetour à Ithaque : Photo promotionnelleL'Emploi du temps : Photo Felix Cantet, Karin Viard, Marie Cantet, Nicolas KalschVers le sud : Photo Charlotte Rampling, Ménothy CésarL'Emploi du temps : Affiche

Un patchwork harmonieux cousus de fils d’or.

Marie-No

Prades, mercredi 18 juillet 2018

21h30.Je suis restée à l’Hostalrich, il me faut un petit break de temps en temps et c’est tombé sur  le dernier film de Marion Hänsel projeté ici : « En amont du fleuve »(scénario original de M.Hänsel)
Mais, plus tôt dans la journée, vu deux autres de ses films
A 9h, « Between the devil and the deep blue sea », V.O. en anglais, adapté de la nouvelle « Li » de Nilos Kawadias.Le récit d’une rencontre entre Nikos, Résultat de recherche d'images pour "between the devil and the deep blue sea film"radio grec sur un vieux cargo, dans l’expectative de son sort, en rade de Hong Kong et une petite chinoise vivant sur un sampan depuis sa naissance. Grâce à Nikos, avec Nikos,  elle mettra les pieds pour la première fois de sa vie sur la terre ferme et sillonnera les rues de  Hong Kong dont son grand-père lui a conté la topographie.
Merveilleux film, une atmosphère prenante des acteurs magnifiques. Tout comme « The Quarry » projeté à 14h, adapté du roman de Damon Galgut avec David Lynch dans le rôle principal. Elle a vraiment une patte à elle Marion Hänsel.
C’est une artiste talentueuse.

Et à 17h00  Guillaume Brac s’est présenté devant nous et alors là, attention les yeux : un charme dingue, la bienveillance incarnée, la classe totale ! Il fait penser à JM.C. Contes de juillet : Affiche
Et son film ensuite « Contes de Juillet » est un enchantement, délicat et déroutant. Programmé par les Cramés en Septembre, ça va être régalant de le revoir ! De le revoir.

Demain, on va regarder les Pyrénées de plus près, aller en Italie, au Sénégal, à la Ciotât.
Et c’est le jour où Laurent Cantet et Michel Ciment arrivent !
Beau programme  !

Marie-No

 

 

 

Prades, mardi 17 juillet 2018

Ce matin, quelques uns sont partis faire l’ascension du Canigou ! Le temps s’y prêtait bien. Je regrette de ne pouvoir les suivre dans ces aventures. Résultat de recherche d'images pour "canigou"Dire que  le souffle me manquerait à 2785 m est un euphémisme !
Hier, au  ciné, la journée était assez moyenne. Marion Hänsel au scénario pour les 3 films. Donc … Heureusement « La tendresse » est incarnée par Marilyn Canto, ça console un peu. L’autre « tendre », c’est Olivier Gourmet et c’est plus difficile. Il a le vent en poupe, tant mieux mais son talent est, pour moi, un brin surévalué. Faut le diriger ce garçon sinon il fait peine à voir, étonné qu’il est d’être là. Le summum étant dans « L’échange des princesses » n’en revenant pas d’être en collant et culottes bouffantes ! Olivier Gourmet, c’est possible mais à la Dardenne, sinon non.
Dust : afficheAujourd’hui, à 9h, on a eu un très bon Hänsel, « Dust », tourné en anglais, d’après le roman « In the heart of the country »de J.M. Coetzee avec Jane Birkin dans le rôle principal, en anglais, parfaite. Une autre personne.
A 17h, « Les noces barbares »,  d’après le roman éponyme de Y. Queffélec, a été assez apprécié du public. Pour ma part, j’ai un souvenir précis de ce livre qui m’avait beaucoup marquée et j’ai trouvé que le coeur du livre, à savoir le désenchantement et le rejet, était survolé et que le film traitait surtout de l’aigreur, de la rancoeur. Je ne voyais pas ça comme ça.
21h. Une avant-première,« Nos batailles » de Guillaume Senez . Très très bien et qui me réconcilie avec Romain Duris, formidable dans le rôle de ce père débordé. De très beaux moments d’ émotion. Le film sort en octobre. Nos batailles : Photo Laetitia Dosch, Romain DurisHâte de le revoir. A Montargis.
Il est déjà minuit et demi ! donc grand temps de dormir un peu, trier, ranger les images d’aujourd’hui et faire de la place pour celles de demain.
Bonjour à tous les Cramés et à bientôt !

Marie-No