« Comme des rois » de Xabi Molla

 

Du 5 au 10 juillet 2018Soirée débat vendredi 6 juillet à 20h30Film français (mai 2018, 1h24) de Xabi Molia avec Kad Merad, Kacey Mottet Klein, Sylvie Testud, Tiphaine Daviot, Clément Clavel et Amir El Kassem 

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Animé par Alain Riou 

critique au « Nouvel Observateur », au « Masque et la plume » et au « Cercle »

 

Distributeur : Haut et Court

Synopsis : Joseph ne parvient pas à joindre les deux bouts. Sa petite entreprise d’escroquerie au porte-à-porte, dans laquelle il a embarqué son fils Micka, est sous pression depuis que le propriétaire de l’appartement où vit toute sa famille a choisi la manière forte pour récupérer les loyers en retard. Joseph a plus que jamais besoin de son fils, mais Micka rêve en secret d’une autre vie. Loin des arnaques, loin de son père…

Quelques mots vite fait, sur « Comme des rois » …
Je me suis rendu compte en faisant un bilan partiel de ces quelques années de « Crâmerie aigüe»   , que tous « mes » films vus  étaient répertoriés « films à revoir» dans les catégories :

  • tout de suite, demain et encore demain
  • tout de suite. Après,  on verra
  • demain, après-demain, un jour peut-être mais toujours au ciné
  • s’il passe à la télé, oui !
  • pourquoi pas s’il passe à la télé
  • déjà revu à la télé et à revoir
  • déjà revu à la télé et à ne pas revoir
  • jamais
  • pitié !

« Comme des rois » est allé se mettre direct dans la catégorie « jamais ».
Je ne me suis pas ennuyée. Je m’ennuie difficilement. Encore que, à la mise en place d’une énième petite arnaque … C’est bon, là … et  ?
Sous un enrobage assez fin, le cœur du film est, pour moi, insipide. Oui, on rit un peu mais quitte à se lancer dans une comédie mêlant le tragique à la cocasserie, à la dérision (finalement c’est pas grave : c’était des Francs), on aurait envie que ça fuse vraiment, que les personnages secondaires soient visibles (réussir à rendre Sylvie Testud invisible, c’est quand même un exploit !)
Ca reste guindé et assez poussif. Très écrit. Pas assez viscéral.
La relation père-fils m’a laissée de marbre et ça m’a frustrée, verdammt nochmal ! Même si Kacey Mottet-Klein s’en sort plutôt bien, c’est la moindre des choses, doué comme il est ! Mais on le sent bridé. On a envie de dire à lui et aux autres « Allez, lâchez-vous les gars, allez-y, c’est vos tripes qu’on veut voir ! »
Pour en avoir, pourtant, sûrement, été la solution, Kad Merad est un problèmes du film.
Kad Merad, excellent, en effet, sur les plateaux télé avec son bagout, son recul, son humour, son charme. Il est malin et il a bien rodé son numéro. « I believe I can fly, I believe I can touch the sky ». « On » l’adore !

Mais au ciné, on voit toujours Kad Merad. C’est, pour moi, le contraire d’un bon acteur. On sait toujours comment il va dire son texte, quelle tête il va faire dans telle situation. Sa mimique, là, mais oui bien sûr ! Tellement attendu … On pourrait fermer les yeux, c’est un comble au ciné !  « Je vais bien, ne t’en fais pas » se classe dans la catégorie « déjà revu à la télé et à ne pas revoir » à cause de ça.
Kad Merad, acteur, est sans surprise, ennuyeux.

De « Comme des rois », je n’ai pas trouvé le fil ni la raison.
C’est très difficile de réussir à emporter la misère sociale dans le registre de la comédie. Il faut être touché par la grâce comme par exemple « Tour de France » de Rachid Djaïdani ou « Divines » de Houda Benyamina

Et la fin de « Comme des rois » est si sombre : « c’est mon fils ! »
… il lui a tellement bien maintenu la tête sous l’eau qu’en fait de suivre des cours d’Acting, c’est devant lui et au « violon » qu’il joue.
No future.

Marie-No

« Daphne » de Peter Mackie Burns

Du 14 au 19 juin 2018
Soirée débat mardi 19 à 20h30
Film britannique (vo, mai 2018, 1h33) de Peter Mackie Burns avec Emily Beecham, Geraldine James et Tom Vaughan-Lawlor

 

Distributeur : Paname Distribution

Présenté par Marie-Noël Vilain

Synopsis : La vie de Daphné est un véritable tourbillon. Aux folles journées dans le restaurant londonien où elle travaille succèdent des nuits enivrées dans des bras inconnus. Elle est spirituelle, aime faire la fête mais sous sa personnalité à l’humour acerbe et misanthrope Daphné n’est pas heureuse. 
Lorsqu’elle assiste à un violent braquage sa carapace commence à se briser…

Selon Nico Mensiga « Un scénario, c’est, comme pour une maison, d’abord un plan, des fondations puis le gros œuvre. Après, pour un scénario, les finitions c’est de faire en sorte que la maison soit hantée »
Daphne est hantée par le temps qui passe et par la mort qu’elle regarde un jour de très près, dans une grocery où elle venait acheter du paracetamol pour soigner une énième gueule de bois, et par la mort de sa mère qu’elle refuse de regarder en face. Elle refuse la vie normale que sa mère déplore « Alors ce serait juste ça la vie ? »
Elle s’y prend comme elle peut, mal. D’alcool en lignes de coke, elle marche « à côté de ses pompes », gracieuse. C’est ça le truc : dans sa déchéance, elle garde la grâce. Bien qu’elle s’abîme dans des rencontres hasardeuses, offre son corps comme une marchandise, elle garde le contrôle, lucide, plus forte qu’il n’y paraît. Comme une sorcière, elle jette de la poudre aux yeux pour flouter son propre reflet et tous les autres dans le miroir. A nous de ne pas renoncer car on la sent vibrer, bouillonner en attendant le déclic qui ne va pas tarder, en attendant la main qui va se tendre vers elle et qu’elle saura être celle qu’elle peut saisir.
Il se trouve que cette main sera ensanglantée, qu’elle commencera par la lâcher avant de la reprendre en pleine conscience devant le sourire de Samir « compagnon de veillée ».
Daphné, nymphe rose : la route vers les mots de joie s’ouvre à toi.

Daphne, c’est un personnage habité, une atmosphère, les parfums d’Elephant & Castle 
Un très joli film

Daphne c’est Emily Beecham
On ne peut pas imaginer une autre actrice dans le rôle de Daphne. Son jeu est extraordinaire. Elle illumine l’écran sans chercher à attirer le regard, sans jamais en faire trop. Elle est exceptionnelle en jeune femme tourbillonnante, misanthrope, insupportable, drôle et intelligente, qui finit peu à peu par apprivoiser son malaise, son mal être.
Et on est, par avance,  éblouis par Daphne débarrassée de ses fardeaux !

Emily Beecham a quelque chose d’exceptionnel. On la reverra forcément très vite.
Grâce à Daphne,  nous avons eu déjà le privilège de faire sa connaissance.

Marie-No

« Milla » de Valérie Massadian

Prix spécial du jury international et de la meilleure réalisatrice au Festival de LocarnoDu 7 au 12 juin 2018Soirée débat mardi 12 juin à 20h30
Film français (avril 2018, 2h08) de Valérie Massadian avec Séverine Jonckeere, Luc Chessel et Ethan Jonckeere

Distributeur : JHR Films

Présenté par Georges Joniaux

Synopsis : Milla 17 ans, et Leo à peine plus, trouvent refuge dans une petite ville au bord de la Manche.
L’amour à vivre, la vie à inventer. La vie à tenir, coûte que coûte et malgré tout. 

 

Milla et Léo, si jeunes, blottis l’un contre l’autre, nimbés de lumière, cette première image, irréelle, donne le ton de ce qu’on ne verra pas : une histoire d’amour romantique.
Valérie Massadian ne nous vole pas notre temps : on sent bien le temps passer.
Et c’est assez gonflé de procéder ainsi, en une successions de longs plans fixes, pour forcer à voir Milla qui fait partie des Invisibles, caste cousine des Intouchables.
Il fallait oser mais dommage c’est quand même un peu long … Le public ne vient pas, voire se taille et, oui, parmi nous, certains, moi par ex, avons, à un moment donné, eu envie de décrocher. Et certainement pas à cause du sujet.

Et comme les images sont belles et le film, une succession de tableaux réalistes très réussis, on reste, captivés finalement.

Au début, je me suis demandé pourquoi la réalisatrice avait, en plus, choisi ces acteurs pour incarner les héros de son film … du suicide !
Et puis (très) tranquillement, je me suis attachée à Milla, j’ai voulu que son petit rire revienne. (pour Léo c’est différent : j’ai vu Candeloro  … très handicapant)

Quand on passe outre et se cramponne, ce qui dérange et ce qui reste, c’est l’impression amère que Valérie Massadian n’a pas intégré le monde de Milla.
Milla, elle l’a observée, détaillée, et même peut-être comprise, l’a aimée et fait aimer, mais après, chacun chez soi.
C’est cette distance qui m’a gênée (ça ne m’étonne pas que les critiques «  parisnobs « aient encensé le film)

N’est pas Agnès Varda ou Sean Baker qui veut, qui se donnent tout entiers à leurs Mona et Halley par Moonee interposée.

Marie-No

Kino + Maurice

Kino Avoblo – Wix.com

https://kinorama77.wixsite.com/avoblo

 

« Faire bien avec rien, faire mieux avec peu… mais le faire maintenant ! »

Le WE dernier, je me suis lancée dans cette belle aventure avec la sensation, au début effrayante, puis, grisante de plonger dans le vide.
La journée « scénario » de jeudi ayant été annulée(pas assez d’inscrits),  on a démarré directement le vendredi avec la session de création.

Et dimanche soir « Maurice » était projeté, avec les 10 autres réalisations, sur grand écran !
« Maurice », mon court métrage ! modeste certes et très court (3mn48) mais qui a le mérite d’exister !
En partant de zéro (jamais tourné, pas de matériel ..) j’y suis arrivée !
J’en suis fière, bien sûr, mais surtout, pendant ces 3 jours, j’ai rencontré des gens formidables,  Aurélie Laffont, Jean-Pierre Becker qui ont fait exister  ce projet et tous les participants (28), certains bien « perchés », tous complètement là.
En 3 jours, j’ai appris beaucoup de choses, je me suis enrichie et bien amusée.

Voici « Maurice »

http://vimeo.com/273658487

Marie-No

« Mektoub my love canto uno » d’Abdellatif Kechiche

Du 17 au 22 mai 2018
Soirée débat mardi 22 mai à 20h
Film français (mars 2018, 2h55) de Abdellatif Kechiche avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche, Lou Luttiau, Alexia Chardard et Hafsia Herzi

Distributeur : Pathé

Présenté par Marie-Noël Vilain

 

Synopsis : Amin, apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver famille et amis d’enfance. Accompagné de son cousin Tony et de sa meilleure amie Ophélie, Amin passe son temps entre le restaurant de spécialités tunisiennes tenu par ses parents, les bars de quartier, et la plage fréquentée par les filles en vacances. Fasciné par les nombreuses figures féminines qui l’entourent, Amin reste en retrait et contemple ces sirènes de l’été, contrairement à son cousin qui se jette dans l’ivresse des corps. Mais quand vient le temps d’aimer, seul le destin – le mektoub – peut décider.

 

«Entre bien dans mes yeux pour que je me souvienne de toi»
(Charles Baudelaire Réflexions 1861)

Des plans serrés, beaucoup de gros plans, un rythme très particulier, aérien.
Abdellatif Kechiche filme comme personne les visages, les corps, l’atmosphère des lieux, l’air du temps, le temps qui passe, l’attente du lendemain qui chante.

Un long trip sensoriel dédié à la célébration de la vie, un film dont on n’a pas envie de sortir : plein de soleil, de lumière, de beauté. La caméra tourne autour des corps qui s’amusent, dansent, se dorent au soleil, s’éclaboussent, plongent dans la mer, des corps dont on ressent la force, la vitalité, l’énergie.
Kechiche magnifie la féminité, le sourire à la vie gravé sur le visage d’Ophélie (sublime Ophélie Bau) auréolé d’amour, sur le corps d’Ophélie, Vénus callipyge, empreint d’un fol appétit de vivre . Auguste Renoir en aurait fait un nu féminin rond, charnu, sensuel, magnifique.
Amin rêve d’en faire des tableaux argentiques.

Le véritable enjeu du scénario, l’amour impossible à dire, s’impose d’emblée.
Amin, ni prédateur, ni rival, scénariste en devenir, photographe patient, laisse faire le destin. On ne force pas l’amour, il le sait, de cette sagesse intuitive qu’on a à vingt ans.
Abdel Kechiche orchestre la circulation des désirs, dans ce groupe très fermé où tout se répète avec d’infimes variations, les silences, les hésitations, la banalité du quotidien, les dialogues identiques, répétitifs d’où finissent toujours par surgir des vérités, blessures et jalousies.

Mektoub my love, canto uno est une ode à la famille, à la fraternité métissée, à la famille multiculturelle, multiraciale, multireligieuse. On est en 1994 : Kechiche filme aussi la fin d’une époque, la fin d’un melting-pot fragile mais souvent heureux et bienveillant. Clément, le premier, a rompu.
«Dieu est la lumière du monde», «Lumière sur lumière, Dieu donne la lumière à qui il veut» Lumière sans condition ? sous condition ?

Parmi tant de séquences splendides, la mise bas d’une brebis précède une autre, interminable à souhait, en boîte de nuit, où l’exhibition des corps sur la piste de danse flirte librement avec la pornographie.
La bergère est en transe mais les pieds bien ancrés dans le sol, en sandales plates. Sur terre.
Amin veille, témoin, confident, objet de désir de toutes les jeunes filles sauf de celle qu’il aime, étranger aux jeux de séduction auxquels il assiste, observateur moraliste en quête de sublimation.
Il pose son beau regard noir sur les plages, dans les bars, les boîtes de nuit, à la ferme pour capter un agnelage dans une lumière devenue clair-obscur silencieux sur le temps arrete.
Un hymne à la vie, Exultate Jubilate !

Comment on dit je t’aime en arabe ? Ophélie et Charlotte connaissent le même « je t’aime », celui de Tony. L’une reste, l’autre part.

Amin et Charlotte se retrouvent et s’éloignent ensemble sur la plage de Sète dans la lumière du soleil couchant.
Le film se termine sur cette réplique d’Amin (sublime Shain Boumedine), illustration de ce premier volet du triptyque annoncé « Mektoub is Mektoub » :
« j’ai tout mon temps »

Mektoub, my love, canto uno est une merveille

Marie-No

« Call me by your name » de Luca Guadagnino (2)

Call Me By Your Name : AffichePrix du jury international au Festival de la Roche sur Yon 2017, Oscar 2018 du meilleur scénario adapté, et Meilleur scénario adapté aux BAFTA 2018

Du 26 avril au 1er mai 2018Soirée débat mardi 1er mai à 20h30

Film italien (vo, février 2018, 2h11) de Luca Guadagnino
Avec Armie Hammer, Timothée Chalamet, Michael Stuhlbarg, Amira Casar, Esther Garrel et Victoire Du Bois

Distributeur : Sony Pictures

Présenté par Pauline Desiderio

Synopsis : Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant Américain qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir, au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais.

Très beau film !
Qu’est-ce que j’aurais voulu être bouleversée …

Déjà j’adore le titre ! C’est d’un romantisme fou de s’appeler du nom de l’autre ! J’aurais adoré ! Oui mais bon …  ça marche très bien avec Oliver et Elio, ça marcherait aussi très bien avec Olivia et Elia mais pas trop avec Oliver et Elia, ou Elio et Olivia, Bernard et Jacqueline … Mais ça marcherait avec Léo * et Léa * et avec Léo et Léo .
Ce film dont l’histoire se situe en 1983 m’aurait peut-être bouleversée si j’avais été jeune maintenant.
Or, là, je ne suis pas entrée dans la famille, je suis restée avec Marzia et Chiara donc à l’écart de cet amour sublimissime entre Oliver et Elio. « sublimes, forcément sublimes ! ». Je suis restée en dehors aussi, avec les filles, des discussions pointues. Sciences, Littérature, Philosophie, Archéologie, Poésie restent en milieu fermé, entre soi,  et les (pauvres) filles ne semblent vraiment pas avoir le niveau pour franchir le seuil. Elio offre un livre de poésies à Marzia qui ne trouve à dire que « j’ai trouvé ça beau ». Un peu short, Marzia, non ? Rien à voir avec, par exemple, l’échange entre Oliver allongé au bord du bassin et Elio. Là, comme c’est intéressant ! … mais, moi, il faudrait que je me le ré-entende plusieurs fois avant d’en saisir le sens. Et encore. Pauvre de moi.
Déjà il avait fait fort Oliver « later » avec l’abricot ! (famille des Prunus comme la pêche) « ʾAl-barqwq »passé de l’arabe au français via le latin, le grec ancien, l’espagnol …  le mot  « ʾAl-barqwq » désigne bien l’abricot mais en arabe littéraire abricot se dit « mech mech ». Je ne suis pas sûre qu’Oliver ait parlé de « mech mech » … 

C’est un milieu de rêve, Elio peut discuter avec ses parents d’un ouvrage, d’une musique, en plusieurs langues. Oliver est arrivé et c’est un ange ! « tout le monde aime Oliver ! » La campagne italienne, la villa en été, il fait chaud, le soleil fait se dénuder les corps et on se rafraîchit délicieusement ici ou on va, à bicyclette, là-bas se plonger dans une eau si froide que les corps ardents semblent parvenir toutefois à réchauffer. Le soir on danse groupés au clair de lune. Et Chiara croit qu’ Oliver danse avec elle. Oliver laisse Chiara croire qu’il danse avec elle. Tous sous le charme.
La caméra détaille avec délicatesse les regards, les gestes, l’apprivoisement d’Oliver par Elio et inversement, l’approche, l’hésitation. Oui, bon.
Avec Sonny & Cher, Mr Perlmann et son épouse rient tant, à gorge déployée pour elle, mais de quoi ? Blagues et mots d’esprits restent inouis. Ouis d’eux seuls. Ca fait penser aux  films où on rame pour trouver de l’intérêt aux dialogues et d’un coup on voit les protagonistes se dirent des mots doux, plaisanter, rire, se disputer sans le son, sur fond musical  !
Avec Sonny and Cher, Mr Perlmann et  Annella (merveilleuse Amira César) son epouse, ont, tout simplement, un peu trop bu. Epicuriens, ils le sont bien entendu aussi.
La scène de la pêche, voilà une scène cocasse et vivement la saison des pêches pour en proposer aux amis Cramés que ça fera sourire et aux autres, capables de refuser, malheureux pêcheurs ignorants !
En fait je me dis que « Call me » ne fonctionnerait pas en version hétéro, l’histoire n’aurait aucun intérêt. Oui, je sais, c’est un peu le cas de tous les films : si on change les personnages, on change tout et il n’y a plus de film. Mais quand même !
Je n’ai décidément pas aimé l’image des femmes dans ce film.
La mère bicéphale d’Elio, Annella, pour l’esprit, Mafalda pour le corps.
Marzia et Chiara, des potiches à vélo dont l’unique préoccupation semble être de coucher avec Elio et Oliver, sans entrer dans la villa, ou alors dans un grenier poussiéreux,  pas leur place autour du piano, à table.   Sauf quand les deux tourtereaux partent en vacances, alors, la mère les invitent à dîner. Pour parler des chéris, sans doute.

Bref, j’ai reçu aussi un petit message de  « Faute de grives, on mange des merles » donc …
le film ne m’a pas plu.

J’ai gardé cette distance qu’a la dame qui donne avec plaisir à Oliver et Elio de l’eau fraîche qui désaltère et retourne écosser ses petits pois, au soleil, assise devant la porte de sa maison. Où ils ne sont pas entrés non plus.

Marie-No

* prénoms pris au hasard parmi ceux les plus donnés ces dernières années.

« Place publique » d’Agnès Jaoui

Place publique : AfficheDurée 98 mn

Nationalité : France

Avec Jean-Pierre Bacri (Castro) , Agnès Jaoui (Hélène) , Léa Druker (Nathalie) Hélèna Nogerra … 

Année : 2018

 

SYNOPSIS: Castro, autrefois star du petit écran, est à présent un animateur sur le déclin. Aujourd’hui, son chauffeur, Manu, le conduit à la pendaison de crémaillère de sa productrice et amie de longue date, Nathalie, qui a emménagé dans une belle maison près de Paris. Hélène, sœur de Nathalie et ex-femme de Castro, est elle aussi invitée. Quand ils étaient jeunes, ils partageaient les mêmes idéaux mais le succès a converti Castro au pragmatisme (ou plutôt au cynisme) tandis qu’Hélène est restée fidèle à ses convictions.

Leur fille, Nina, qui a écrit un livre librement inspiré de la vie de ses parents, se joint à eux.

Alors que Castro assiste, impuissant, à la chute inexorable de son audimat, Hélène tente désespérément d’imposer dans son émission une réfugiée afghane. Pendant ce temps, la fête bat son plein…

D’abord, j’ai été déçue.
Mais c’est plus fort que moi, j’aime Agnès Jaoui, j’adore Jean-Pierre Bacri alors j’y regarde de plus près, je cherche le flacon (presque) à moitié plein.

Je vois donc le côté grosse fatigue, très touchant, le fond de tristesse maquillée en aisance joyeuse, les bobos à l’aise, qui s’amusent ou font mine de, leurs travers caricaturés et comme vomis sur la pelouse impeccable de cette très belle maison à 35mn de Paris, à fond dans le vertige des conventions de ce milieu focalisé sur l’audiovisuel, le jeunisme obligé. Tous des pantins suspendus au verdict de l’audimat, du regard des autres voulant plaire, devant plaire. Avec parfois quand même une volonté de voir un peu plus loin, de soutenir des causes, de s’investir dans le social, tiens, d’aider les migrants, à bonnes distances, hygiène oblige. Sur le papier, c’est déjà ça.

En sortant de la projection, je me suis dit qu’ils ne s’étaient pas foulés, ayant espéré retrouver des dialogues à la hauteur du « Goût des autres » … Mais avec le recul … Jaoui-Bacri jettent leurs répliques « drôles » dans la BA, à dessein, pour évacuer la légèreté en avant-scène. Car ce n’est pas leur propos.

Le film est triste, mélancolique et la vacuité des dialogues souligne la superficialité de ce monde, de leur monde où comme partout ailleurs l’argent et la notoriété ne peuvent tout simplement rien contre la vieillesse, où on perd ses cheveux comme les autres (Castro n ‘a pas d’implants mais une moumoute qui nous rappelle les hommes à moumoutes qu’on a rencontrés en vrai  : c’est très visible, moche et toujours émouvant), un monde où on ne peut pas raccourcir les distances, 35mn à vol d’oiseau ≠ par la route (ou bien on « monte » en catégorie et on passe à l’hélico), où les vieux beaux couchent (allez, pas très longtemps) avec des femmes (très) jeunes pour se persuader et surtout persuader les autres qu’ils sont passés poireaux : tête blanche et queue verte, un monde où, déplacés à la campagne, on n’est pas les rois du monde, où il y a toujours un chien qui aboie et des voisins qui sont en horaires décalés, où les enfants devenus grands croisent avec les « adultes » leurs sacrées fêlures que le meilleur maître de Kintsugi ne pourra jamais embellir, où il faut bien finir par faire le deuil de sa jeunesse, accepter le riche rustre russe, prendre des selfies, écouter Mister V. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi, fini tout ça, ringard. 0 like.

Tous ces gens vivent sur leur « place publique » qui rétrécit, n’existe déjà quasi plus. Déménagée sur les réseaux sociaux et les codes ont changés. Circulez, y’a trop à voir.

Agnès Jaoui marque un pas. Elle regarde devant et elle a peur, forcément, comme tout le monde.
« Place publique » ne provoque pas le rire Jaoui-Bacri délicieusement amer et on n’était pas venu pour pleurer …
C’est pourtant à pleurer.
Amèrement toujours.
C’est moins délicieux. Mais quand même.

Jabac auto-déclarés ringards dans la lumière sublime d’Yves Angelo.

Bouleversant. Quand même.

Marie-No

Lady Bird-Greta Gerwig (3)

Meilleure comédie et meilleure actrice aux Golden Globes 2018

Du 19 au 24 avril 2018Soirée débat mardi 24 à 20h30Film américain (vo, février 2018, 1h35) de Greta Gerwig avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf et Tracy Letts

Distributeur : Universal Pictures

Présenté par Marie-Annick Laperle

Synopsis : Christine « Lady Bird » McPherson se bat désespérément pour ne pas ressembler à sa mère, aimante mais butée et au fort caractère, qui travaille sans relâche en tant qu’infirmière pour garder sa famille à flot après que le père de Lady Bird a perdu son emploi. 

SURPRISE SANS SURPRISE

Surprise sans surprise pour ce film de la réalisatrice américaine Greta Gerwig qui raconte la dernière année de lycée d’une adolescente dans l’Amérique post 11 septembre. Elle a 17ans et se fait appeler Lady Bird à la place de son vrai nom Christine. Elle porte ce nom, sa famille, son quartier, sa vie comme un poids sclérosant et refuse le parcours balisé, tracé par son milieu familial et social.

Rien d’original donc ! La révolte banale d’une adolescente élevée en milieu catholique et protégée. Une succession de situations triviales assez attendues qui se succèdent à un rythme accéléré. Il faut vite accéder au pouvoir que confère l’âge de 18ans : un ticket de loterie, une cigarette et un magazine «  Play Girl », sans oublier le premier émoi amoureux et la première expérience sexuelle. Sauf que ces premières fois ne procurent pas le plaisir attendu et laissent entrevoir des lendemains un peu moins chantants.

Qu’importe ! Lady Bird rêve d’évasion et d’une autre vie : la Côte Est, New York et le milieu des artistes. Or, ce rêve est constamment contrarié par le quotidien et en particulier par sa mère avec laquelle elle entretient des relations conflictuelles. La scène du début illustre bien cette situation . Après avoir écouté le livre audio « Les raisins de la colère », la mère et la fille sont en paix, en phase, même. Et puis soudain, le simple désir de Christine d’écouter une musique, suivi du refus de sa mère, fait éclater le conflit redouté et récurrent : Christine ouvre la portière et saute de la voiture en marche, exprimant par ce geste sa volonté de s’échapper.

Le véritable sens du film est ici. Comment échapper à la pression  maternelle ? Comment échapper au conditionnement du milieu dans lequel on a vécu et on s’est construit ? Comment devient-on soi-même ? Comment se débarrasser de certains  attachements, en particulier de l’attachement mère/fille ?

Il faudra à Christine et à sa mère Marion ce détachement par l’éloignement (Christine va à New York pour ses études universitaires) pour comprendre combien elles se manquent et donc combien elles s’aiment. La scène de séparation à l’aéroport est formidable. Greta Gerwig détourne la scène classique de l’amoureux qui court derrière la femme aimée qui va lui échapper.Marion a refusé d’accompagner sa fille jusqu’à l’embarquement et reste dans la voiture pour attendre le père en prétextant que le parking est trop cher. Quelques instants plus tard, on voit la mère courir comme une folle dans le hall de l’aéroport et s’effondrer dans les bras de son époux qui la rassure : «  tu vas la revoir ».

Dans la scène finale, après un coma éthylique en guise de rite de passage à l’indépendance, Christine peut lâcher Lady Bird pour assumer Christine et dire à sa mère qu’elle l’aime. Car le véritable amour d’une mère pour son enfant n’est pas de le retenir mais de le laisser partir pour qu’il puisse devenir «  la meilleure version de lui-même », cette belle expression de Marion qui traduit tout l’amour qu’elle a pour sa fille.

Christine va jouer seule cette partition qui lui permettra d’être qui elle est.

Marie-Annick

 

 

« Lady Bird » de Greta Gerwig (2)

Résultat de recherche d'images pour "LADY BIRD AFFICHE"Meilleure comédie et meilleure actrice aux Golden Globes 2018

Du 19 au 24 avril 2018

Soirée débat mardi 24 à 20h30
Film américain (vo, février 2018, 1h35) de Greta Gerwig avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf et Tracy Letts

Distributeur : Universal Pictures

Présenté par Marie-Annick Laperle

Synopsis : Christine « Lady Bird » McPherson se bat désespérément pour ne pas ressembler à sa mère, aimante mais butée et au fort caractère, qui travaille sans relâche en tant qu’infirmière pour garder sa famille à flot après que le père de Lady Bird a perdu son emploi. 

Je ne savais pas que Lady bird voulait dire coccinelle.
Christine veut qu’on l’appelle « coccinelle », c’est mignon, ça, mais ça ne nous met pas« delighted », non plus. En fait on n’est enchanté de rien.
Tout se passe comme si Greta Gerwig avait voulu suivre point par point un cahier des charges précis pour coller au stéréotype de la comédie douce-amère, indépendante et cool avec de la jolie musique sucrée nineties et des protagonistes un peu en marge, pas trop quand même et tellement attachants avec un bon fond bien ripoliné qui ressort toujours de toutes façons. Obligé, on est en Amérique, quoi !
Lady bird a 17 ans, vit à Sacramento, dans une famille modeste, qui se prive pour l ‘envoyer dans un lycée privé (puisque dans le public on se fait égorger) et elle vit de l’autre côté du periph euh … de la voie ferrée. Dès le début du film, Greta Gerwig se plante sur le rythme. Pour biffer la case « comédie enjouée », elle nous fait subir un tourbillon de scènes montées dans une frénésie de fête foraine. Stop ! On voudrait faire connaissance et puis voir un peu que la vie de « coccinelle » à Sacramento, c’est une succession de jours interminables où on s’ennuie ferme, même que c’est pour ça qu’elle veut absolument aller étudier ailleurs. A New York de préférence. On est en 2003, elle a des chances d’y arriver, le 11 septembre joue en sa faveur !
Être ailleurs, ne plus être cataloguée du mauvais côté, ne plus se serrer la ceinture en famille et surtout fuir sa mère avec qui la connexion est presque totalement interrompue.  Au mieux, ça grésille fort sur la ligne ! Comme pour 9 adolescentes sur 10, sa mère représente, à l’instant T, ce qu’elle ne veut jamais devenir.
Lady bird découvre l’amour x2 , se trompe, pleure un peu. Délaisse sa meilleure amie pour la fille branchée de la classe, plus riche, plus fun. Bilan des courses : un homosexuel, un pseudo intello contestataire blasé chic, une obèse et une bimbo. Emballez, c’est pesé.
Et bien sûr, à la fin, on se recale, la mère et la fille se parlent bien et Sacramento … Ah ! rouler dans Sacramento … Et le dimanche à New York, après une nuit bue au goulot, le nez au vent elle retrouve le droit chemin et l’église du coin de la rue, devant le chœur d’enfants … et se revoit, c’etait hier …
Et tout est tellement attendu !
C’est bien interprété. La mère et le père sont très bien. Mais les rôles sont tellement caractérisés, les bornes des personnages tellement marquées … Le supplément d’âme ne fait pas partie du package. Ca peut plaire. Du bon boulot, bien ficelé, bien récompensé.

Balisé, sans surprises, hyper-conventionnel … surévalué.
Pas très intéressant
Assez énervant

Marie-No

« Phantom Thread » de Paul Thomas Anderson

Phantom Thread : AfficheUn film réalisé par Paul Thomas Anderson avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps. 

Synopsis : Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa soeur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.

 

Ce film déroutant captive de bout en bout. On est totalement séduit par Reynold Woodcock et son allure, mais d’abord par son regard obscur si clairement enfantin, sa mère y étant enfermée dans la robe qu’il lui avait cousue, adolescent, pour convoler en secondes noces … Il avait alors commencé le rituel de coudre des voeux dans les doublures de ses créations. Il crée depuis, tout près du giron de sa sœur, Cyril, inébranlable soutien à sa profusion artistique. La maison de couture Woodcock, London, est devenu un lieu de Haute Couture fréquenté par les têtes couronnées et autres privilégiées de la vieille Europe des années 50. La relation amoureuse en moins, encore que …, le génie créatif progressiste en moins, aussi, Reynold restant enfermé dans le carcan décliné à l’infini dont il habille ses riches clientes, l’organisation pratique, la gestion du talent, le succès des affaires fait penser à l’alliance Yves Saint-Laurent/Pierre Berge. Lunaire/Terrien.
Reynold collectionne les muses féminines qui, le charme envolé, finissent toujours pas déranger avant d’être immanquablement congédiées par Cyril.
Un matin dans une auberge de « sa » campagne, Reynold rencontre Alma.Et ce moment est une des scènes magistrales du film : on assiste vraiment à une rencontre. Quelque chose se passe entre ces deux-là et on le voit, on le ressent. Du grand art. De mise en scène du réalisateur Paul Thomas Anderson et des deux acteurs Daniel Day Lewis et Vicky Krieps. C’est là, c’est arrivé, ils sont liés par un phantom thread (fil fantome). Ce n’est pas une romance et la relation entre eux est un désastre au quotidien. Mais ça continue. Ils se cherchent, s’enlacent , se rejettent, s’éloignent et se rapprochent. C’est un apprentissage douloureux. Il l’humilie, elle l’exaspère mais le fil est solide. Incassable. Par deux fois elle tentera le diable de la rupture pour mieux le forcer à sortir de lui-même et lui déclarer enfin son amour. La deuxième fois, Reynold retient la première bouchée d’omelette aux champignons, devinant qu’Alma est en train de l’empoisonner . Ils se regardent, s’interrogent du regard : il sait ? sait-elle que je sais ? Champ, contre-champ, champ, contre-champ. Reynold avale cette bouchée salvatrice.
« tu souffriras, jusqu’à, peut-être, vouloir mourir. Mais tu ne mourras pas »
Le rapport amoureux entre Reynold et Alma est bancal. Mais quel rapport amoureux ne l’est pas ?
L’histoire se passe dans une maison de couture mais pourrait se passer dans un autre lieu.
Pourtant c’est captivant de vivre dans ce microcosme de velours et de dentelles, de mètres de satin blanc étalés sur les grandes tables de couture. Paul Thomas Anderson montre de véritables ouvrières au travail dans l’urgence de la création, leurs mains habiles courant sur les tissus, pinçant ici, relâchant là, froissant, drapant, magnifiant encore les corps gracieux, sublimant toujours ceux qui le sont moins. On a le sentiment pendant tout le film de vivre l’art de la Haute Couture. On entend le froissement des étoffes.

« Phantom thread » m’a bien fait plaisir.
Paul Thomas Anderson est américain et son film est subtil.
Je le reverrais bien une deuxième fois. Re-goûter à la mise en scène, aux décors, à l’atmosphère, savourer le jeu des acteurs.
(et voir si les deux/trois lourdeurs américaines ressenties sont toujours là)

Marie-No

PS : Woodcock étant un personnage de fiction, pourquoi ce nom ?