Barbara

 Film français (septembre 2017, 1h37) de Mathieu Amalric avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani et Aurore Clément 
Distributeur : Les Films du Losange

Présenté par Marie-Noëlle Vilain

Synopsis : Une actrice va jouer Barbara, le tournage va commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l’envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle.

C‘est Barbara, celle qu’on aime, que Mathieu Amalric nous raconte dans ce très beau film.
Ce n’est pas tant la biographie de Barbara qui intéresse Amalric que l’esprit de la chanteuse, ses vertiges, ses sensations, ses émotions et les émotions qu’elle diffuse à ceux qui l’écoutent. Il s’est servi principalement de deux documents : le livre de Jacques Tournier Barbara ou les parenthèses (1968) et le documentaire de Gérard Vergez sur la tournée de 1972. On y voit Barbara en voiture, en train de tricoter, de divaguer ou de roucouler. Amalric refait jouer cette scène à l’identique par Jeanne Balibar et il mixe le tout si bien qu’on ne sait plus très bien laquelle est vraie, laquelle est fiction. Les images se superposent. On hésite parfois pour distinguer Barbara de Balibar. Notre regard est dédoublé : sur Barbara et sur Brigitte qui cherche à appréhender Barbara, à la comprendre.
Ce que filme Amalric c’est le point de rencontre de ces deux femmes. Par imprégnation.
On capte en sourdine, délicatement, son enfance de petite fille juive, la guerre, le père incestueux, la mère envahissante, comme on les capte en sourdine aussi dans ses chansons. Amalric y fait allusion sans jamais forcer le trait.
Il réussit très bien à nous montrer la Barbara fantasque, accro aux médocs, croqueuse d’hommes, capricieuse, tendre, autoritaire, drôle, dyslexique, fuyant la routine, généreuse …
Il réussit à rendre les soupirs, les silences, le murmure, tout ce dont le chant de Barbara est aussi constitué, les respirations, les profondes expirations proches de l’asphyxie suivies de grandes bouffées d’air jubilatoires.
Il joue lui même le metteur en scène, transis d’admiration, pétrifié par son sujet, qui se lève entre dans le champ de sa caméra. On perçoit sa fascination pour Barbara. Et pour Jeanne Balibar
Barbara exerce sur lui comme un sortilège qui nous enveloppe aussi.
Mathieu Amalric nous donne un film magnifique qui enchante tous ceux qui, comme moi, ont grandi, mûri, vieilli avec les chansons de Barbara.
Sans forcément l’écouter régulièrement, l’oubliant même un peu, parfois. Et soudain elle réapparaît ici ou là, de près ou de loin et alors on reprend le fil de ses chansons, on les ré-écoute certaines plus que d’autres, certaines même en boucle comme pour rattraper le temps où on en a été privé, on les murmure, l’émotion est intacte, quasi viscérale.

Voilà, c’est, aussi, ça le plus fort : le film de Mathieu Amalric, à l’unisson, nous renvoie toutes nos émotions. Intactes.

Marie-Noël

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