Je tombe avec retard sur cette critique de Jacques Morice dans Télérama : «La fille au bracelet » de Stéphane Demoustier s’est largement inspirée du scénario d’Acusada,de Gonzalo Tobal, thriller argentin baroque, nettement plus ampoulé. Sa mise en scène à lui est sobre, rigoureuse, visant la justesse, la crédibilité des interrogatoires, des témoignages et des plaidoiries, de la fougueuse avocate générale (Anaïs Demoustier) à l’avocate de la défense, posée, chevronnée. »
On est avec Télérama d’accord pour souligner le superbe casting du film et pour dire que c’est un film qui tient sa place dans la liste des nombreux films de procès.
Rappelons d’abord que sans Acusada, la fille au bracelet n’existerait pas, car il s’agit bien d’une sorte de « variation, réinterprétation » du scénario original d’Acusada.
Acusada a ses faiblesses, il a aussi beaucoup de qualités. Il y a une toile de fond sociale autour du procès, elle est d’une grande richesse : Fortune et infortune, justice et vérité, les médias, les jeux de rôle, les gens. Quant aux ressorts psychologiques, ils sont nombreux : culpabilités, dits et non-dits, secrets et mensonges, destruction des liens et attributs sociaux… Ce film met en lumière un dispositif global autour d’une affaire judiciaire, qui concerne de nombreux acteurs, en premier chef l’accusée puis la justice, l’avocat de la défense, la presse, la famille de la victime, les amis, les amours, le peuple. Il nous dit qu’être accusé, c’est supporter que tout devienne empoisonné autour de soi.
Autant Acusada était ouvert à tous vents mauvais, autant « La fille au bracelet » est un quasi-huis clos, celui du tribunal (et c’est moche, toute la gamme des teintes marron y passe). Ce choix de huis clos a le mérite de donner un sentiment d’oppression et de claustration, mais en même temps relègue la dimension sociale de l’accusation, la réduit à une affaire « papa, maman, le juge et moi ».
Dans « Acusada », il y a l’extérieur ce n’est pas seulement la rue, les maisons, et des gens hostiles, indifférents ou bienveillants, ce sont aussi les médias. Ceux des « nouveaux chiens de garde » tels qu’en a parlé Serge Halimi -C’est-à-dire des personnes serviles, complaisantes, populistes, toujours prêtes à faire diversion (du puma à l’accusé…)
Enfin, au tribunal, la jeune fille au bracelet est derrière une cage de verre. La première fois que j’ai vu une cage de verre dans un procés, c’était lors du procés Eichman. Et tout le monde comprenait de quoi il s’agissait. Il ne s’agissait nullement de mettre une bête en cage, ou de l’humilier. Il s’agissait de protéger cet homme, éventuellement contre lui-même (on se rappelle de H.Goering à Nuremberg) et éventuellement du public. C’est-à-dire en somme de protéger la vérité.
Dans la jeune fille au bracelet, à quoi sert cette cage en verre ? Et pour le quasi-ensemble des accusés, à quoi sert-elle ? Quels sont les arguments qui justifient ce dispositif ? Ils sont peu louables ! Ce sont effectivement des cages!
Mais, c’est un fait, depuis peu ces cages existent, le film ne ment pas. Et, bon sang, contre elles, il n’y a pas l’ombre d’une protestation de l’avocat de la défense dans ce film, alors que dedans se tiendra une jeune qui arrive au monde. Cette cage est là, dans sa plus parfaite normalité, aussi conforme que le film qui nous la montre. Mais le réalisateur est davantage du côté de la cage que du bracelet.
Pour finir, en transformant Acusada en un film français, « la fille au bracelet » on en a fait un film intime et assez conformiste, un film qui ne questionne rien. Comme le casting est remarquable et qu’il est bien joué, c’est un film d’acteurs, un film plaisant de plus !