GIRL- Luckas Dhont

Du 14 au 20 novembre 2018

Soirée débat mardi 20 à 20h30

Film belge (octobre 2018, 1h45) de Lukas Dhont avec Victor Polster, Arieh Worthalter et Oliver Bodart

Distributeur :Diaphana

 

 

Présenté par Françoise Fouillé

Synopsis :Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d’absolu. Mais ce corps ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car celle-ci est née garçon.

 

Lukas Dhont met en scène un jeune homme de 14 ans, dans le rôle de Victor devenu Lara, une jeune fille qui veut devenir danseuse étoile.

Tout se passe bien dans la vie de Lara, son père est un homme sincère, aimant, dévoué et compréhensif, son petit frère l’aime autant qu’elle l’aime.  Ce petit frère taquin un jour  l’appelle Victor, mais c’est un tout petit nuage dans un monde sans nuage.  Elle a intégré une prestigieuse école de  danse, elle veut devenir danseuse étoile, son père n’a pas hésité à changer de ville pour ce projet. Elle est immédiatement admise par les jeunes filles élèves comme elle de cette école. Elle y sera une fille parmi les filles. Elle doit remplir une période d’essai. Elle travaille d’arrache-pied (c’est le moins qu’on puisse dire). Et somme toute, tout se passe bien. Elle est admise.

La caméra nous la montre souvent à  son travail, on se familiarise avec les positions et les figures, port de bras, jeté, pas de bourrée etc. La caméra est comme aimantée par Lara. Elle filme son charmant visage et son corps gracile et musculeux au travail. Apprendre à danser est une torture, parfois Lara pleure, mais reprend très vite son sourire ineffable qui ne sourit que des lèvres. Nous avons l’impression qu’il n’y a pas de sourire intérieur chez elle, seulement la tristesse et la détermination. À force de travail, elle gagne rapidement l’estime de sa professeure qui sait à la fois être exigeante et tendre.

Lara est suivie par une équipe médico-psychologique, là encore tout va bien car ces professionnels l’accompagnent attentivement dans son projet, le psychologue, la chirurgienne. On débute un traitement hormonal, mais les résultats se font attendre. Lara veut des seins comme toutes les femmes, elle veut un sexe de femme aussi. Mais tout cela va bien trop lentement pour Lara, elle s’impatiente. Elle veut être femme, apparaître telle une  femme sans ambiguïté. (Si l’on peut dire).Elle veut être une danseuse étoile, comme toutes les danseuses étoile.

Elle en veut un peu à tout le monde pour ça, à l’équipe, à son père, elle devient taciturne, secrète, tourmentée.

Elle n’a pas de vie amoureuse, les garçons et les filles ne l’intéresse pas, elle le dit à son thérapeute. Pourtant, elle va faire une tentative sans conviction. De sa fenêtre, elle aperçoit un jeune homme qui enlasse une jeune femme, ce sera lui le cobaye. Elle s’arrange pour faire sa connaissance (épisode de la lettre subtilisée) ensuite pour qu’il la fasse entrer chez lui. Il y aura un flirt, suivi d’une fellation, qui est pour elle une manière de se protéger de caresses exploratrices indiscrètes du jeune homme.

Il faut attendre longtemps pour que la scène dramatique s’installe. Il y a d’abord les prémisses le long du film, les scènes de douche ou l’on voit Lara  bien ennuyée avec sa non-conformité,  son sexe entre les jambes qu’elle aplatit avec des bandages, et surtout  cette absence de seins qu’elle essaie de cacher de ses mains. Mais un jour dans une réunion entre fille, l’une d’elles, pour le groupe, exige de Lara qu’elle montre son  sexe… Tu vois bien les nôtres lui dit-elle !

…Ce bizutage, dans le contexte d’attente et d’absence de métamorphose de Lara,  va sceller l’engrenage vers le drame et son  automutilation qui forcera son destin.

L’auto-émasculation devrait-on dire,  comme point d’orgue du film ! C’est vendeur. On remarque que les ressorts psychologiques de cet adolescent si peu exposés deviennent alors  explicites pour ce passage à l’acte. Pourquoi  Lara se coupe le sexe ?  Parce qu’on la fait trop attendre et qu’elle a été humiliée par ses collègues. (Avec cette relation cause/effet on est censé ne  plus avoir  de questions à se poser !)

Dernière image, traveling, on est quelque temps plus tard,  on voit Lara marcher à pas vif son éternel sourire qui ne sourit pas, « elle est une femme ».

Ce que j’en pense : Le film convient parfaitement au discours dominant contemporain, soit : Il y a des femmes qui naissent dans des corps d’hommes et inversement. Pourquoi, nul ne le sait mais c’est ainsi. La psychogenèse est disqualifiée, par exemple : quid du désir du père, de l’absence de la mère ? Simple contingence, question de spectateur.Ce qu’on nous montre de la demande pressante de Lara est moins signifiant d’une souffrance morale que du besoin d’agir au bon tempo face à son désir symbolique de tuer Victor pour devenir Lara. Pourquoi ? Parce qu’après plus de problème. D’autant que la chirurgie sait faire. Cette idéologie est exprimée par la marche résolue  et fière de Lara à la fin du film.

Dans la vraie vie,  le taux de suicide des jeunes transgenres est très significativement plus élevé que la moyenne (avant comme après l’intervention). Dans la vraie vie, la société marchande sait transformer nos désirs et nos nécessités en besoins. En besoins solvables. Elle sait les nommer, ici ça s’appelle  :  « réattribution sexuelle ! »

Mais ne divaguons pas Lukas Dhont voudrait simplement nous transmettre une histoire vraie qui est avant tout est celle d’une danseuse !

N’empêche, je ne peux m’empêcher de penser que Lukas Dhont avec cette caméra fascinée par ce jeune éphèbe de 14 ans(*1),  travesti en femme pour jouer le rôle d’un transsexuel met en scène autre chose que ce qu’il nous donne à voir, quelque chose qui concerne d’abord ses propres fantasmes et son propre voyeurisme. Il a trouvé son Tadzio, il est Gustav von Aschenbach. (*2).

(*1) Je ne pense pas que le tournage et la projection de  ce film  soit neutre pour Victor Polster. 

(*2) Mort à Venise de Luchino Visconti.

PS 1 :  Est-il crédible qu’un enfant de 14 ans soit soumis à un programme de « réattribution sexuelle »? et si oui, où et à quelles conditions ?  Pouvez-vous me donner des précisions si vous en disposez?

PS 2 : je me demande si le réalisateur a été interviewé sur ses motivations, pas seulement sur les habituelles questions sur la danse et de l’identité, où il est dans sa zone de confort, mais aussi sur son rapport à cet enfant et aux enfants en général.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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