Carré 35 de Eric Caravaca (2)

RETOUR SUR CARRE 35, UNE SI BELLE OEUVRE.

Je reviens sur ce film, classé documentaire mais qui est un véritable film d’auteur, unique, sensible, intelligent.
Car parler de sa vie intime, des secrets de sa famille, filmer de si près, sa mère, son père ( même le corps du père mort ) approcher en gros plans le visage de ses parents, montrer les photos de la vie passée, des générations qui se suivent et disparaissent, ce ne doit pas être un exercice facile.
Parler ( c’est la voix d’Eric Caravaca que nous entendons commenter les images et questionner sa famille ) et approcher toutes ces vies perdues et si chères, est-ce une douleur et en même temps une sauvegarde. Grâce à ce film la mémoire de la petite fille est restituée et peut vivre dans le souvenir de sa mère et de ses frères.
L’autre richesse et audace du film consiste à élargir la mémoire et l’histoire familiale à la grande Histoire. Pas seulement celle ( évidente ) de la décolonisation du pays où vécurent les parents ( l’Algérie) mais aussi d’étendre le champ du sujet ( le déni de la mort d’une fillette trisomique dans les années 60 ) à d’autres refoulements collectifs ( les malades mentaux torturés et tués par les nazis) ou les cadavres embaumés de Palerme.
Ici il y a la mort, la mort d’une enfant et la mort d’une enfant pas comme les autres.
Que font les parents devant une telle catastrophe, la mère en l’occurrence, elle efface de sa mémoire et de l’histoire familiale cette existence qui l’a tourmentée.
Que font les sociétés dites civilisées devant des pans de leur Histoire qui ne leur conviennent pas ou devant des êtres qui les gênent et bien on efface et on fait semblant .. en attendant des jours meilleurs.
Eric Caravaca, réussit à rétablir la filiation de sa famille, et il nous a fait le cadeau d’un superbe film.

Françoise

Une réflexion sur « Carré 35 de Eric Caravaca (2) »

  1. J’aime cet article car il dit en peu de mots tout l’art de Caravaca. Cependant pour nuancer, il me semble qu’il y a une différence de nature, entre la mémoire collective, l’oubli collectif et le secret de famille. La mémoire collective ou son oubli sont politiques et volontaires, même les monuments aux morts peuvent faire des oublis.Ce n’est pas pour rien qu’on connait mieux Jeanne d’arc que nos épisodes coloniaux.Les secrets de famille qui concernent les naissances et les morts comportent quelque chose d’indicible. Ce n’est donc pas une question d’échelle mais de nature, il n’y a donc pas de continuité entre l’un et l’autre. Angela, « Germaine,Catherine, Angèle » etc…souffre douloureusement, elle est malade et elle n’est pas coupable. Douch va bien et tous ses assistants également et ils sont coupables.

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