Le gouffre aux chimères de Billy Wilder (2)

du 25 au 30 mai
Soirée-débat dimanche 28 à 20h30

Présenté par Henri Fabre
américain (vo, avril 1952, 1h51) de Billy Wilder avec Kirk Douglas, Jan Sterling et Porter Hall
Version restaurée sortie en février 2017
Titre original : Ace in the Hole

Synopsis : Charles Tatum, journaliste sans scrupules, va exploiter un scoop. Au Nouveau-Mexique, Léo Minosa, un Indien, est coincé au fond d’une galerie effondrée. S’arrangeant pour être le seul journaliste sur le coup, il va persuader le shérif de choisir la formule de sauvetage la plus lente. Tatum va devenir l’amant de la femme de la victime et poussera l’hypocrisie jusqu’à devenir l’ami de Léo.

Le gouffre aux chimères – 1952, de Billy Wilder

C’est assurément un film de moraliste qui représente avec une énergie mortifère l’obscénité d’un journaliste – Kirk Douglas – à la recherche du plus grand scoop …  La cupidité de Tatum, son vampirisme le pousse à créer l’événement populaire dont il sera finalement la victime. Les mass media – quel nom ! – nous manipulent plus qu’ils ne nous informent. Toutes les semaines, combien de polémiques stériles, de rumeurs illusoires épuisent vainement notre attention ?

Autour du drame de Minosa, mineur indien agonisant, un village se construit, comme par magie, avec des attractions diverses, toujours monnayées. Les “villageois”, nouveaux venus, ne voient jamais Minosa, traité comme un objet, une pure abstraction. Réifier. Jusqu’à un cirque, métaphorique de l’ambiance générale ! Jusqu’à la mort, the show must go on !

Du passage de la ruée vers l’or journalistique, de la nuée des vautours, au vide du désert montagnard rendu à lui-même : s’est-il vraiment passé quelque chose ? Errant, accablé de tant de violences, le père de Minosa se retrouve seul, privé de descendance.

Est-ce une volonté plus ou moins consciente d’évoquer le “génocide des Indiens” et, ici , la légende oubliée de “la colline des sept vautours” ? C’est le retour d’un refoulé impossible, un condensé de la Conquête de l’Ouest sauvage, par un metteur en scène nommé Wilder, le sauvage.

Est-ce aller trop loin, dans une élaboration plus profonde, que de parler d’une “foule de villageois pogromistes”, Wilder étant issu d’une famille judéo-polonaise ?
Emigré aux Etats-Unis alors que l’Europe démocratique chancelle sous la pression des nationalistes violents, Wilder deviendra un réalisateur important dont l’humour iconoclaste sera la signature permanente.

Guy Debord : la société médiatique du spectacle permanent s’est développée, exponentielle et illimitée ! Crash permanent de la réalité et de la vérité qui ne sont plus recherchées…
Des images spéculaires nous assignent en voyeurs impénitents et insatisfaits… Insatiables ?

 

Michel Grob, juin 2017

 

 

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