ENNIO-GIUSEPPE TORNATORE

Le documentaire remarquable de Giuseppe Tornatore, très complet et éclairant aurait pu faire l’économie d’une fin (coda…) hagiographique un brin disproportionnée. Il use et abuse, à mon sens, un peu du « rythme » caractéristique des documentaires venus d’outre-Atlantique. Une phrase courte, impossible à assimiler sur le fond, assénée par un nouveau « témoin », suivi d’une nouvelle phrase courte etc. Ce sont les usages d’aujourd’hui…

Néanmoins, ce film est traversé d’émotions que le réalisateur n’a pas hésité à filmer « en gros plan » sur l’artiste Ennio Morricone. Ce compositeur, habité par la musique et d’une sensibilité rare, dévoile ainsi sa vie traversée de sentiments profonds. Les mots humiliation, culpabilité (colpevole répète-t-il !) reviennent lourdement. En effet, ce musicien aimé par le public, voire vénéré, a été d’abord et systématiquement rejeté par ses pairs. Ce grand amoureux de la musique absolue (musica assoluta) n’a été reconnu que par ses musiques de film, réputées mineures… Le « métier » ne l’a « adoubé » que tardivement, contraint par la formidable estime que sa musique a suscitée.

Et pourtant, le contrepoint, image de notre musique occidentale, même si elle n’est pas toujours perçue, nourrit absolument la musique de Morricone. Placer B.A.C.H. dans le Clan des Siciliens, quel signe ! Sa musique de film reste également presque toujours tonale, au point qu’on la qualifie en toute confusion de classique ! Mais au fond n’est-il pas aussi connu pour avoir surpris tout le monde par l’introduction de « bruits » surprenants, grincements, aboiements, chutes d’objets divers, trouvant leurs origines dans la Musique Concrète, chère à ses années de jeune apprenti compositeur. Un harmonica et une guitare électrique très « distors » (La distorsion est la base fondamentale du rock) que l’on imagine en souriant accompagnés par le plus « sérieux » orchestre symphonique ! Et que dire de l’usage de la voix telle un instrument, le plus souvent sans parole.

Malgré tout coupable ! Coupable de révéler les contradictions, toujours omniprésentes, entre une musique absolue, supposée seule dépositaire de l’art et des musiques rejetées hors de la « vraie musique ».

Ce documentaire, très beau, peut sembler long mais il fait la part belle à la musique de Morricone, si puissante, si forte. À tel point que l’on peut partir avec le regret de ne pas avoir entendu assez de musique de ENNIO.

Pour les Cramés de la Bobine

Christian Chandellier

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