AGA- Milko Lazarov

 

Grand Prix au Festival du film de Cabourg

Du 24 au 29 janvier 2019

Soirée débat mardi 29 à 20h30
Autres séances jeudi et dimanche en fin d’après-midi et mardi après-midi
Film bulgare (vo, novembre 2018, 1h37) de Milko Lazarov aAvec Mikhail Aprosimov, Feodosia Ivanova et Galina Tikhonova

Distributeur : Arizona Distribution

Présenté par Mireille Lhormoy avec Émilie Maj spécialiste de la Yakoutie

Synopsis : La cinquantaine, Nanouk et Sedna vivent harmonieusement le quotidien traditionnel d’un couple du Grand Nord. Jour après jour, le rythme séculaire qui ordonnait leur vie et celle de leurs ancêtres vacille.
Nanouk et Sedna vont devoir se confronter à un nouveau monde qui leur est inconnu.

un homme et une femme seuls dans l’immensité de l’hiver yakoute. Une leçon de vie.

C’est un très beau film, rare, une pépite dans l’océan de productions cinématographiques ordinaires.
Film tourné en Iakoutie région de la Fédération de Russie située au nord-est, non loin du cercle polaire ( Sakha de leur nom d’origine). Film interprété par des acteurs professionnels Iakoutes, dans ce véritable désert glacé par des températures descendant jusqu’à moins 40 degrés. Mais l’histoire racontée n’est pas celle de véritables Iakoutes qui sont traditionnellement des éleveurs de chevaux ou de rennes, mais celle d’Inuits ( peuples vivant dans les régions polaires du nord ).

Et les images de ce film évoquent tout de suite l’admirable film tourné en 1922 par l’explorateur Robert Flaherty  » Nanouk l’Esquimau » qui fictionnait la vie réelle des Inuits canadiens ( un chef – d’oeuvre ).
Aga, se situe dans cette lignée de films d’exception qui révèlent l’Homme face à son destin, face à la nature, face à lui-même.
Tout est silence, blancheur des paysages glacés de l’hiver, une neige profonde et un peu chaotique, s’offre au regard, une ligne d’horizon qui se dérobe entre ciel et terre.

Cet univers silencieux et blanc est dépeint avec de larges plans-séquences, la caméra fixe enregistrant les quelques mouvements de vie, traîneau, animal, qui entrent dans la cadre, traversent le plan, et ressortent à l’autre bord du cadre. Enregistrement de la lenteur et de la rareté de la vie dans cet univers.

Au milieu de ce nulle part, se dresse une yourte artisanale, construite de perches de bois et de peaux de bêtes. Habitat traditionnel de ces peuples éleveurs nomades, qui se révèle fragile lorsque la tempête se déchaîne.
Un homme, une femme et leur chien habitent cette yourte et leur intimité nous est révélée avec de nombreux gros plans de leur visage, de leur repas frugaux, de leur corps ensommeillés, habillés encore de peaux et nous écoutons le bruit de leur respiration.

Nous suivons avec précision et lenteur la vie de ce couple dans leur vie ou survie quotidienne, la pêche et la chasse aléatoires, les parcours en traîneau, les poissons et les peaux qui sèchent dehors, leurs difficultés de tous les jours.

Mais aussi leur sérénité, calme, tendresse rentrée l’un vis à vis de l’autre, leur nécessaire solidarité. Tout est montré avec beaucoup de pudeur et de retenue. La violence est celle de la nature mais les hommes ont une grande maîtrise d’eux-mêmes.

Voir les quelques plans qui nous montrent la femme malade et la progression de la maladie jusqu’à sa mort quasi inattendue.
Ce plan presque furtif où l’on voit le corps de la femme allongée, les yeux clos, et contre-champ sur les yeux rougis et en pleurs de son compagnon.
Ici tout n’est pas expliqué, pourquoi Aga à-t-elle quitté ses parents ( photo du bonheur perdu avec leur fille) que leur a-t-elle fait de mal ? La visite du fils qui vient apporter le bois et l’essence.
Enfin il faut parler de la bande-son, magistrale, qui pendant une grande partie du film ne comprend que quelques échanges rares du couple et à l’unisson de la nature elle aussi discrète et quasi silencieuse.

Ce désert blanc et sonore est cependant de temps à autre perturbé par les bruits propres à la  » civilisation urbaine et matérialiste  » ceux des réacteurs des avions et de leurs lignes blanches tracées dans le ciel, le passage d’un hélicoptère ou le bruit de la moto-neige du fils.
Deux mondes co-existent, celui du film Aga, qui est celui du rêve, de la fable et d’une réalité humaine et culturelle disparue et celui de notre monde moderne. Que l’Inuit du film découvre peu à peu en allant à la recherche de sa fille qui habite bien loin et travaille dans une mine de diamant.
Plan fabuleux à la fin qui montre ce père dans ses habits de peaux avec son visage buriné isolé, minuscule, désemparé au milieu d’une énorme mine traversé de machines découvrant le monde mécanisé, minéral, urbain, dans lequel vit sa fille.
Mais sa fille pleure, elle reconnaît son père.  En même temps que les retrouvailles et le pardon,  elle discerne  en lui,  l’époux qui  annonce la mort de l’épouse, qui par sa simple présence silencieuse lui dit :  » tu n’as plus de  mère » « et moi, je ne peux plus être là bas, je suis déraciné, mais maintenant je suis près de toi ». Tandis que nous, nous voyons  l’humanité qui parcourt tous les êtres humains de tous les temps et tous les espaces.

 

Avec nos remerciements à Emilie Maj notre présentatrice  pour sa sympathie, sa générosité et sa science durant cette belle soirée

 

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